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Becdelièvre (de), Émilie (Caroline Alix)
Article mis en ligne le 16 juin 2017
dernière modification le 26 juin 2022

par Desmars, Bernard

Née à Carquefou (Loire-Inférieure, aujourd’hui Loire-Atlantique). Décédée à Carquefou le 19 juin 1860. Lectrice de La Phalange.

Émilie de Becdelièvre appartient à une importante famille noble de la région nantaise, qui possède un château à Carquefou.

Elle est l’auteure d’une longue lettre adressée en août 1836 à Victor Considerant [1]. Elle vient de lire les quatre premiers numéros de La Phalange et souhaite confier ses réflexions au directeur de l’organe fouriériste :

je puis sans crainte vous exprimer ma pensée puisque vous n’êtes pas de ceux qui ont condamné mon sexe aux simples occupations de l’aiguille et du fuseau et qui lui ont interdit, sous peine d’un ridicule infamant, toute méditation grande et toute étude sérieuse et noble.

Elle se trouve en communion d’idées avec une grande partie du contenu de La Phalange, et tout d’abord la critique de la vie politique : elle dit « avoir ressenti déjà depuis longtemps ce que vous [Considerant] exprimez si bien, tout ce que la politique de nos jours a de petit, de mesquin ». Elle dénonce « ces éternelles discussions de parti, ces fastidieuses questions de personnes et de pouvoir ».

La question sociale est bien la question principale, avec

ces millions d’hommes qui supportent le poids de la chaleur et du jour, qui ne connaissent guère de la vie que les privations et les souffrances, qui sentent à peine qu’ils ont un cœur d’homme, ou qui ne s’en apperçoivent [sic] que pour y laisser rentrer l’idée du crime ou le désespoir. Pauvres au milieu de notre luxe insultant, privés de tout quand tout leur parle de notre abondance ; voués au malheur, à la porte de nos palais dorés ; les jouissances matérielles leur sont refusées par leur position sociale ; les jouissances intellectuelles leur sont interdites par leur éducation, les jouissances morales leur sont inconnues. Que leur reste-t-il donc ? Que leur a donné cette politique qui parle si haut de la liberté et du bonheur des peuples ? Ce qu’elle leur a donné, le voici ; elle a décrété avec emphase les droits de l’homme et du citoyen ; elle a proclamé une charte avec un grand bruit d’applaudissement. « Le papier souffre tout », disent nos bonnes gens. Et ils ne disent pas mal quelquefois.

Émilie de Becdelièvre souligne l’illusion des « grandes promesses politiques et philanthropiques », des « tirades paresseuses sur les progrès de la civilisation, sur les produits merveilleux de l’industrie et sur la félicité universelle qui doit, dit-on, en être la conséquence nécessaire et immédiate » ; aussi rend-elle hommage à ceux qui, comme Considerant, se proposent « d’améliorer le sort physique, intellectuel et moral de la classe la plus nombreuse », reprenant ainsi une formule saint-simonienne.

Ma sympathie vous est donc assurée puisque vous tendez à ce but et que vous voulez l’atteindre à tout prix. J’applaudirai à vos généreux efforts et au milieu de cette nuit de misère, d’immoralité et de folie qui nous enveloppe, je me consolerai à la vue de cette lumière qui brille déjà à l’horizon et que doit dissiper nos ténèbres.

Toutefois, une grande partie de sa lettre concerne ses réserves sur la place accordée par Considerant à la religion chrétienne :

Je ne veux pas cependant vous le dissimuler ; ma joie a été troublée en vous lisant, mon espérance a chancelé et quelque chose est retombé bien lourd sur mon cœur pour en comprimer l’élan et en arrêter l’enthousiasme. Parmi les moyens propres à atteindre le but que vous vous proposez, vous ne comptez pas l’Évangile, ou plutôt vous le jetez dans un coin, comme un vieux livre rongé des vers et qui ne peut vous être bon à rien. Ou tout au plus vous le respectez comme un monument curieux d’un autre âge. Et pourtant, l’Évangile est rempli de paroles de providence [2], de consolantes pensées d’espérance et d’avenir. Les hommes, il est vrai, l’ont souvent défiguré ; ils en ont détourné le vrai sens pour le faire servir à leurs petites passions aux petits calculs de leur égoïsme, aux intérêts d’une ambition mal entendue et souvent désastreuse ; de quoi les hommes n’abusent-ils pas ? Mais vous, homme de loyauté et de bonne foi, est-ce sur les fausses interprétations qu’on en a faites que vous devez juger ce livre divin, ce livre qui sera toujours la vraie charte de l’humanité ; la vraie déclaration des droits de l’homme, quoi qu’on dise et qu’on fasse, Jésus sera toujours le sauveur de tous, l’unique rédempteur du genre humain. Et il me serait facile de vous montrer que, tout en le reniant, vous parlez souvent son langage, et vous vous rangez malgré vous sous ses enseignes, toutes les fois que vous voulez sincèrement la liberté et le bonheur des hommes.

Elle craint une doctrine sociétaire éloignée du christianisme et des Évangiles :

Quel vide immense vous laisseriez dans votre doctrine du reste si généreuse, si élevée au-dessus des vues étroites de la politique de nos jours ! Vous voulez améliorer le sort de tous, et c’est aussi le principal but de l’Évangile.

Surtout, face à la mort et aux peines qui affligent les hommes,

contre ces douleurs inévitables, quelle espèce de nouveau stoïcisme mettez-vous à la place des consolations que l’Évangile réserve aux cœurs affligés ?

La Phalange ayant dans son premier numéro déclaré qu’il ne fallait pas regretter les « croyances perdues, perdues et passées, passées sans retour » [3], Émilie de Becdelièvre répond que « nous pleurons tout au plus sur ceux de nos frères qui ont eu le malheur de perdre ces croyances » :

Nous sommes profondément convaincus que tout cœur généreux animé par des croyances contribuerait plus sûrement et plus promptement aux progrès de l’œuvre sociale.

Enfin, Émilie de Becdelièvre craint que Considerant et ses amis ne finissent par « clouer notre destinée ici-bas », qu’ils oublient l’au-delà et qu’ils n’aient « rien de précis, de déterminé à offrir à ces nobles pressentiments de notre âme » :

Si vous vous taisez sur questions, ce serait un nouveau vide que vous causeriez dans votre doctrine sociale et que rien ne pourrait remplir. Ah ! présentez donc aux hommes de ce siècle, si incertains encore sur leur destinée, à tant d’âmes découragées par tant d’efforts inutiles pour réformer notre société, à tant de jeunes cœurs pleins de pensées généreuses et d’un noble enthousiasme, présentez un système complet de science sociale, un système qui ne laisse point de lacunes, qui embrasse tout l’homme et la société toute entière. Puissent mes vœux se réaliser bientôt.

Cette lettre est publiée peu après dans La Phalange [4] ; Victor Considerant, sans s’adresser directement à Émilie de Becdelièvre, utilise l’occasion pour faire une longue mise au point sur les dogmes, la foi et la science sociale sous le titre « Discussion sur les dogmes » [5].

Cette lettre est la seule manifestation connue de l’intérêt porté par Émilie de Becdelièvre à la théorie sociétaire. En 1838, elle se marie à Nantes avec Joseph Balthazar de Courtaurel, comte de Rouzat.