Né le 18 avril 1865 et décédé le 8 janvier 1911, à Paris (Seine). Avocat, professeur au Collège libre des sciences sociales et à l’université libre de Bruxelles. Député du Jura. Membre de l’Ecole Sociétaire Expérimentale.
Ernest Tarbouriech est le fils d’Ernest Léopold Tarbouriech, professeur au réputé collège Sainte-Barbe, et de Adélaïde Angélique Ledier. Il fait ses études dans ce même collège, puis à la faculté de droit, où il va jusqu’au doctorat. Il s’inscrit au barreau et exerce comme avocat à la cour d’appel. Parallèlement, il enseigne au Collège libre des sciences sociales dès la création de cet établissement, en 1895 ; il y fait un cours de législation ainsi qu’un cours sur l’histoire du droit moderne. Il donne également des cours à l’université libre de Bruxelles [1].
Avec sa thèse, soutenue en 1889 et portant sur les assurances contre les accidents du travail, il devient un spécialiste des assurances en général et des risques industriels en particulier ; il participe, la même année, comme secrétaire, à la première session du Congrès international des accidents du travail ; et en 1895, il est chargé, au sein du cabinet d’André Lebon, ministre du Commerce et de l’industrie, d’étudier les débats législatifs sur l’indemnisation des accidents du travail, cela dans le cadre des projets et discussions qui aboutiront à la loi de 1898 sur les accidents du travail. Il publie plusieurs articles et ouvrages sur cette question, travaux qui permettent d’observer son évolution d’une position strictement libérale (en 1889) vers la prise en compte spécifique des conditions industrielles, même en dérogeant aux principes de la responsabilité inscrits dans le Code civil [2].
Un intellectuel dreyfusard
Au moment de l’affaire Dreyfus, il s’engage très activement en faveur du capitaine, s’efforçant dès 1897 de recueillir des signatures en faveur de la révision du procès [3]. Il adhère très rapidement à la Ligue des droits de l’homme, fondée en 1898, et fait partie de son Comité central. Il participe également au mouvement des universités populaires ; il prononce ainsi plusieurs conférences au Foyer du peuple, l’université populaire créée et animée par le fouriériste Louis Guébin [4]. Il est par ailleurs militant libre-penseur et membre de la Ligue française du droit des femmes, association féministe dont il est l’un des vice-présidents [5].
A la même époque, il adhère au socialisme : membre du groupe des étudiants collectivistes (bien qu’il ne soit plus étudiant) en 1900, il représente la même année un groupe du parti ouvrier du Pas-de-Calais au congrès socialiste de Paris.
C’est en 1901 qu’il participe, semble-t-il de façon éphémère, aux activités du mouvement fouriériste. Il figure sur une « liste des membres de l’École Sociétaire Expérimentale » comprenant une cinquantaine de noms [6]. Surtout, il appartient à un « comité d’initiative » chargé de préparer la réalisation d’un « domaine sociétaire » [7] ; ce comité doit plus précisément mobiliser des capitaux, créer une société et rechercher un domaine foncier.
Mais le livre que Tarbouriech publie en 1902, La Cité future, essai d’une utopie scientifique, n’est pas précisément fouriériste. Certes, dans cet ouvrage qui critique le dédain dans lequel est tenu l’utopie par les tenants du « socialisme scientifique », l’auteur fait quelques références - très ponctuelles - à la théorie sociétaire, par exemple quand il assure que la « Cité future » encouragera « les changements de profession [...] pour donner satisfaction à la ‘’papillonne’’ » ; « je parle en disciple de Fourier », ajoute-t-il [8]. Mais il affirme dès le début de son ouvrage que « la question sociale est, avant tout, un problème de science politique et juridique » [9] ; et il promeut un modèle collectiviste très éloigné de l’association intégrale. Certes, « laissons à chacun la liberté de satisfaire [...] la diversité de ses goûts », mais « dans des limites raisonnables » et avec une certaine sobriété, les plaisirs obtenus dans un domaine devant être équilibrés par des restrictions dans un autre [10]. Enfin, il est assez critique envers le modèle coopératif.
On retrouve Tarbouriech au Parti socialiste français (PSF) en 1902 ; après l’unité du mouvement socialiste, en 1905, il fait partie de la fédération socialiste de la Seine. Il s’intéresse notamment aux problèmes agraires, sur lesquels il publie plusieurs articles. Candidat socialiste, non élu, dans l’arrondissement de Saint-Claude (Jura) lors des élections législatives de 1906, il représente la fédération jurassienne dans les congrès nationaux de la SFIO à partir de 1907 ; en 1910, il parvient à se fait élire au second tour député, dans le département du Jura, et dépose à la Chambre, avec plusieurs collègues, une proposition de loi en faveur de la création d’une caisse nationale de garantie contre les sinistres agricoles. Il appartient à la tendance réformiste de la SFIO, privilégiant la voie parlementaire pour introduire des changements dans les conditions de vie et de travail du prolétariat. Déjà malade lors de la campagne électorale de 1910, il décède en janvier 1911. Plusieurs discours sont prononcés lors de ses obsèques, par des socialistes, par des représentants de la Ligue des droits de l’homme, du Collège libre des sciences sociales, du Syndicat de l’enseignement, de la Ligue française du droit des femmes, qui, tour à tour, évoquent la diversité de ses activités et de ses engagements, mais ne mentionnent pas son bref passage par l’École Sociétaire Expérimentale.
[1] Notice d’Ernest Tarbouriech dans Catherine Bruant, « Index biographique des dirigeants du Collège libre des sciences sociales (1895-1940) », Les Études sociales, n°146, 2e semestre 2007, p. 69-71.
[2] Farid Lekeal, « Ernest Tarbouriech (1865-1911), un juriste en socialisme. Un itinéraire intellectuel », Cahiers Jean Jaurès, n°156, avril-juin 2000, p. 15-20.
[3] Article de Jean Longuet, dans L’Humanité, repris dans Ernest Tarbouriech. Député du Jura [...], Paris, s. l., s. d., p. 26-27.
[4] Archives nationales, fonds Guébin, 78 AP 12, affiche annonçant le programme des conférences d’avril 1900.
[5] L’Humanité, 22 juin 1904. Réunion du groupe rationaliste des libres penseurs, avec Tarbouriech ; Alban Jacquemart, Les Hommes dans les mouvements féministes français (1870-2010). Sociologie d’un engagement improbable, thèse de l’EHESS, 2011, p. 78 et Annexe 3, p. X.
[6] L’Association ouvrière, 15 septembre 1901.
[7] Archives nationales, fonds Guébin, 78 AP 12, Le Domaine sociétaire - Premier message de l’Ecole Sociétaire Expérimentale, Roanne, Grande imprimerie forézienne de publicité, s. d. [1901], 4 p. ; texte repris dans La Rénovation, n°134, 30 avril 1901 ; et dans L’Association ouvrière.
[8] La Cité future, essai d’une utopie scientifique, Paris, P.-V. Stock, 1902,p. 326.
[9] Ibid., p. 2.
[10] Ibid., p. 28-29.
Œuvres
Droit romain : de la responsabilité contractuelle et délictuelle. Droit français : des assurances contre les accidents du travail, assurance collective et de responsabilité civile. Thèse pour le doctorat (faculté de droit de Paris), Besançon, Impr. de Millot frères, 1889.
Des Assurances contre les accidents du travail : assurance collective et de responsabilité civile, avec un examen des législations étrangères et un projet de loi voté par la Chambre des Députés, le 10 juillet 1888, Paris : Marchal-Billard, 1889, LXXII-313 p.
Étude sur la situation des actionnaires dans les sociétés anonymes et spécialement dans les compagnies d’assurances lorsque la conversion des actions nominatives en titres au porteur n’est pas possible ou n’a pas été votée par l’assemblée générale, Paris, A. Rousseau, 1889, 29 p. (En ligne sur Gallica).
De l’Attribution, en cas de sinistre, des indemnités d’assurances et des autres indemnités dues à l’occasion de la perte d’une chose. Commentaire des articles 2 et suivants de la loi du 19 février 1889, par A. Darras et E. Tarbouriech, Paris, A. Rousseau, 1890, 60 p. (extrait des Annales de droit commercial français, étranger et international, 1889, n° 6, et 1890, n° 1).
Du Conseil d’État comme organe législatif, Paris, Chevalier-Marescq, 1894, 24 p. (extrait de la Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, n° 5, septembre-octobre 1894).
Contribution à la théorie de la cause. De la Cause dans les libéralités, Paris, V. Giard et E. Brière, 1894, 31 p. (En ligne sur Gallica).
Des dommages et des plus-values résultant de l’exécution des travaux publics. Composition de droit administratif. Agrégation des facultés de droit. Concours de 1895, Paris, V. Giard et E. Brière, 1895, 17 p.
Exposer les principes du droit romain en matière de sûretés réelles et personnelles. Rechercher à laquelle de ces deux formes de crédit les Romains ont recouru le plus souvent dans la pratique, et quelles ont été les motifs de leurs préférences. Composition de droit romain. Agrégation des facultés de droit. Concours de 1895, Paris, V. Giard et E. Brière, 1895, 16 p.
La responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail. Histoire, jurisprudence et doctrine, bibliographie, travaux parlementaires jusqu’à la date du 24 mars 1896, Paris, V. Giard et E. Brière, 1896, XV-516 p. (collection Bibliothèque du Collège libre des sciences sociales) (En ligne sur Gallica).
La Cité future, essai d’une utopie scientifique, Paris : (,) P.-V. Stock, 1902, 484 p. (coll. Bibliothèque des recherches socialistes) (En ligne sur Gallica).
Essai sur la propriété, Paris, V. Giard et E. Brière, 1904, 356 p.-[2] p. dépl. (coll. Bibliothèque socialiste internationale) (En ligne sur Gallica).
Et des articles dans Le Jura socialiste, L’Humanité, La Revue socialiste.
Sources
Archives de Paris, état civil du 6e arrondissement, acte de naissance du 19 avril 1865 (En ligne sur le site des Archives de Paris, vue 23).
Archives nationales, fonds Guébin, 78 AP 12, documents sur l’École Sociétaire Expérimentale et sur l’université populaire « Le Foyer du peuple ».
L’Humanité, 12 janvier 1911 (récit des obsèques).
Ernest Tarbouriech. Député du Jura. Docteur en Droit. Avocat à la Cour d’Appel. Professeur au Collège Libre des Sciences sociales - 1865-1911 - Discours prononcés à ses obsèques, Paris, s. l., s. d., 27 p. [Les discours sont complétés par un article nécrologique d’abord paru dans L’Humanité et dû à Jean Longuet. M. Farid Lekeal, de l’université de Lille 2, m’a aimablement communiqué une copie de cette brochure, introuvable dans les bibliothèques.]
Bibliographie
Catherine Bruant, « Index biographique des dirigeants du Collège libre des sciences sociales (1895-1940) », Les Études sociales, n°146, 2e semestre 2007, p. 57-80.
Farid Lekeal, « Ernest Tarbouriech (1865-1911), un juriste en socialisme. Un itinéraire intellectuel », Cahiers Jean Jaurès, n°156, avril-juin 2000, p. 13-26.
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris, éditions de l’Atelier, 1997, CD-Rom (notice par Justinien Raymond).
Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, Paris, PUF, 1960. (En ligne sur le site de l’Assemblée nationale).
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