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Brémond, Jean-Baptiste-Jérôme
Article mis en ligne le 3 septembre 2011
dernière modification le 26 janvier 2015

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Brignolles (Var) le 8 février 1760. Décédé à la Verrerie (Suisse, canton de Fribourg) le 10 novembre 1839. Marchand de peaux, député à Paris par sa corporation en 1788, folliculaire en 1789 à Paris, secrétaire particulier du ministre de l’intérieur Terrier de Monciel en 1792, Naturalisé suisse. Propriétaire. Bourgeois de Progens et Grattavache (Suisse, Canton de Fribourg). Consul-général de Portugal et du Brésil en Suisse. Chevalier de l’ordre de la Croix du Christ en 1824. Membre correspondant de l’Union harmonienne à La Tour de Peyls (Suisse).

Fils de Jean-François Brémond, marchand de drap et d’Elisabeth Saurin, il est envoyé à Paris pour défendre les intérêts fiscaux de sa corporation provençale des négociants en peaux, en 1788. Du fait de son éloquence, il affirme qu’il serait devenu secrétaire particulier de Louis XVI de 1788 au 10 août 1792. A partir de mai 1789, il publie plusieurs feuilles où il développe des idées favorables à la Révolution. Après le 17 juin, le ton adopté le range parmi les stipendiaires du camp royal. Il affirme même que ses publications sont validées par Louis XVI lui-même. Il est en revanche, sans que cela soit officiel, secrétaire du marquis Terrier de Monciel, ministre de l’intérieur en 1792. Emigré après le 10 août 1792, il se réfugie en Suisse vers 1793-1794 et s’installe tout d’abord à la Neuveville en 1795, où il vit du commerce de diamants puis à Semsales (canton de Fribourg) en 1796. Il s’associe en 1800 avec le marquis de Monciel dans ces entreprises. Cette même année, il acquiert la propriété des mines et verreries, construit la ferme modèle de la Châtelaine à Grattavache (auj. Commune de la Verrerie, district de Veveyse). Il épouse en 1804, Salomé Lugeon, fille d’un marchand de peau. Deux fils et une fille naissent de cette union, Antoine, Jules et Louise. La verrerie de Semsales devient une des plus prospères, Brémond étant aidé par le Directoire helvétique qui lui fournit le combustible. En 1802, il emploie près de cent cinquante ouvriers à l’année et jusqu’à trois cents vers 1820. Agronome distingué, il agrandit l’exploitation agricole par la mise en valeur des pâtures et tourbières après extraction du combustible.

Entrepreneur, il s’associe à Sébastien-Nicolas Gachet qui a pour projet de développer un commerce avec le Brésil. Brémond paraît être à l’origine de la modification du projet initial de Gachet qui est finalement mandaté en 1817 par le gouvernement fribourgeois pour négocier avec Jean VI de Portugal, l’envoi de colons suisses « sans-patrie » au Brésil « professant tous la religion catholique, apostolique et romaine ». Brémond finance même le voyage de son associé au Brésil. Alors qu’il reçoit mandat du Conseil d’Etat fribourgeois pour cette négociation, Gachet signe le 23 mai 1817 un traité d’association en commandite avec Jean-Baptiste-Jérôme Brémond. L’objectif de Brémond est d’implanter « des établissements d’agriculture et de vacherie ». Néanmoins, si Gachet réussit dans sa mission diplomatique, ses tentatives de représentant de société commerciale échouent. Il fait alors désigner Brémond, « dévoué à la cause de la Légitimité » comme consul général du Portugal et du Brésil près la Confédération helvétique avec pour mission secrète d’orienter exclusivement les migrants helvètes vers le Brésil. Cette accréditation est effectuée officiellement le 2 mai 1818 ; le 11 mai suivant, un traité de colonisation donne naissance à la Nova Friburgo (district de Cantagallo). Brémond n’est cependant pas reconnu en droit comme consul-général, même si les autorités helvétiques le considèrent comme tel. Il est chargé de convaincre les autorités cantonales du bien fondé du projet. Face aux autorités bernoises, il accepte un nombre de prétendants de la religion réformée. Dans le canton de Vaud, devant le refus des autorités, il fonde une association d’entrepreneurs afin de fonder une verrerie et une brasserie à Nova Friburgo. Son but, déclare-t-il également dans un document qu’il adresse aux autorités fédérales, est d’envoyer au Brésil « tous les ouvriers et tous les artisans qui par leur réunion composeraient l’atelier complet de métallurgie, depuis le bûcheron, le charbonnier, les mineurs, les fondeurs de minerais, les forgerons jusqu’aux fabricants de clous » [1].

L’arrivée simultanée à Bâle des migrants des différents cantons et les difficultés d’embarquement conduisent à dévoiler les buts mercantiles de l’opération coloniale. Brémond s’est associé à un entrepreneur, Frédéric Frey, afin de spéculer sur le coût du passage vers la Hollande. Par ailleurs, le premier convoi de migrants nécessite plus d’embarcations que nécessaire, Brémond ayant chargé 400 colis de marchandises destinées à son entreprise commerciale. L’attente en Hollande des colons met fin à l’union entre Brémond et Gachet. Une série de procès entre les différents protagonistes éclairent les ambitions de chacun. Brémond, disgracié aux yeux des autorités helvétiques, conserve néanmoins la confiance des autorités portugaises qui le distinguent du titre de chevalier de l’ordre du Christ en 1824. Un fondé de pouvoir à la Nova Friburgo, Quévremont se charge également de développer les vues de Brémond : installer une verrerie et un filature de coton.

Fervent catholique, Brémond assortit son projet de colonisation d’une fondation religieuse annexée à la chapelle de Notre-Dame du Bon-Secours qu’il projette d’établir dans son domaine de Semsales. Cette œuvre doit apporter protection au projet de colonisation mais également honorer les familles de Bourbon et Bragance. Royaliste, voire ultra-royaliste, il rejette la Révolution, « les malheurs de l’Europe sont le résultat des doctrines religieuses et antisociales, dont les Sophistes du dernier siècle ont répandu le poison sur les premières classes de la société ». Il accepte par raison l’accession au trône de Louis XVIII puis Charles X, sa vie étant cependant marquée par la conviction de l’évasion du Dauphin de la prison du Temple. Il utilise sa fortune à la recherche de l’héritier. En 1837, il est entendu par les magistrats helvètes, à la demande du tribunal de la Seine, afin de témoigner dans l’affaire du prétendant Louis XVII, « Guillaume Naündorff, se disant Charles-Louis de Bourbon, duc de Normandie, fils de Louis XVI, et inculpé d’escroqueries commises au moyen de ces faux noms et fausses qualités ». Brémond affirme alors que l’individu est bien le prétendant au trône.

L’origine des liens qu’il entretient avec Fourier et ses disciples reste inconnue. En janvier 1836, Brémond souhaite mettre en relation Charles Fourier et Pierre-Hyacinthe Azaïs, qui vient de publier De la vraie médecine et de la vraie morale. Azaïs, « le docteur des compensations » écrit Brémond, a publié en 1809 un ouvrage, Des compensations dans les destinées humaines, et a présenté « une théorie de la vérité universelle » à l’Athénée de Paris la même année, théorie déjà annoncée, imprimée et présentée à « S. M. l’empereur et roi » sous forme d’un discours en 1808. D’après Fourier, Azaïs n’est cependant qu’un « maraudeur », non pas tant de son propre système que de celui de Newton et Leibniz. Le système d’Azaïs, s’il emprunte à l’analogie, n’est pour Fourier que fausseté, « l’unité de l’univers n’existe pas encore. Le monde social n’est pas encore parvenu à l’unité sur notre Globe, puisque les 3 sociétés civilisées, barbares, sauvages ne veulent pas s’identifier à un régime unitaire » [2]. Reydor, dans une lettre à Clarisse Vigoureux, rejette la demande de Brémond, « cette visite pouvant ne pas être agréable à Monsieur Fourier », mais condamne le silence du centre parisien au sujet des propositions d’organisation de Brémond. Reydor souligne la sincérité et l’intérêt financier de sa contribution pour la réalisation. « En supposant que son Louis XVII ne fut qu’une chimère, [...] la coopération de ce Monsieur n’est point à dédaigner [...], il peut faire sortir de terre des trésors immenses [une mine de platine], mais il a juré à Louis XVI de n’employer ces ressources cachées qu’au moment propice pour opérer une triple Restauration, Religieuse, sociale et politique » [sic]. Pour Brémond, le Phalanstère a « tous les caractères de la vraie rénovation sociale. Pour Religion il veut le christianisme [...] et ne traitera qu’autant qu’on lui assurera qu’aucune tentative de changement ne sera faite sur ce point important. Quant à la Politique, il se montrera plus accommodant » [sic], même si « des révélations magnétiques » [sic] lui ont confirmé sa croyance en la survie du Dauphin. La rencontre n’a donc pas lieu, malgré le souhait de voir Clarisse Vigoureux jouer le rôle de secrétaire des deux vieillards, Brémond proposant de n’intervenir dans la discussion que pour indiquer « ce qu’il [...] paraît manquer à leur sistème [sic] ». L’Ecole sociétaire reste cependant attentive aux écrits d’Azaïs, donnant à la réflexion des phalanstériens, dans la Phalange du 23 octobre 1840, un « Rapport de la loi qui régit les sons avec la loi qui régit les combinaisons chimiques » donné à l’Académie des sciences par Azaïs. Brémond père (orthographié alors Bremont), quant à lui, est, selon l’Almanach social pour l’année 1840, paru donc avant son décès, correspondant et membre de l’Union harmonienne, et réside à la Tour de Peyls, près de Vevey (Canton de Vaud, Suisse).