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MORET Frédéric : Les Socialistes et la ville. Grande-Bretagne, France, 1820-1850 (1999)

Fontenay-aux-Roses, ENS Editions, 1999, 335 p.

Article mis en ligne le décembre 2000
dernière modification le 3 avril 2007

par Bouchet, Thomas

Frédéric Moret se livre dans son ouvrage, version remaniée d’une thèse de doctorat, à l’exercice délicat des l’histoire comparée des idées. Il confronte owenisme et fouriérisme là où les chercheurs se contentent le plus souvent, aux mieux, de timides parallèles. L’angle d’approche choisi contribue à rendre la démarche probante : ce sont les pensées et les pratiques du fait urbain qui forment l’armature d’une réflexion rigoureuse et argumentée. De fait, les trente années prises en compte par Frédéric Moret se caractérisent par une intense crise urbaine et par des débats passionnés auxquels owenistes et fouriéristes prennent part. Leurs positions respectives sont analysées en trois temps : l’auteur met d’abord en évidence des articulations fortes et déjà bien connues entre « critique sociale » et « critique de la ville » (là, il signale les emprunts faits à un discours philanthropique répandu dans les couches dominantes) ; il décrit ensuite un « refus de la ville » commun aux deux socialismes ; pour terminer, il repère une « prise en compte du fait urbain » plus poussée chez les fouriéristes que chez Owen et ses disciples.

Le lecteur curieux d’en savoir davantage sur le fouriérisme mesure la place originale des analyses de Charles Fourier, de Victor Considerant, de Félix Cantagrel ou de Victor Hennequin. Dans la ville, écrivent-ils, se conjuguent les ravages de la barbarie et ceux de la civilisation : morcellement, entassement, violence, misère. De sorte que le phalanstère peut effectivement s’analyser en opposition radicale avec des villes alors en plein essor. Cependant, - et Frédéric Moret le montre bien -, rejet de la ville ne signifie pas rejet de l’urbain. Les fouriéristes sont nombreux à souligner que les rencontres entre les hommes et que l’éclat architectural et culturel plongent leurs racines dans le cadre urbain. Favorables à la circulation des hommes et des idées, ils construisent une hiérarchisation significative : tandis que la capitale les fascine, la petite ville de province fait l’objet de leurs sarcasmes.

Une fois le cadre général fixé, Frédéric Moret en décortique les modulations et les nuances. Entre Fourier et les fouriéristes, la perception du fait urbain évolue : l’inscription du fouriérisme dans les combats politiques au fil des années 1840 entraîne une prise en considération plus marquée du peuple des villes (à ce titre, le chapitre consacré au « militantisme urbain » est fort instructif). Car Considerant comprend que pour assurer l’essor du mouvement fouriériste, il importe que ces populations marquées par les références urbaines se reconnaissent dans un discours qui réinvestisse l’urbain.

Au terme de cette étude fondée sur des sources imprimées riches et nombreuses - ouvrages et périodiques -, Frédéric Moret conclut plutôt sur les convergences entre socialistes français et socialistes britanniques que sur leurs divergences. Les critiques qu’ils énoncent se recoupent souvent, et ils proposent les uns et les autres un mode de vie « bien plus proche de l’urbain que du rural » (p. 265). Il resterait maintenant à ouvrir la réflexion aux saint-simoniens, aux communistes icariens et à d’autres composantes encore de l’univers socialiste du premier XIXe siècle, de manière à élargir encore les perspectives tracées dans l’ouvrage.


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Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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