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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Benoît, (Jean-Joseph-) Jules
Article mis en ligne le 17 janvier 2009
dernière modification le 12 juillet 2021

par Desmars, Bernard

Né le 31 janvier 1810 à Château-Salins (dans le département de la Meurthe jusqu’en 1871, aujourd’hui en Moselle), mort le 25 mars 1890 à Escoublac (aujourd’hui La Baule-Escoublac, Loire-Atlantique). Marié avec Aurélie Durand du Tertre (1812-1838), puis avec Charlotte Boulanger. Industriel et négociant, élu local. Ami de Victor Considerant et disciple de Fourier dans les années 1830-1840.

Pendant la jeunesse de Jules, la famille Benoît demeure dans plusieurs villes en fonction des emplois occupés dans l’industrie du sel par son père, Joseph-Antoine. Domiciliée à Château-Salins lors de la naissance de Jules et de son frère Edouard, elle s’installe ensuite pendant quelques années sous la Restauration à Salins (Jura), la ville natale de Victor Considerant, dont Jules aurait été un condisciple au collège . La famille revient vers 1822 en Lorraine, où Joseph-Antoine travaille aux salines de Vic-sur-Seille. Puis, quelques années plus tard, en 1826, suite à une rencontre entre Joseph-Antoine Benoît et Louis-Hyacinthe Lévêque, maire de Nantes et député de Loire-Inférieure intéressé par les activités salicoles, la famille Benoît s’établit au Pouliguen, village côtier situé sur la commune de Batz-sur-Mer, à proximité des marais salants de la presqu’île guérandaise. Cette famille, et en particulier Joseph-Antoine, ses fils, Jules et Edouard, et son frère, François, ce dernier installé au Croisic, vont très fortement contribuer au développement économique du littoral, d’abord en y créant des industries (raffineries de sel, presse à sardines...), puis en commençant à aménager la côte et les dunes, où seront bientôt construites des villas et des équipements balnéaires.
En 1836, quand Jules Benoît s’adresse à Victor Considerant, il écrit en ami (« le meilleur de tes amis ») qu’il invite à venir passer quelques jours au Pouliguen, mais aussi en disciple de Fourier : il s’abonne à La Phalange, affirme sa volonté d’être « utile » à l’Ecole et « ne doute plus maintenant qu’en dépit des écueils dont notre route est semée, vous n’arriviez heureusement au port » . Les lettres de Jules Benoît à Considerant mêlent les considérations les plus personnelles aux espérances phalanstériennes (voir document).

Trois lettres de Jules Benoît à Considerant

Jules Benoît essaie de faire des disciples à la cause sociétaire, notamment à Nantes où il est en relation avec Simon, le directeur du Breton ; il tente, vainement, de convaincre ce dernier de consacrer son journal à la propagande fouriériste ; lui-même s’engage en avril 1840 à verser 500 francs à l’Ecole sociétaire . Il est d’autre part l’un des actionnaires de l’Union agricole d’Afrique, la société d’inspiration fouriériste installée à Saint-Denis-du-Sig, dans la région d’Oran à partir de 1846 .
Jules Benoît prend une part très active dans la gestion des affaires familiales, même si, dans une lettre à Considerant, il déplore « l’esprit étroit et égoïste de la gent mercantile » . En 1835, il a publié une brochure pour prendre la défense des intérêts de ceux qui vivent des marais salants. Vers 1845, il réunit les propriétaires, raffineurs et négociants de l’Ouest au sein d’une association, afin de mieux lutter contre la concurrence des salines de l’Est et du Midi . D’autre part, il crée une société de secours mutuels pour le personnel de son entreprise.
Premier maire du Pouliguen à partir de 1854 (date de création de la commune, qui comprend alors 850 habitants), il perd son fauteuil municipal au printemps 1871, quelques mois après la chute du régime impérial qui l’avait nommé à cette fonction. Ses convictions personnelles le portent cependant vers la République ; et en 1878, il retrouve le poste de maire, qu’il conserve jusqu’en 1888. Pendant ses différents mandats, il est à l’initiative de travaux qui modifient considérablement le paysage urbain du Pouliguen : voirie (rues, trottoirs, pont, fontaines, plantations) et édifices publics (mairie, bâtiments scolaires...). Son conseil municipal fait notamment construire une école communale de filles dans les années 1880, dont l’existence est fortement contestée par les partisans de l’école confessionnelle tenue par des sœurs.
A partir de 1881, il devient également conseiller d’arrondissement pour le canton du Croisic. Il est élu en 1889 président de la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Nazaire (il en était le vice-président depuis 1879). Cet homme d’affaires et cet élu local est également un philanthrope, n’hésitant pas à puiser dans ses ressources personnelles pour réussir à financer la réalisation de travaux publics ou pour répondre à des solliciteurs privés.
Si, à partir du milieu du siècle, il semble avoir rompu toute relation avec le mouvement sociétaire, il conserve ses liens amicaux avec Victor Considerant ; celui-ci, revenu des Etats-Unis en 1869, va à plusieurs reprises au Pouliguen dans les années 1880, rendre visite à la fin de l’été à celui qu’il décrit comme « le plus tendre des frères » .
Environ un millier de personnes, dont le sous-préfet, les maires des communes voisines, les dirigeants de la Chambre de commerce, le vice-consul d’Italie, assistent aux obsèques de ce fouriériste devenu un notable local.

Photographie tardive de Jules Benoît
Crédit photographique : Alain Charles