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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Régamey, (Élie) Félix
Article mis en ligne le 16 janvier 2018

par Desmars, Bernard

Né le 7 août 1844, à Paris (Seine), décédé le 5 mai 1907 à Antibes (Alpes-Maritimes). Peintre, dessinateur, caricaturiste ; professeur puis inspecteur de dessin. Membre de l’École Sociétaire Expérimentale au début du XXe siècle.

Fils du peintre Louis-Pierre-Guillaume Régamey et frère des peintres et dessinateurs Frédéric et Guillaume Régamey, Félix Régamey reçoit de son père une première formation artistique ; puis il suit les cours d’Horace Lecoq de Boisbaudran, professeur à l’École impériale et spéciale de dessin et auteur d’une méthode de dessin reposant notamment sur la mémoire visuelle.

Recueil (collection George Sirot). Portraits d’écrivains et hommes de lettres de la seconde moitié du XIXe siècle, tome 7 (1855-circa 1890)

Félix Régamey assure aussi des fonctions d’enseignement (notamment comme répétiteur de Lecoq de Boisbaudran) à l’École libre d’architecture, ouverte en 1865, et à l’École impériale de dessin (future École nationale supérieure des arts décoratifs) [1]. Il expose des œuvres lors des Salons de 1865, 1869 et 1870. Il collabore à différents journaux (Le Journal amusant ; L’Illustration, Le Monde illustré, etc.), qui publient ses dessins et ses caricatures.

Voyages aux États-Unis et en Asie

À la fin du Second Empire, il participe à des manifestations républicaines dans le Quartier latin. Son père étant originaire de Genève, il ne possède pas la nationalité française ; pendant la guerre franco-prussienne, il s’engage dans un régiment composé d’étrangers, la « Légion des Amis de la France », qui participe aux combats de Champigny (29 novembre-3 décembre 1870). À la fin du siège – ou après la Commune selon les sources [2] – il quitte Paris et s’installe à Londres. Il collabore à des journaux anglais, dont l’Illustrated London News.

En 1873, il part aux États-Unis ; il s’établit d’abord à New York, puis à Chicago où il enseigne à l’Académie de dessin (selon l’auteur d’une nécrologie de Régamey, il est « chargé de réorganiser les cours de dessin » de la ville [3]) et à Boston. Il travaille pour des périodiques américains (dont Graphic et Harpers Weekly). Lors de l’Exposition universelle de 1876 à Philadelphie, il rencontre Émile Guimet avec qui il part vers l’Extrême-Orient ; il visite le Japon, une partie de la Chine, de l’Inde, l’île de Ceylan ; le retour en Europe, fin 1877, se fait par l’Égypte. Régamey rapporte de ses voyages en Asie des croquis, des dessins, des peintures et surtout des influences qui se retrouvent dans ses œuvres ultérieures et dans les nombreuses illustrations d’ouvrages et de magazines qu’il donne dans les années suivantes. Il s’efforce de faire connaître le Japon et la civilisation nippone, par ses œuvres picturales, mais aussi par ses conférences, ses textes, ou encore en adaptant des légendes et des pantomimes japonaises. Il fait publier la traduction française d’un roman japonais dont il assure l’illustration [4]. En 1878, il expose de nouvelles œuvres au Salon ; il est aussi présent à l’Exposition universelle dans les sections des missions scientifiques et de l’anthropologie, et dans les galeries historiques et ethnographiques du Trocadéro, avec des œuvres représentant des scènes de la vie publique et privée en Inde, en Chine et au Japon [5].

Inspecteur de dessin et membre de sociétés savantes

Il repart aux États-Unis en 1879 et y étudie l’organisation de l’enseignement du dessin, sur lequel il rédige un rapport publié à son retour en 1881. Il expose à nouveau des œuvres au Salon et il est nommé en décembre 1881 membre de la commission d’enquête sur la situation des ouvriers et des industries d’art en France [6]. Il sollicite en 1882 un poste d’inspecteur du dessin dans les écoles de la Ville de Paris ; il met en avant les « plus sérieuses références » qu’il peut fournir de la part de quelques-unes des notabilités du parti républicain [7] ; il obtient cet emploi en 1884 [8]. Il rédige plusieurs brochures et articles sur l’enseignement du dessin. Il garde un atelier et continue ses travaux littéraires et artistiques ainsi que ses conférences illustrées par des dessins. En 1888, il est fait officier de l’Instruction publique (il était déjà officier d’Académie et titulaire d’une médaille d’or pour les Arts et les sciences, délivrée en Autriche-Hongrie [9]).

D’après ses amis, il manifeste une grande curiosité pour les innovations, avec « des idées ingénieuses » ; l’un d’eux le qualifie de « rêveur épris de logique », faisant « figure de précurseur là même où on s’attend le moins à le retrouver » ; il est l’un des rédacteurs du Vélocipède illustré et il participe à l’organisation des premières courses cyclistes entre Paris et Saint-Germain ; il s’intéresse aussi à de nouveaux procédés de peinture sur étoffes et de « gravure de glaces » ; il fonde des Salons de maquettes de sculpture [10].

Il effectue un nouveau séjour au Japon à la fin des années 1890 ; il est chargé par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts d’y enquêter sur l’enseignement des beaux-arts ; il en ramène un ouvrage, Le dessin et son enseignement dans les écoles de Tokio [sic] [11]. Deux ans plus tard, il est l’un des fondateurs de la Société franco-japonaise, dont il est nommé secrétaire général.

Il est membre de plusieurs autres associations : la Société des amis des monuments parisiens, la Société historique du VIee arrondissement de Paris, dont il est l’un des fondateurs et administrateurs, et la Société d’hypnologie et de psychologie [12]. Il s’intéresse en effet à la place de la psychologie dans la pratique et l’enseignement du dessin ; il est le titulaire d’une chaire intitulée « Psycho-physiologie de l’art » dans une « École de psychologie ». D’après l’un de ses collègues de la Société d’hypnologie et de psychologie, il y « démontr[e] la nécessité pour le véritable artiste de se dégager des lisières conventionnelles imposées par les écoles officielles et y expos[e] les erreurs que la routine ne cesse de perpétuer dans le domaine de l’art » [13].

Membre éphémère de l’École Sociétaire Expérimentale

Sans doute sa fréquentation de Lecoq de Boisbaudran lui a-t-elle fait connaître les idées de Fourier dès le Second Empire. Cependant, c’est tardivement – au début du XXe siècle – qu’on le voit fréquenter les manifestations fouriéristes, peut-être par l’intermédiaire de Julie Avez-Délit, professeur de dessin dans les écoles de la Ville de Paris ou de Louis Guébin, inspecteur de dessin dans les mêmes écoles, tous deux appartenant déjà au mouvement sociétaire. Il figure sur la « liste des membres de l’École Sociétaire Expérimentale » dirigée par Jeanne Fumet, Amédée-Jules Duponchel, Raymond-Duval [14]. Il préside un banquet et une assemblée générale de l’ESE, le 19 juillet 1901 [15] ; ayant sans doute prononcé un discours à cette occasion, il est placé dans « la série des tribuns » lors du rapport qui est fait par Raymond-Duval. Il achète dix exemplaires d’une brochure sur des coopératives publiée par Julie Avez-Délit, le produit devant favoriser l’installation de quelques membres de l’École Sociétaire Expérimentale au Vaumain, près de Beauvais (Oise) [16]. Mais les membres de la colonie se dispersent après quelques mois de vie commune. Il fait encore partie des convives d’un banquet fouriériste, organisé en avril 1905 par l’École Sociétaire Expérimentale pour célébrer la mémoire de Fourier [17]. Son nom n’est plus mentionné dans les comptes rendus des banquets suivants.

En avril 1907, gravement atteint d’une maladie qui le fait beaucoup souffrir, il quitte Paris pour Juan-les-Pins, sur la commune d’Antibes, afin de recouvrer des forces. Mais sa santé se dégrade encore et il y décède.

Il est enterré au cimetière de Clamart. À ses obsèques sont présents les dirigeants de la Société franco-japonaise, mais aussi des membres de l’Association des journalistes républicains [18].

En 1910, un monument est érigé sur sa tombe [19]. Dans les listes de souscripteurs publiées dans le Bulletin de la Société franco-japonaise et lors de l’inauguration du monument, on ne reconnaît pas de disciples de Fourier.