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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Cala y Barea, Ramón de
Article mis en ligne le 20 juin 2009
dernière modification le 14 décembre 2013

par Caro, Diego

Né le 29 janvier 1827 à Xérès de la Frontera (province de Cadix, Espagne) et décédé le 12 juillet 1902 à Xérès de la Frontera (province de Cadix, Espagne). Propriétaire, journaliste, écrivain et député au Parlement espagnol pendant le Séxennat Démocratique (1868-1873). Membre de la seconde génération de l’école fouriériste de Cadix. Son livre Le problème de la misère résolu par l’harmonie (sic) des intérêts humains (1884), a été considéré comme la dernière expression du fouriérisme espagnol.

Portrait de Cala
Extrait de : Los diputados pintados por sus hechos... (1869-1870)

Né dans une famille de propriétaires de Xérès de la Frontera, il fait des études secondaires au lycée de cette ville et commence une carrière de droit à l’université de Séville, mais il ne l’achève pas en raison de son engagement politique précoce et d’une maladie qui l’affecte pendant quelques années de sa jeunesse. En effet, dès 1854, on voit Ramón de Cala lié au Parti Progressiste, à l’idéologie libérale et monarchiste, et membre du nouveau Conseil municipal de sa ville, élu en décembre. Pendant cette étape municipale, son action politique la plus originale est l’élaboration d’un dossier sur l’exercice de la prostitution et les maux qu’elle provoque sur la santé publique ; il réussit à faire adopter un Règlement pour la réguler, le second élaboré par une municipalité en Espagne au XIXe siècle.

Conspirateur contre la reine Isabel II

Dans les années soixante, il abandonne son militantisme progressiste et se rapproche des idées républicaines et, entre 1862 et 1863, il assiste désormais aux réunions qu’organise, dans un atelier de photographie de Cadix, le noyau fouriériste implanté dans cette ville, et dont font partie, entre autres, José Demaría, José Bartorelo, Fermín Salvochea y Fernando Garrido. En même temps, il promeut l’organisation sociétaire des travailleurs et publie ses premiers écrits dans la presse en faveur des thèses fouriéristes. Le 25 avril 1866, par exemple, il écrit un article dans la Revista Vinícola Jerezana (Revue Vinicole de Xérès), intitulé « Socialismo » (« Socialisme »), dans lequel il se montre « partisan du système de Fourier, qui me paraît parmi tous ceux qui ont été inventés celui qui s’ajuste le mieux à la nature et qui réalise le mieux la liberté ».
Sa participation à une conspiration ratée qui vise à renverser la reine Isabelle II, en 1866, l’oblige tout d’abord à se cacher et ensuite à partir en exil et à s’établir à Paris où il possède une maison (incendiée des années plus tard pendant les événements de la Commune). Il ne tarde pas à revenir en Espagne pour être arrêté au début du coup d’État militaire qui finit par renverser la monarchie bourbonienne à la mi-septembre 1868. A la suite du triomphe de ses amis, Ramón de Cala peut sortir de prison pour devenir maire de sa ville natale, vers la mi-octobre.

Député républicain

Il ne reste pas très longtemps dans la vie politique locale, parce qu’une fois convoquées les élections pour former le Parlement Constituant, il est l’un des deux candidats que les républicains présentent pour la province de Cadix et à la mi-janvier 1869, il est élu député.
Ramón de Cala se concentre dès lors sur la politique nationale et sur ses tâches journalistiques, et il commence à publier dans la presse républicaine éditée dans la capitale espagnole, dans des journaux comme La Igualdad (L’Égalité) - dont il devient le directeur au cours des premiers mois de 1870 - ou El Combate (Le Combat), à la fondation duquel il participe, au sein du secteur le plus radical du républicanisme fédéral.
Dans ses interventions au Congrès des Députés, il défend ouvertement ses convictions républicaines, mais il a aussi l’occasion d’exposer ses idées fouriéristes, comme, par exemple, lors de la session du 2 avril 1869. Il profite de l’interpellation qu’il adresse au Gouvernement à propos de la répression d’une émeute qui a eu lieu dans sa ville natale le mois précédent, pour accuser les monarchistes de provocation et défendre sa théorie personnelle concernant les révolutions, dans l’orbite du fouriérisme le plus orthodoxe [1].

Connaisseur de la Commune

Cette page parlementaire tournée, et déçu peut-être par la restauration monarchiste survenue en la personne du roi Amédée Ier, appartenant à la dynastie italienne de Savoie, ou parce qu’il veut connaître de source sûre ce qui est arrivé à Paris lors des événements de la Commune, Ramón de Cala décide alors de voyager en France, peu de semaines après l’écrasement de cette révolution. Le 29 juillet 1871, il envoie une lettre de Paris au journal La Ilustración Republicana Federal (L’Illustration Républicaine Fédérale), publiée le 6 août, et dans laquelle il fournit les premières données concernant la répression contre les révolutionnaires.
Avec toute l’information recueillie durant son séjour en France, il prépare un livre (Los comuneros de París / Les Communards de Paris), qui paraît en deux tomes en 1871 et en 1872 et qui représente, selon Antonio Elorza, « l’apport espagnol le plus considérable à la littérature sur le soulèvement de la capitale française et sur sa répression » [2]. Cette même année 1872, de retour en Espagne, Ramón de Cala se représente aux élections convoquées à la mi-août et il est élu sénateur de la province catalane de Gérone.

Couverture de la première édition de Los comuneros de Paris (1871)


Une fois la Première République Espagnole proclamée le 11 février 1873, Cala retrouve le Parlement, cette fois comme député du Parti Républicain Fédéral. Là, il réalise son travail le plus remarquable comme membre de la commission chargée de préparer le nouveau projet de Constitution, qui finalement n’est pas adopté à cause des divisions internes entre les républicains eux-mêmes.
L’échec de cette Première République démocratique et le retour de la dynastie des Bourbons en figure du roi Alfonse XII, fin 1874, marque la fin de la vie publique de Ramón de Cala et l’arrivée d’une « longue nuit » pour le républicanisme espagnol. De sorte qu’au début des années quatre-vingt, on le voit résider dans la ville de Cadix, où il s’attribue lui-même la profession d’« écrivain ».

Toujours avec Fourier

Cet ostracisme politique prend fin au cours du mois d’août 1884, quand les autorités monarchiques l’invitent à participer à une Commission Provinciale chargée d’étudier « toutes les questions qui intéressent directement l’amélioration et le confort des classes ouvrières, aussi bien agricoles qu’industrielles ». Bien qu’il se trouve à ce moment-là malade et alité, Cala décide d’accepter l’invitation, répond au questionnaire de la Commission et publie ses réponses dans le livre paru à Madrid en 1884 et intitulé El problema de la miseria resuelto por la harmonía [sic] de los intereses humanos (Le problème de la misère résolu par l’harmonie des intérêts humains) [3].
Si dans la première partie du livre, Ramón de Cala fait une minutieuse description des conditions de vie des travailleurs agricoles dans la campagne de Xérès, il en consacre la troisième partie à la « solution du problème social » en s’affichant comme le plus orthodoxe des disciples des doctrines sociales de Fourier. Pour cette raison, la solution aux problèmes des travailleurs ne passe pas, pour Cala, par les doctrines anarchistes ou marxistes de la Première Internationale, mais réside dans la création de phalanstères, organismes qu’il définit de la manière suivante : c’est la « demeure d’une phalange de 2000 personnes environ, qui équivaudrait à une petite agglomération de notre temps, bien que parfaitement adaptée aux affectations de l’homme, et propre à la production en harmonie ».
Dans ce monde idyllique - l’« harmonie » comme il dit -, il y aurait aussi des armées, mais bien distinctes de celles de la société dite « civilisée » (orientées vers « la conquête, la destruction et les stratégies »). L’armée « fouriériste » serait formée par « les personnes enclines de par leur caractère aux entreprises d’aventures, les artistes qui sentent le désir de faire le relevé du globe ; et qui, une fois formés, se chargeraient des grands travaux d’utilité publique ».
Ce livre, qui comprend même un plan qui représente la façon dont on doit concevoir un phalanstère, a été considéré comme le dernier de la trajectoire du socialisme utopique espagnol, d’où son importance. Cependant, ses propositions se heurtent à la totale indifférence des autorités monarchistes de l’époque.

Cala, plan d’un phalanstère
Extrait de : Le problème de la misère résolu par l’harmonie des intérêts humains (1884)


Cala tente de revenir à la politique lors des élections de 1891, lorsqu’est restauré le suffrage universel masculin, mais les pratiques d’influence des monarchistes le poussent à se retirer définitivement. Atteint d’une maladie cardiaque, il meurt à Xérès le 12 juillet 1902. Bien qu’enterré dans le cimetière catholique de sa ville, les seuls symboles externes présents sur sa tombe sont son prénom et son premier patronyme, ainsi qu’un bonnet phrygien, symbole de la Révolution française.
Le meilleur résumé de sa vie et de son œuvre figure le 13 juillet dans une note nécrologique du journal de Xérès El Mensajero (Le Messager) : « Ramón de Cala, plus qu’un politicien, fut un éternel rêveur ; poète de tempérament, il ne put jamais s’adapter aux impuretés de la réalité ».
Bien que l’initiative des républicains de Xérès de lui élever un monument fût vouée à l’échec, l’une des rues principales de la ville où il naquit et mourut porte aujourd’hui son nom.

(Traduction de Martine Renouprez)


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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