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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Guébin Louis (-Célestin)
Article mis en ligne le 5 octobre 2010
dernière modification le 9 octobre 2010

par Desmars, Bernard

Né à Paris, le 18 juin 1854 ; mort à Paris le 8 janvier 1933. Professeur de dessin, puis inspecteur de l’enseignement du dessin dans les écoles municipales de Paris. Membre et dirigeant de mouvements d’éducation populaire et d’organisations pacifistes. Membre de l’Ecole Sociétaire Expérimentale, vers 1900. Membre du conseil d’administration de l’Union du Sig et administrateur de la colonie de Condé-sur-Vesgre.

Louis Guébin appartient à la dernière génération du militantisme phalanstérien, celle qui s’engage dans les années 1880 et disparaît dans l’entre-deux guerres. Lié à plusieurs groupes et expériences fouriéristes, il témoigne aussi de l’investissement des membres de l’Ecole sociétaire dans différents domaines, en particulier le pacifisme et l’éducation populaire.

Une carrière professionnelle dans l’enseignement du dessin

Né dans un milieu populaire - son père est employé à la compagnie des omnibus de Paris -, Louis Guébin fait d’abord des études primaires ; puis, à 14 ans, il entre à l’Ecole des arts décoratifs, avant d’être admis à l’Ecole des Beaux-Arts à partir de 1873 ; en 1882, il obtient un diplôme d’architecte ainsi qu’un brevet supérieur pour l’enseignement du dessin industriel dans les écoles de Paris. Dans les années suivantes, il enseigne le dessin dans plusieurs établissements (école Monge, Ecole supérieure de commerce et cours d’adultes municipaux) avant d’être nommé en 1889 inspecteur de l’enseignement du dessin dans les écoles de la ville de Paris. A ce poste, il rénove les programmes en 1891 ; il crée en 1895 un cours normal de dessin pour les instituteurs, qu’il dirige lui-même pendant près de deux décennies ; il développe les cours complémentaires professionnels et des cours pour adultes. En 1898, il devient inspecteur principal. Il s’intéresse également à la condition des professeurs de dessin et au déroulement de leur carrière ; il obtient la création d’un régime de retraite et ainsi que l’égalité de traitements pour les professeurs hommes et femmes, inspecteurs et inspectrices ; il stimule la création d’associations professionnelles, ayant lui-même participé en 1887 à la fondation de la société amicale des professeurs de dessin [1].
Jusqu’à la fin de sa carrière professionnelle - il prend sa retraite en octobre 1914 -, et même au-delà, en tant qu’inspecteur principal honoraire et membre de la commission de surveillance de l’enseignement du dessin, il se consacre à la promotion de l’enseignement du dessin, à travers des expositions, des conférences, des articles dans des revues pédagogiques ou artistiques, des ouvrages et des associations comme L’Art à l’école ; il participe régulièrement à des congrès nationaux et internationaux. Il souhaite démocratiser cet enseignement, et aussi le perfectionner en tenant compte des progrès de la psychologie enfantine, afin de stimuler la sensibilité visuelle des enfants [2].

Un militant de l’éducation populaire et du mouvement pacifiste

Ces préoccupations éducatives et cette volonté de démocratiser les savoirs dépassent le seul domaine du dessin et s’expriment aussi en dehors de son activité professionnelle. Louis Guébin participe très activement à plusieurs mouvements d’éducation populaire. Membre du conseil d’administration de la Coopération des Idées créée en mars 1899 pour aider à la fondation des universités populaires, il est à l’origine de l’une d’entre elles, le Foyer du Peuple, située dans le XVIIe arrondissement et fondée à la fin de l’année 1899. Le projet est très ambitieux, puisque les adhérents doivent y trouver, de 9 h à 22 h 30 : une salle de conversation, un fumoir, une bibliothèque, une salle de lecture sur place avec des livres, des journaux, revues...., des consultations médicales et des consultations juridiques gratuites..., en attendant l’organisation d’un laboratoire photographique et de jeux. Cette université populaire semble avoir disparu en 1906, après une vaine tentative de création d’un « Office d’action sociale », qui aurait réuni autour du Foyer du peuple des sociétés philanthropiques (œuvres pour l’enfance en danger, ligue anti-alcoolique, ...) et des associations militantes (section de la Ligue des droits de l’homme). Vers la même époque, Guébin adhère à la Société d’enseignement moderne pour le développement de l’instruction des adultes, qui encourage la création de cours du soir gratuits et ouverts à tous à Paris et dans sa banlieue.
Louis Guébin est également l’un des dirigeants de la Ligue de l’enseignement [3] : membre du Conseil général de la Ligue à partir de 1902, il joue un rôle important dans les années 1920 lors de sa rénovation, comme principal rédacteur des nouveaux statuts de la Ligue qui devient la Confédération générale des œuvres laïques. Il est par ailleurs vice-président du Cercle parisien, fonction qu’il occupe encore lors de son décès. Il participe au milieu des années 1920 aux travaux du Comité d’études pour l’Ecole unique, créé par diverses associations, dont la Ligue de l’Enseignement, le Syndicat National des Instituteurs...., qui souhaitent réformer le système scolaire afin de le rendre socialement moins ségrégatif et plus démocratique.
Il est encore membre de plusieurs autres associations, notamment en faveur de l’enfance en danger (l’Union française de sauvetage de l’enfance), ou encore de la Ligue française pour la moralité publique, ...
Le pacifisme constitue un autre domaine d’intervention de Louis Guébin ; il adhère à la Ligue internationale pour la Paix et la Liberté, fondée en 1867 à Genève, et présidée de 1871 à 1891 par Charles Lemonnier, un ancien saint-simonien qu’il a rencontré vers 1880 et qui semble avoir exercé une très grande influence sur lui. Lors des funérailles de Victor Hugo en 1885, Louis Guébin est d’ailleurs l’un de ceux qui portent la bannière des Etats-Unis d’Europe, aux côtés d’Edmée Boulanger, également militante pacifiste, qu’il épouse en 1886. Président pendant quelques temps de la section parisienne de la Ligue, Guébin est à sa mort l’un des vice-présidents de l’organisation pacifiste. Il est aussi membre de l’association La Paix par le Droit. Il est nommé en 1903 membre de l’Institut International de la Paix fondé par son ami Gaston Moch [4].

Le disciple de Fourier

Louis Guébin est aussi un fouriériste. Cette adhésion aux idées phalanstériennes, dont les origines et les circonstances sont inconnues, peut être repérée dès le milieu des années 1880 : en 1885, il fait partie, tout comme Edmée Boulanger, des premiers membres, puis du comité de la Ligue du progrès social qui s’efforce de relancer le militantisme phalanstérien et de préparer la formation d’une Association agricole [5]. A la fin des années 1890, il fait partie du « comité de la statue » qui s’occupe de l’érection d’un monument en hommage à Fourier [6]. Vers 1900, il appartient à l’un des groupes fouriéristes, l’Ecole Sociétaire Expérimentale, qu’il accueille à l’université populaire du XVIIe arrondissement [7] ; il assiste à plusieurs reprises aux banquets du 7 avril qui réunissent les disciples pour commémorer la naissance de Fourier ; dans les années 1920, il fréquente une éphémère association des Amis de Fourier.
Il est également lié à l’Union du Sig, cette exploitation agricole fondée en Algérie par des fouriéristes à la fin de la monarchie de Juillet afin de réaliser l’association entre le capital et le travail. Guébin y entre au cours des années 1880 - il est absent de la liste des actionnaires publiée en 1880 -, alors que l’Union s’éloigne déjà de ses objectifs initiaux ; il est élu à son conseil d’administration en 1887 et y est constamment réélu jusqu’à sa mort. A partir du début du XXe siècle, il reste probablement le seul fouriériste encore présent dans un conseil fortement renouvelé, qui a abandonné toute ambition phalanstérienne et qui ne vise désormais qu’au développement économique et à la rentabilité financière de l’entreprise.
Mais c’est surtout la colonie de Condé-sur-Vesgre qui mobilise l’énergie de Louis Guébin dans la dernière partie de sa vie ; là encore, c’est dans les années 1880 - plus précisément en 1885 - qu’il en devient l’un des habitants. A partir de 1915, il en est l’administrateur, fonction qu’il occupe jusqu’en 1930 « en homme probe, désintéressé, toujours préoccupé du bien-être de notre Association qu’il défendit souvent avec une habileté tenace et passionnée », selon l’un des colons qui souligne également son caractère « autoritaire » et le qualifie de « Clemenceau de la forêt » [8]. En 1932, malgré des ennuis de santé, il peut encore participer aux manifestations célébrant le centenaire de la colonie et rendre hommage à Fourier. Il est d’ailleurs l’un des derniers de la colonie à revendiquer « l’idéal des fondateurs à une époque où cet esprit est de plus en plus rare » [9] ; « lui seul, je crois, parmi nous, comprenait la pensée des fondateurs de la Colonie et s’efforçait de mettre leurs idées en pratique », affirme un orateur lors de ses obsèques [10].
C’est également un homme d’une très grande culture, nourrie par une volumineuse bibliothèque et de nombreux voyages dans toute l’Europe et au Moyen-Orient, dont témoignent notamment ses archives personnelles, déposées par son fils Pascal aux Archives nationales en 1946.
Il meurt d’une pneumonie le 8 janvier 1933.