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Richardet, Victor
Article mis en ligne le 16 mars 2022

par Desmars, Bernard

Né le 5 novembre 1810 à Salins (Jura), décédé le 30 septembre 1879 à Salins. Agent voyer, puis journaliste et homme politique. Député du Jura à l’Assemblée législative de 1849 à 1851. Abonné à La Phalange.

Victor Richardet est le fils d’un ébéniste. En 1837 – il effectue alors son service militaire et est maréchal des logis au 6e régiment d’artillerie –, il épouse Julie Bonnet, fille de propriétaires de Salins. Quand naît leur premier enfant, en 1838, il est agent voyer de l’arrondissement de Poligny, ville où il demeure. Pourtant, plusieurs de ses enfants naissent à Salins, au domicile de son beau-père [1]. Seule Sophie naît à Poligny le 10 août 1842.

À la fin des années 1830, il prend, avec Jean-Baptiste Epailly, géomètre à Poligny, un abonnement à La Phalange, par l’intermédiaire de Wladimir Gagneur [2]. Il s’efforce de propager les idées républicaines et socialistes par la plume et la parole : il écrit dans Le Salinois et organise des réunions dans les environs de Salins.

L’ardeur manifestée sous la monarchie de Juillet en fait « un des leaders du mouvement démocratique salinois » après Février 1848. « Militant actif, voire emporté, doué pour l’organisation, il est le véritable chef des républicains et socialistes » [3]. Il devient adjoint au maire de Salins et quitte son emploi d’agent-voyer. Avec Max Buchon, il fonde La Démocratie salinoise qui paraît de juin à décembre 1848, avant de se transformer en Démocratie jurassienne (décembre 1848-juillet 1850). Quand il se présente aux élections législatives de mai 1849, il est « vigneron » [4] ; il est élu et siège dans les rangs de la Montagne ; il vote contre la loi Falloux (mars 1850) qui renforce le rôle du clergé catholique dans l’enseignement, ainsi que contre la loi de mai 1850 qui ôte le droit de vote à environ un tiers des électeurs. En juillet 1849, il fait une « proposition relative à l’extinction de la misère » [5]. Il intervient avec beaucoup d’ardeur et de véhémence à l’Assemblée législative, et se présente volontiers comme révolutionnaire :

Je suis révolutionnaire parce que la République est mère de la révolution et que la République est notre mère (Explosion d’hilarité).

Je suis révolutionnaire, parce que les contre-révolutionnaires ont depuis trente-trois ans creusé l’abîme où la société se débat, parce que depuis trente-trois ans ils ont dépensé 40 milliards, sans qu’il y ait eu un million pour la classe pauvre.

Je suis révolutionnaire parce que depuis trente-trois ans les contre-révolutionnaires n’ont employé l’armée que pour dégrader l’honneur national (Violents murmures) [6].

Quand il est poursuivi par la justice en tant que gérant de La Démocratie jurassienne, pour la parution d’articles « « excit[ant] à la haine et au mépris du gouvernement de la République », « cherch[ant] à troubler la paix publique, en excitant au mépris ou à la haine des citoyens les uns contre les autres », une large majorité de députés lève son immunité parlementaire [7] ; il est toutefois acquitté à Besançon en décembre 1849 [8].

Il est d’ailleurs considéré comme « un rouge » et un dangereux révolutionnaire par la presse et les publicistes conservateurs [9].

Le coup d’État et ses lendemains

Le 2 décembre 1851, il fait partie des députés qui tentent de s’opposer au coup d’État. Selon Victor Hugo, il est, comme plusieurs autres députés, victime de violences de la part des soldats : « Richardet, infirme, fut culbuté et brutalisé » [10]. Arrêté vers le 10 décembre [11], il passe devant une commission mixte qui décide le 8 janvier son envoi à Cayenne [12]. La presse annonce vers la mi-janvier son transfert à Brest, avec celui d’autres députés républicains (Marc Dufraisse, Jean-Louis Greppo, Félix Mathé, Jules François Miot). Il est conduit à bord du Duguesclin, transformé en ponton, dans l’attente du départ pour la Guyane [13]. Mais son mauvais état de santé provoque son transfert au dépôt de la préfecture, puis à l’hôpital Saint-Louis de Brest [14]. Finalement, il est expulsé du territoire français [15].

On ignore dans quel pays il se rend et de quand date son retour en France. Il semble être ensuite resté en dehors de la vie publique. Tout juste peut-on noter, en 1878, une pétition qu’il adresse à la Chambre des députés ; il y « propose un ensemble de réformes dont quelques-unes ont déjà été accomplies, et les autres embrassent toute l’administration publique et judiciaire de la France ». Selon la commission qui examine la pétition, « le moment […] paraît mal choisi pour entreprendre un si vaste travail, et les bases proposées par M. Richardet ne […] semblent pas susceptibles d’être admises par la Chambre » [16].

Même à Salins, où il réside, son existence est sans doute assez discrète et son activité politique sous la Deuxième République largement oubliée : l’hebdomadaire Le Salinois cite son nom dans la liste des décès de la semaine, à la rubrique « État-civil », mais il ne lui consacre aucun article rappelant son activité politique et son mandat de député.