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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Beauquier, Charles
Article mis en ligne le 5 septembre 2015
dernière modification le 17 octobre 2015

par Desmars, Bernard

Né le 18 décembre 1833 à Besançon (Doubs), décédé le 12 août 1916 à Besançon. Licencié en droit et chartiste. Journaliste politique. Député radical. Pacifiste, anticlérical et féministe. Membre, pendant peu de temps, de la Ligue du progrès social et de l’Union phalanstérienne.

Pierre Joseph Beauquier – qui est présenté comme propriétaire et garde national lors de la naissance de son fils Charles – travaille dans les services de comptabilité des lycées, ce qui l’amène à changer de résidence assez fréquemment. Aussi, Charles fait-il ses études en différents lieux : à Besançon, à Mâcon, au Puy et à Limoges. A la fin de ses études secondaires – on est alors dans l’année scolaire 1851-1852 – il a pour professeur de philosophie Challemel-Lacour, dont l’enseignement est interrompu par le coup d’Etat du 2 décembre et son départ pour la Belgique. Le père de Charles a peut-être eu lui-même des difficultés liées au changement de régime ; en tout cas, il prend sa retraite en 1852 et s’établit à Besançon.

L’engagement républicain et anticlérical

Ayant obtenu une licence de droit à l’université de Paris, Charles s’inscrit au barreau. Mais il est reçu à l’Ecole des Chartes et il effectue une formation d’archiviste-paléographe à l’issue de laquelle il soutient une thèse intitulée Étude sur l’histoire de l’agriculture au temps des Francs : maison rustique mérovingienne. Ses études terminées, il se lance dans le journalisme politique du côté des adversaires du régime impérial ; au Figaro (il y rencontre Rochefort), à La Tribune de Pelletan et au Réveil de Delescluze. En 1868, il crée avec quelques amis franc-comtois (dont Max Buchon) un hebdomadaire, Le Doubs  ; il y soutient la candidature d’Edouard Ordinaire pour les élections législatives, et défend des positions pacifistes et hostiles à l’Empire. Ses articles lui valent une condamnation à un mois de prison et 300 francs d’amende, ce qui ne l’empêche pas de continuer dans le même sens.

A côté de ses activités politiques, Beauquier s’intéresse beaucoup aux activités littéraires, artistiques et musicales ; il est l’auteur de plusieurs articles (sur Proudhon, sur Hugo, sur des artistes franc-comtois, sur des salons de peinture…) publiés dans la Revue littéraire de Franche-Comté ; il collabore à plusieurs périodiques musicaux (La Gazette musicale, Le Monde musical et Le Ménestrel) et publie Philosophie de la musique, en 1865.

Après la chute de l’Empire et l’établissement du gouvernement provisoire, il est nommé sous-préfet de l’arrondissement de Pontarlier. Puis, ayant démissionné début 1871 après la signature de la paix, il devient rédacteur du Républicain de l’Est, journal dans lequel il exprime des opinions républicaines intransigeantes. Au conseil général du Doubs, où, en 1871, il est élu par le canton de Besançon-Nord, il s’oppose avec virulence aux conseillers monarchistes, allant même jusqu’au duel.

Elu au conseil municipal de Besançon en 1874 [1], il se caractérise par son anticléricalisme : il souhaite notamment empêcher les processions et diminuer ou supprimer les subventions attribuées à des congrégations et les sommes consacrées à l’entretien des édifices ecclésiastiques. Cette attitude, et ses efforts en faveur de l’érection d’une statue de Voltaire lui valent le surnom de « Voltaire franc-comtois ».

En 1880, il est élu député lors d’une élection partielle où il affronte un opportuniste, Olivier Ordinaire, fils d’Edouard Ordinaire, le candidat qu’il avait contribué à faire élire en 1869 ; hostile au cumul des mandats, il démissionne alors de ses fonctions électives locales. Il est désormais constamment réélu jusqu’en 1910 et finit donc sa carrière parlementaire en 1914 (il ne se représente pas) après avoir vainement tenté sa chance au Sénat en 1903. Ses interventions et ses votes au Palais-Bourbon sont dominées par l’anticléricalisme, le pacifisme et le féminisme ; il est à la tête du Groupe parlementaire du droit des femmes fondé en 1894 à l’appel d’Eugénie Potonié-Pierre ; en 1905, il dépose une proposition de loi tendant à supprimer l’incapacité légale de la femme mariée. Il est également favorable à la décentralisation administrative, à la protection de l’environnement (il préside un moment la Société protectrice des paysages, et au parlement, dépose des propositions contre l’abus de l’affichage publicitaire, pour la création de réserves boisées et la protection des sites pittoresques). Par ses interventions, il s’efforce aussi de soutenir l’industrie horlogère de Franche-Comté.

Un bref passage par le fouriérisme

Dans les années 1880 et 1890, il fréquente le mouvement fouriériste. Il fait partie de la Ligue du progrès social, fondée en 1885 par Étienne Barat afin de reconstituer une Ecole sociétaire moribonde [2]. Ce groupe, sous la direction d’Hippolyte Destrem, publie à partir de 1888 La Rénovation ; Beauquier s’y abonne [3]. Destrem parle de lui comme l’un de « nos amis » [4]. En 1891, il fait un discours lors des obsèques du fouriériste bisontin Ledoux dont il met en avant l’engagement sociétaire [5]. En 1897, il figure sur une liste de personnes invitées au banquet du 7 avril organisé par l’Union phalanstérienne – mais il se fait excuser [6]. Il verse 10 francs pour la réalisation de la statue de Fourier [7].

Parallèlement à ses activités politiques, il s’intéresse au folklore franc-comtois et collecte les « sobriquets, dictions, contes relatifs aux villages du Doubs, du Jura et de Haute-Saône » ; il publie un recueil de chansons populaires de Franche-Comté, ainsi que des ouvrages sur la cuisine et sur « la faune et la flore populaire » de sa région.

Progressivement, ce radical libre-penseur est débordé sur sa gauche. Condamnant plusieurs mouvements de grève, il dénonce les socialistes et leurs utopies, comme en 1907, où il déclare : « Nous ne connaissons qu’un seul de ces rêveurs qui ait eu la bonne foi, la sincérité de donner le détail précis de son organisation sociale... C’est notre compatriote Fourier et bien que par certains côtés ce fut un homme de génie, il a sombré dans le ridicule » [8]. Ce pacifiste finit par souhaiter une armée forte et disciplinée et se rallie à l’Union sacrée en 1914.