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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

113-115
THUILLIER Guy : Les manuscrits et les dessins de la Bibliothèque de Nevers (1992)

Nervers, Bibliothèque municipale, 1992

Article mis en ligne le décembre 1997
dernière modification le 4 avril 2007

par Dubos, Jean-Claude

En dehors des Archives Sociétaires comprenant les papiers de Fourier, Clarisse Vigoureux et Victor Considerant, partagées entre les Archives nationales (sous-série 10 AS), la Bibliothèque de l’École Normale Supérieure et la Bibliothèque de Besançon, un certain nombre de dépôts publics conservent les archives personnelles de militants fouriéristes : le fonds Constantin Pecqueur à l’Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam, le fonds Jean-Augustin et Georges Barral à la Bibliothèque Royale Albert Ier de Bruxelles, le fonds Dr Jaenger à la Bibliothèque nationale ou encore les lettres de Considerant à Frédéric Dorian aux Archives de la Loire à Saint-Étienne. Une enquête systématique auprès des bibliothèques et dépôts d’archives permettrait certainement de mettre en évidence d’autres richesses ignorées, comme le montre le catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Nevers, établi en 1992 par M. Guy Thuillier et dont nous devons la communication à M. Jean-Yves Ribault.

La Bibliothèque de Nevers conserve en effet les poésies de François Rouget, de Vendôme, tailleur à Nevers (1803-1868) avec une notice sur sa vie, datée de 1856. Rouget était fouriériste depuis 1840 et ses poèmes comportent notamment une satire (V) sur Fourier et un chant phalanstérien...

Beaucoup plus important est le fonds « phalanstérien » d’André Morlon (1812-1895) longuement analysé par M. Thuillier. Élève à l’École Centrale en 1830, un de ses camarades, Jeanneney, originaire de Besançon, lui fait lire le livret d’annonce du Nouveau Monde Industriel que Fourier vient de publier. « Il m’aida à le comprendre comme nous aurions fait des mathématiques, ensuite il me fit faire la connaissance de Fourier qui demeurait alors dans une petite chambre rue de Richelieu, où je lui achetai son traité de l’Association domestique agricole (1ère éd., 1822). Il me fit faire aussi la connaissance de plusieurs autres étudiants qui s’en occupaient également, tels que Considerant, capitaine de génie en vacances de l’École d’application de Metz, Vigoureux, Coste, Martin, etc., et l’on se réunissait en petit comité quelquefois chez l’un d’eux rue St André des Arts et rue Dauphine. Un peu plus tard arriva le renfort de MM. Abel Transon et Jules Lechevalier, anciens saint-simoniens.

Ces précisions, données par André Morlon, dans son autobiographie manuscrite Mes titres comme phalanstérien sont d’un intérêt capital, car elles montrent qu’il y avait déjà un prosélytisme fouriériste à Paris avant le ralliement de Jules Lechevalier (janvier 1832), ce que l’on ignorait jusqu’à présent. C’est en effet entre mars et septembre 1831 que Considerant, mis en congé sans solde de l’École d’application du Génie pour avoir adhéré à l’Association Nationale contre les Bourbons, séjourne à Paris comme professeur à l’Institution Barbet. Quant aux autres jeunes gens que rencontre alors André Morlon, ce sont tous des bisontins : Paul Vigoureux (1811-1890), fils de Clarisse, Victor Costes (1811-1844), polytechnicien, Martin, architecte, qui, comme Jeanneney sera du nombre des bisontins qui, en 1837, participeront à la souscription lancée par Clarisse Vigoureux et Just Muiron en vue de constituer une rente à Fourier...

Morlon demeura toute sa vie fidèle au fouriérisme : « J’ai été constamment abonné depuis 1832 à tous les journaux de l’École sociétaire, écrit-il. J’ai aussi été en correspondance avec MM. Considerant, Pellarin, Paget, Cantagrel, Bureau, Planchant, etc. ». Leurs lettres se trouvent en effet à la Bibliothèque de Nevers ainsi qu’un certain nombre de notes et de dossiers notamment une liste des phalanstériens de Nevers en 1846, une liste des souscriptions à la médaille Eugène Sue, des articles publiés dans la Science Sociale entre 1867 et 1870, des pièces relatives au banquet phalanstérien du 7 avril 1846.

Selon M. Thuillier qui cite cependant en note une étude sur Les Fouriéristes en Nivernais publiée dans les actes du 106e Congrès National des Sociétés Savantes (1981), pp. 347 et sq., les papiers de Morlon n’ont jamais été travaillés : ils permettraient cependant « une étude intéressante sur ce qu’était un militant fouriériste souvent très critique contre les dirigeants de l’École ». Nous les signalons donc aux étudiants en recherche d’un sujet de Mémoire de maîtrise, en rappelant que, depuis l’article de Mme Kahan-Rabecq sur « La Propagande fouriériste en Alsace », paru dans l’Alsace française en 1938, bien peu de travaux, à notre connaissance du moins, ont été consacrés au fouriérisme et aux fouriéristes en province (signalons cependant le mémoire de maîtrise de M. Bernard Bichon sur Les Fouriéristes jurassiens, un autre, soutenu à Rouen par Melle Asselin sur Le phalanstère d’enfants du Dr Jouanne à Ry (76), et particulièrement la remarquable étude publiée ici même en 1996 par M. Bernard Desmars sur Nicolas Lemoyne). Mais, dans leur ensemble, les groupes fouriéristes provinciaux forment une véritable terra ignota dans laquelle il y aurait certainement à faire d’intéressantes découvertes. Un article comme celui de Jacques Valette, « Les réseaux utopistes en France », publié en 1981 dans 1848. Les utopismes sociaux, pourrait être le point de départ de fructueuses recherches, qui permettraient de se rendre compte que le mouvement et les idées fouriéristes eurent finalement dans la France du XIXe siècle une influence beaucoup plus profonde qu’on ne le croit.