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Franchot, Charles-Louis-Félix, généralement prénommé Louis
Article mis en ligne le 5 septembre 2011
dernière modification le 18 janvier 2013

par Desmars, Bernard

Né le 16 septembre 1809 à Saint-Venant (Pas-de-Calais), décédé le 31 juillet 1881 à Ancerville (Meuse). Fonctionnaire des impôts, inventeur (qualifié selon les cas de mécanicien, ingénieur). Membre du comité de La Démocratie pacifique entre 1843 et 1848. Participant aux banquets fouriéristes, souscripteur de la Librairie des sciences sociales et abonné au Bulletin du mouvement social dans les années 1870.

Un inventeur

Louis Franchot (mairie d’Ancerville, Meuse)

Charles-Louis-Félix Franchot est le fils d’un officier qui a combattu dans les armées révolutionnaires, puis napoléoniennes et a terminé sa carrière avec le grade de lieutenant colonel, la décoration d’officier de la légion d’honneur et le titre de baron de l’Empire. Lui-même est pendant quelque temps contrôleur des contributions directes, à Châteaudun, dans les années 1830 [1].

Mais dès les années 1840, c’est comme « mécanicien » et surtout comme « ingénieur » qu’il est présenté dans la presse ; il est en effet l’inventeur d’une machine à air comprimé (présentée à l’Académie des sciences qui s’abstient cependant de faire un rapport sur l’invention) et surtout d’une lampe modérateur qui lui assure une certaine réputation [2]. Il soumet aussi à l’Académie des sciences un modèle de « parachoc » qui permettrait d’amortir les chocs lors des collisions de chemin de fer [3]. Avec Tessié du Motay, il dépose en 1843 un brevet sur un système de tunnel sous la Manche : les deux inventeurs proposent de placer au fond de la mer un tube en fonte constitué de nombreux segments s’adaptant au relief sous-marin ; des wagons pourraient y circuler, mus, non par des locomotives à vapeur, mais grâce à des machines à air comprimé [4].

Proche de Considerant

Franchot a semble-t-il d’abord été lié au courant saint-simonien [5] ; mais il rejoint ensuite le mouvement fouriériste. En 1840, il est présenté comme « un de nos amis » dans La Phalange qui décrit sa « machine à air » [6]. Il collabore à La Phalange, puis à La Démocratie pacifique, et appartient au conseil de rédaction de ce quotidien ; il est également commissaire lors du banquet du 7 avril 1844 [7]. Il fait donc partie du groupe central de l’Ecole sociétaire ; il entretient aussi avec Considerant des relations amicales qui dureront jusqu’à son décès [8]. Sous la Seconde République, il cosigne (avec Considerant, Cantagrel, Bureau, etc.) le « manifeste électoral de la Démocratie Pacifique » [9].

Quant ceux-ci - et en particulier Considerant et Cantagrel - sont en exil en Belgique, après la manifestation de juin 1849, il leur rend visite, leur apportant de l’argent et des informations sur l’état de l’Ecole [10].

En 1853, alors que le Centre parisien de l’École sociétaire n’a plus véritablement d’activité, il fait partie de ceux qui se livrent à des expériences de spiritisme et qui font tourner les tables afin d’entrer en relation avec des esprits. Quand le meuble fait ses premiers mouvements, « Franchot palpait, remuait, soulevait, examinait la table et ne trouvait rien » ; puis, avec Bureau, Brunier et Nus, il cherche des explications scientifiques : « Franchot [...] apportait à nos expériences le côté d’observation minutieuse et pratique. Plus que nous encore, il s’irritait de voir le phénomène nous emporter obstinément dans les brumeuses régions de la métaphysique, et il s’efforçait de le ramener sur la terre, ou du moins dans un espace plus accessible à nos sens » [11].

La persistance de son engagement fouriériste

En 1857, quand quelques fouriéristes souhaitent publier un nouvel organe, La Revue moderne, son nom figure parmi les futurs rédacteurs (en réalité, on ne trouve pas son nom parmi les signataires de cette éphémère revue, qui paraît en 1857 et 1858) [12]. On trouve aussi sa signature dans la Revue générale de l’architecture et de travaux publics de son condisciple César Daly.

Parallèlement à son engagement au sein du mouvement sociétaire, il continue ses recherches ; en 1854, l’Académie des sciences reconnaît la valeur de ses travaux en lui décernant le prix Montyon de la mécanique, et en 1855, il reçoit la légion d’honneur, à l’occasion de l’Exposition universelle à Paris. Avec un autre fouriériste et inventeur, François Coignet, qui a mis au point des bétons agglomérés, il invente les « bétonnières Franchot ».

Quand Barrier s’efforce de reconstituer l’Ecole sociétaire dans les années 1860, Franchot prend quelques actions ; il participe aux banquets du 7 avril dont la tradition reprend au milieu des années 1860 (il est mentionné parmi les convives en 1868, 1873, 1874 [13] ; il est abonné au Bulletin du mouvement social dans les années 1870. En 1880, il fait partie des derniers souscripteurs de la librairie des sciences sociales, qui s’efforcent de maintenir l’établissement en vie malgré ses pertes financières et la faiblesse de son activité [14].

Bienfaiteur de la commune où il s’est retiré

A ce moment, il est retiré à Ancerville, un chef-lieu de canton de la Meuse d’environ 2100 habitants, situé entre Bar-le-Duc et Saint-Dizier ; sa famille y est très bien implantée, son grand-père, puis son oncle et son cousin en ayant dirigé la municipalité pendant la plus grande partie de la première moitié du XIXe siècle [15]. En 1875, il a hérité d’une maison de ce cousin, maison qu’il vend en 1879 à la commune d’Ancerville qui y installe la mairie et une école [16] ; il possède dans la même localité le domaine Saint-Antoine, une propriété d’environ 25 hectares constituée de prairies, de terres arables, de bois et d’étangs (les actuels « étangs Franchot »). Il semble avoir accueilli Victor Considerant à Ancerville en juin 1880 [17].

Dans son testament, il lègue ce domaine à la commune en même temps que des sommes d’argent au bureau de bienfaisance, à la fanfare locale et à la fabrique de la paroisse ; dans ses dernières volontés, il distribue le reste de ses biens (et notamment de nombreuses actions de compagnies de chemins de fer) à plusieurs habitants d’Ancerville et à quelques membres de sa famille [18] : un char à bancs et la somme de 2 000 francs au greffier de la justice de paix, 1 300 francs et une rente à sa domestique, ...

Tombe de Louis Franchot (étang d’Ancerville, Meuse)


Dans son testament, il demande que son corps repose sur une digue séparant des étangs de sa propriété de Saint-Antoine, et que « la translation de [son] corps sur le terrain désigné se fasse si possible avec le concours du clergé et suivant les rites catholiques » [19] ; un chêne devra être planté sur sa tombe, entourée d’une grille ornée d’une plaque indiquant les date de sa naissance et de son décès, « ainsi que [ses] principales inventions ». Ce vœu est effectivement exaucé.

Tombe de Louis Franchot (étang d’Ancerville, Meuse)