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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Méray, Antoine, dit Antony
Article mis en ligne le 1er novembre 2023

par Desmars, Bernard

Né le 11 mai 1817, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), décédé le 14 avril 1887, à Paris, 6e arrondissement (Seine). Écrivain et journaliste, auteur d’œuvres de fiction et d’études historiques. Collaborateur de La Démocratie pacifique et de la Revue moderne.

Antoine Méray est le fils d’un négociant. Il se consacre à la littérature et publie en 1847 Priape et la comtesse, « un conte en vers assez léger » selon le Grand Dictionnaire universel [1].

La Part des femmes

La même année, on le voit fréquenter l’École sociétaire. Son roman, La Part des femmes, commence à paraître en feuilleton fin juin 1847 dans La Démocratie pacifique. Seuls deux épisodes sont effectivement publiés (le 30 juin et le 1e juillet 1847). Ils valent à son auteur et à François Cantagrel, gérant du quotidien fouriériste, des poursuites devant la cour d’assises de la Seine le 24 août 1847 pour « délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Les deux accusés demandent le report de l’audience, leur avocat étant absent ; mais les magistrats ayant refusé, ils se retirent et sont donc jugés par défaut.

Dans son réquisitoire, l’avocat général affirme que La Démocratie pacifique

a réellement dépassé toutes les bornes ; il nous semble avoir accumulé les peintures les plus licencieuses et les plus funestes pour les mœurs et pour la jeunesse, pour les mœurs en particulier de ces classes pauvres, parmi lesquelles elle cherche à se répandre.

[L’avocat général lit alors plusieurs extraits du feuilleton, non reproduits dans les comptes rendus de l’audience publiés par la presse].

Ce sont là des tableaux, des peintures qui ne peuvent pas sans danger être offerts à la jeunesse de nos ateliers, à de pauvres jeunes filles qu’on dit cependant vouloir protéger.

L’avocat général dénonce au passage

ces feuilletons qui s’impriment tous les jours, qui se répandent par milliers, qui pénètrent dans toutes les demeures, et qui sont en quelque sorte la lecture habituelle de nos ateliers, de nos campagnes, des heures de délassement des ouvriers et des jeunes personnes [2].

Les deux accusés sont condamnés à six mois de prison et 300 francs d’amende [3]. Ils font opposition au jugement et une nouvelle audience a lieu le 30 août ; Victor Considerant vient témoigner :

Il s’empresse de reconnaître que seul il a reçu et après des corrections par lui indiquées, le roman qui était le début d’un jeune homme encore inexpérimenté, et qu’il n’a pas cru que cet ouvrage pût être le moins du monde incriminé sous le point de vue légal.

Cantagrel et Méray sont défendus par Jules Favre et leur condisciple Victor Hennequin. Ils sont déclarés coupables du « délit d’outrage à la morale publique » et condamnés à un mois de prison et cent francs d’amende chacun [4].

Le roman paraît en 1848, dans une version expurgée des passages incriminés [5]. L’auteur ajoute une préface ; il explique qu’il a voulu montrer « les germes des maux préparés aux femmes et par suite à la société » ; son roman veut attirer l’attention sur la situation des femmes, « sacrifiées aux calculs de l’avarice et des convenances », les jeunes filles pauvres étant victimes des manœuvres d’hommes riches [6].

En sera-t-il toujours ainsi ? Nous pouvons à ce sujet, interprétant avec foi l’avenir, répondre hardiment non. Dieu a préparé aux femmes une partie harmonieuse dans le grand concert de l’humanité. Il a donné à ses créatures bien aimées une soif d’amour et de poésie qui les destine à effacer un jour l’égoïsme et la grossièreté de nos rapports sociaux. Mais, pour qu’elles puissent accomplir cette tâche de rédemption, il faut permettre aux précieux essors qu’il a déposés en elles de se développer librement. Il faut cesser d’abuser de notre force pour les mettre brutalement en vente, perdre l’ignoble coutume de tarifer la beauté des filles pauvres et de doter la jeunesse impubère des filles riches [7].

Dans les colonnes de La Démocratie pacifique, en mai 1848, Victor Hennequin fait l’éloge de ce « roman franchement phalanstérien » [8]

Journalisme, littérature et histoire

De 1843 à 1848, La Démocratie pacifique fait paraître une « liste des personnes qui ont concouru à la rédaction » du quotidien de façon régulière pendant les mois précédents ; Antony Méray y figure pour la première fois dans l’année 1848 [9] ; il intervient à la fois sur les questions politiques, sociales et littéraires. Il publie des « Stances prophétiques » dans l’Almanach phalanstérien pour 1848 [10]. Il continue dans les années suivantes à collaborer à La Démocratie pacifique et à l’Almanach phalanstérien, qui accueille, outre ses poésies, un reportage sur l’Exposition universelle de Londres de 1851 [11].

Parallèlement, il se consacre à des activités littéraires : il écrit une chanson dont Allyre Bureau compose la musique et qu’édite Alexandre Brullé ; il rédige avec son condisciple Eugène Nus un ouvrage illustré par le graveur Amédée Varin et destiné à un jeune public, Drôleries végétales. L’Empire des légumes, mémoires de Cucurbitus I. Selon le prospectus de la première édition, parue en 1851 :

Comme les fleurs, comme les oiseaux, comme les quadrupèdes, les légumes sont chargés de reproduire aux hommes le spectacle de leurs vices, de leurs travers, de leurs ridicules, de même que celui de leurs faibles qualités et de leurs imperceptibles vertus.

Ainsi le veut la grande loi de l’analogie universelle à laquelle aucun signe de la nature ne peut se soustraire.

Cette loi découverte par Charles Fourier a été développée par M. Toussenel dans son Esprit des bêtes, et dans la préface des Juifs rois de l’Époque.

Au début de l’année 1853, Antony Méray participe aux séances de spiritisme qui se déroulent rue de Beaune, dans les locaux de la librairie sociétaire aux côtés de Charles Brunier, d’Allyre Bureau, de Louis Franchot et d’Eugène Nus [12].

En juillet 1857, des fouriéristes menés par Charles Sauvestre publient un nouveau mensuel, la Revue moderne. Méray participe à l’entreprise. Il y insère des textes littéraires (nouvelles, poésie), mais aussi un texte sur les « aptitudes des races humaines » et « la supériorité absolue de la race blanche » [13] ; la parution du périodique s’arrête dès février 1858. Méray est aussi mentionné parmi les rédacteurs de L’Économiste français de son condisciple Jules Duval [14] ; sa participation y semble très limitée, avec un compte rendu de lecture [15]. Il fait aussi partie des collaborateurs occasionnels de L’Opinion nationale fondé en 1859 par l’ancien saint-simonien Adolphe Guéroult, mais il quitte la rédaction – où l’on compte plusieurs fouriéristes, comme Charles Sauvestre – dès 1861 [16] ; il y revient dans les années 1870 quand L’Opinion nationale est dirigée par Georges Guéroult, le fils d’Adolphe [17].

Il participe encore le 7 avril 1866 au banquet commémorant la naissance de Fourier [18]. Il n’est plus mentionné ensuite dans les comptes rendus des manifestations fouriéristes, ni dans les publications de l’École sociétaire.

Il rédige des romans ainsi que des ouvrages sur le Moyen-Âge et la Renaissance. Il travaille avec Emmanuel Louis Nicolas Viollet-le-Duc, le père de l’architecte [19]. Il est considéré comme « un bibliophile distingué et un littérateur érudit » [20]. Le Catalogue de livres anciens provenant de la bibliothèque de feu M. Antony Méray indique ses principaux centres d’intérêt : la religion, la littérature et l’histoire. Il témoigne aussi de la richesse de sa bibliothèque, qui comprend de nombreuses œuvres datant de la fin du XVe siècle et des XVIe et XVIIe siècles [21]. On y trouve également les Œuvres complètes de Fourier et des ouvrages de François Cantagrel, Victor Hennequin, Charles Pellarin, Édouard de Pompéry et Alphonse Toussenel [22].