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67-68
Lettre de Cornélie Clerc à Clarisse Vigoureux en réponse à l’annonce de la mort de son oncle
Article mis en ligne le décembre 1997
dernière modification le 21 mars 2006

« Paroisse de l’Assomption, le 12 février 1838

« Qu’elle est déchirante la nouvelle que vous m’annoncez. J’essaierai en vain de vous dire combien elle m’a affectée. J’étais, j’aime à le dire, de toutes les nièces de M. Fourier, celle qui savait le mieux apprécier le bonheur de lui appartenir et celle qui lui rendait la justice qu’il méritait à tant de titres. Combien je regrette cet excellent parent. Je suis fort en peine de savoir si vous pouvez poursuivre ce qu’il avait commencé. Je voudrais bien que vous me donniez à cet égard quelques détails aussi bien sur les derniers moments de mon oncle, car votre lettre me laisse beaucoup à désirer. Des deux journaux qui l’accompagnaient, un seul parlait de mon oncle mais trop peu pour me satisfaire. Je vous prie, Madame, de vouloir bien me favoriser d’une nouvelle lettre et veuillez, je vous en prie, me [dire] précisément quelle maladie ou l’accident qui l’a enlevé ? Quels ont été ses derniers sentiments, ses dernières paroles ? Qui est-ce qui les a reçus ? Qui est-ce qui le soignait ? N’a-t-il manqué de rien, et surtout (permettez-moi cette sollicitude) a-t-il demandé et reçu le secours de la Religion ? Mon grand-père Charles Fourier et François Muguet l’aîné, mon oncle, sont morts tous deux dans des sentiments chrétiens et c’est la plus grande consolation qu’ils ont laissée à leur famille désolée. Vous savez, Madame, que les Protestans eux-mêmes dans ce dernier moment se trouvent heureux d’être consolés par leurs ministres et vous ne trouverez pas mauvais que je vous exprime mon inquiétude à ce sujet envers mon cher oncle. Ma sincère et vive affection est l’unique motif qui me porte à vous demander ces détails que j’insiste à connaître le plus parfaitement qu’il vous sera possible. J’attends donc votre lettre et j’ose espérer de votre générosité le portrait de mon oncle, et surtout de votre main, fait par vous madame, ce cadre doublera de prix. Si je me permets cette demande, c’est que M. Muiron me montra lors de mon dernier séjour à Besançon, celui que vous lui avez envoyé. N’abuserai-je point de votre bonté, Madame, si je vous demandais le service important de remettre vous-même la lettre ci-jointe à ma sœur [1]. Depuis 20 mois entiers, je suis sans aucune nouvelle de sa part et si malheureusement elle était morte, quelque pénible que soit cette nou¬velle, je tiens à le savoir. Veuillez donc la voir, ou Mme la Supérieure et me donner une réponse qui me tire de l’affreuse incertitude dans laquelle je suis.

Si ma sœur n’est pas morte, oserais-je vous demander encore une grâce : si comme il me semble que ma sœur me l’a dit, c’est vous qui aviez fait le portrait de mon oncle [2], je vous serais bienfait (sic) de faire celui de ma sœur. Ah ! quelle reconnaissance vous devrais-je si vous vouliez bien me gratifier de ces deux portraits ! Je n’insiste pas pour ob¬tenir cette faveur. Pour m’être enhardie à vous en faire la demande, il faut que j’y attache un bien grand prix. Je prie M. et Melle Vigoureux [3] de demander pour moi cette grâce à leur chère maman. Je les prie d’agréer l’expression de tout l’intérêt qu’ils m’ont inspiré quoique je n’ai eu le plaisir de les voir qu’une seule fois.

Dans l’espoir que vous ne refuserez aucune des demandes que vous adresse la nièce de M. Fourrier (sic) j’ai l’honneur, Madame, de vous présenter l’assurance de ma considération très distinguée.

C. Clerc

P.S. : Étant au moment de changer d’habitation et ne sachant encore bien notre nouvelle adresse, veuillez adresser à Mr. Fs. Lefort, maître de poste et négociant à Donaldsonville près la Nouvelle-Orléans, États-Unis d’Amérique. via New-York pour remettre à Mme E. Poitevin [4].