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Buisson de Mavergnier (ou Buisson-Mavergnier), (Jacques-François-) Gustave
Article mis en ligne le 12 octobre 2015
dernière modification le 15 octobre 2015

par Desmars, Bernard

Né le 7 octobre 1812 à Darnac (Haute-Vienne), décédé le 7 avril 1882 à Limoges (Haute-Vienne). Médecin, avocat, agronome. Membre de la Société du 15 juin 1840 pour la propagation et pour la réalisation de la théorie de Fourier. Abonné à La Phalange. Actionnaire, travailleur et administrateur de l’Union agricole d’Afrique (Saint-Denis-du-Sig, Algérie).

Fils de Martial Buisson de Mavergnier [1] et de Marie-Julie Mallebay, et neveu du fouriériste Pierre Paul Mallebay Gustave Buisson de Mavergnier fait des études de médecine et exerce comme officier de santé. Il mène aussi des études de droit jusqu’à la licence et se présente parfois comme avocat [2]. Il se déclare encore propriétaire ainsi qu’agronome en tant qu’ancien élève de l’école d’agriculture de Grignon.

Dès les années 1840, il soutient financièrement la cause fouriériste, en prenant des actions de la Société pour la propagation et pour la réalisation de la théorie de Fourier, fondée en 1840 ; à la date de 1843, il est possesseur de quatre actions, qui représentent 2 000 francs [3]. Il demeure alors à Bellac. Dans la seconde moitié de la décennie, il contribue à la formation et au développement de l’Union agricole d’Afrique, la société fondée par des fouriéristes lyonnais qui obtient la concession de terres à Saint-Denis du Sig (Algérie) ; tout d’abord, il prend des parts de la société et figure sur la première liste d’actionnaires, publiée en 1847 [4] ; il souscrit pour 15 300 francs (mais en 1852, il n’a encore versé que 7 150 francs [5]). Il s’installe lui-même dans la ferme de l’Union, vers 1848-1849, et y exerce un temps les fonctions de « directeur de l’agriculture ». Cette fonction semble n’avoir guère duré ; sur une liste d’actionnaires de juillet-août 1850, il est domicilié à Limoges [6] ; en 1856, quand les fouriéristes reprennent le contrôle de la société, un moment dominée par des capitaux oranais éloignés de toute préoccupation sociale, il fait partie des quelques actionnaires qui acceptent de prêter de l’argent pour éviter que l’Union ne disparaisse [7].

Il se marie en 1858 avec Catherine Joachime Léonide Jean, fille d’un marchand de vin et veuve d’un confiseur de Limoges [8]. En 1859, il participe au Congrès scientifique qui se déroule à Limoges. C’est sans doute lui qui, lors d’une séance consacrée à des questions agricoles, se prononce en faveur du partage ou de la vente d’une partie des biens communaux de la Haute-Vienne, et du développement de l’irrigation pour mettre en valeur des terres incultes [9]. Lors de ce congrès, il se présente comme médecin homéopathe. Il intervient dans une discussion sur les meilleurs remèdes contre les fièvres dans la région limousine ; il vante les traitements s’appuyant sur « l’arnica, la cévadille, la fève de Saint-Ignace, la bryone, l’aconit, la belladone et même le quinquina » [10]. Quelques années plus tard, il est l’un des quelque 120 signataires d’un ouvrage demandant l’introduction de l’homéopathie dans les hôpitaux [11].

Dans les années 1860, plusieurs fouriéristes s’efforcent de réorganiser le mouvement fouriériste. En 1867, ils lancent un bimensuel, La Science sociale, et contactent leurs condisciples afin qu’ils s’abonnent, voire collaborent au nouveau périodique sociétaire. Gustave Buisson de Mavergnier prend un abonnement et propose un premier article, promettant d’en envoyer d’autres à condition que l’on ne modifie absolument rien à son texte. Dans ce premier article, il présente un système permettant de faire tomber la pluie des nuages à l’endroit souhaité, invention qui a, dit-il, obtenu l’approbation de sociétés savantes et de professeurs de physique :

Pour avoir une terre habitable et productive, ce ne sont pas là des efforts excessifs, et Dieu le savait bien, il ne s’agissait que d’y songer et puisqu’il a permis que cette idée naquit en moi, je réclame une petite partie de vos colonnes pour traiter tous les 15 jours la question. Pour aujourd’hui il ne s’agit que de vous donner l’éveil, un peu embrouillé peut-être [12].

Fourier, ajoute-t-il, a mis de longues années avant de voir reconnaître la valeur de sa théorie ; il pense qu’il en sera de même pour lui. Son article n’est finalement pas inséré dans La Science sociale et l’on ne trouve dans l’organe sociétaire aucun texte signé de lui.

Il se présente en 1869 aux élections législatives ; alors que ses concurrents s’intéressent à la récente loi militaire, aux impôts et aux questions éducatives, il rédige une profession de foi assez originale où il disserte sur la liberté avant de proposer une réorganisation sociale amenant un travail un plus grand nombre d’individus :

La règle en ce moment est de patauger sur le mot liberté.
Sur de fait, je n’excepte personne, pas même MM. Jules Favre, Pelletan, Jules Simon et le Libéral de Limoges.
Le mot liberté est un terme cumulatif, comme le rayon blanc qui comprend le violet, l’indigo, le bleu, le vert, le jaune, l’orange, le rouge, dont il est la réunion.
Quels droits sont donc contenus dans le mot liberté  ?
Je réponds que si on vous accorde la chose avec le mot, vous pouvez cueillir, pâturer, pêcher, chasser partout où bon vous semblera, et de plus vous liguer, être insouciant et voler l’ennemi.
Mais avec ces droits de sauvage, que deviendra la propriété ?
Vous répliquez : Nous ne voulons pas porter atteinte à la propriété.
Mais alors vous ne voulez pas de la liberté. Qui veut le mot, veut la chose. Que diriez-vous, en physique, de celui qui prétendrait obtenir le rayon blanc sans que les sept couleurs de l’arc-en-ciel y fussent contenues.
Vous répondriez : il est absurde.
Par sentiment, cependant, et non par logique, vous avez raison de ne pas attaquer la propriété, parce que les pays qui ne la possèdent pas sont forts laids, très malheureux, peu peuplés et sans industrie.
Que faut-il donc faire ?
Pour mettre d’accord le droit, le sentiment et le besoin d’industrie, vous ne pouvez demander que l’équivalent de la liberté ou de la propriété.
Cet équivalent, c’est un minimum sortable en échange de votre travail.
Mais la société actuelle peut-elle vous accorder cet équivalent ? Non, parce qu’elle est trop pauvre ; et elle est pauvre parce qu’un tiers seul de ses membres travaille utilement à la production ; les deux autres tiers ou ne travaillent pas ou font un travail nuisible.
Le mot de la situation est donc d’amener au travail nécessaire, utile et agréable, les deux tiers de la population qui y font défaut.
Alors la société deviendra riche et pourra fermer la bouche à toutes les demandes qui, dans l’état actuel de paresse générale, paraîtraient fort déraisonnables.
Limoges, le 7 mai 1869
G. de Mavergnier,
Médecin [13].

Lecteur du Petit Journal, il réagit à un article concernant les nourrices et la protection de la petite enfance. Il se prononce pour la création d’un impôt pesant sur ce qu’il appelle « la noblesse mineure », qui se compose

des célibataires, des mariés sans enfants, des veufs sans enfants et des fortunes grandioses avec un seul enfant.

Si cette classe fortunée était imposée du cent quarante-quatrième de son hoirie, il en résulterait une caisse qui outre le bien qu’elle ferait, rallierait deux classes opposées.
Ceci n’est pas du communisme, mais du garantisme. Je me trouve moi-même marié et sans enfants ; j’ai intérêt au statu quo  : je demande simplement à être imposé pour alimenter cette caisse [14].

À la fin des années 1860 et dans les années 1870, les actionnaires de l’Union du Sig sont divisés en deux groupes : les uns veulent retrouver l’inspiration fouriériste initiale ; les autres souhaitent surtout que leur soient régulièrement versés d’importants dividendes. Buisson de Mavergnier, quant à lui, adhère au projet de ceux qui veulent orienter l’Union du Sig dans le sens de l’association du capital et du travail. Aussi souhaite-t-il de nouveaux investissements et « la construction immédiate d’un bout d’aile du phalanstère » [15]. Mais, en même temps, il demande une augmentation des dividendes versés aux actionnaires, alors que les revenus de l’entreprise peinent déjà à financer l’achat du matériel et du cheptel nécessaires au retour à l’exploitation directe des terres.
En 1877, il est élu administrateur de l’Union, à un moment où de violents conflits agitent la société. Des actionnaires, conduits par Jean Griess-Traut contestent la façon dont est gérée l’Union et mettent en cause la compétence de plusieurs membres du conseil d’administration alors composé, en particulier d’Estève-Laurent Boissonnet, d’Alfred Collard, de Victor Considerant, d’Henry Gautier, de Norbert Hache et de Gustave Buisson de Mavergnier, qui ne connaîtraient rien à l’agriculture et à l’Algérie. Les administrateurs visés répliquent vivement, certains mettant en avant leurs activités agricoles passées ; Buisson de Mavergnier, « propriétaire-agronome » rappelle qu’il a fréquenté l’école de Grignon, qu’il a séjourné à Saint-Denis-du-Sig pendant deux années ; il affirme s’être occupé davantage d’agriculture que de médecine dans ses activités professionnelles [16]. Cependant, arrivé à la fin de son mandat, il cesse d’appartenir au conseil d’administration, sans que l’on sache s’il n’a pas souhaité se représenter ou s’il n’a pas été réélu. Sa veuve figure sur la liste des « fondateurs » de la société des Orphelinats agricoles d’Algérie, qui, sous la conduite d’Henri Couturier reprend l’exploitation du domaine de Saint-Denis-du-Sig [17].