Comme la majeure partie des chefs socialistes (Proudhon, Leroux, Cabet...), Victor Considerant est la cible des attaques de la presse satirique illustrée pendant la Deuxième République : Le Charivari, Le Journal pour rire et La Silhouette sont trois titres qui font preuve d’une grande originalité quand ils clouent au pilori du ridicule les théories sociales phalanstériennes à grand renfort de caricatures et d’épigrammes vengeurs. Rien, cependant, ne permet d’affirmer que Considerant a souffert de cette campagne de dénigrement qui prend fin au printemps 1849.
Les caricatures publiées contre Victor Considerant font la « singulière actualité [1] » du courant fouriériste français sous la Deuxième République. Doux rêveur pour les uns, homme dangereux, « communiste » pour les autres, le chef de l’École sociétaire et représentant du peuple devient, aux lendemains de la révolution de Février, « une des personnalités les plus maltraitées par les caricaturistes et les vaudevillistes [2] ». Tout ce que Paris compte de crayons et de plumes assassines s’engagent dans un redoutable travail de stigmatisation, ainsi qu’en témoignent les quelques vers d’un poème au vitriol entendus sur les boulevards :
Archibras, phalanstère et autres bizarreries délirantes peuplent également chacun des titres de la presse satirique illustrée, à commencer par Le Charivari, journal écrit pour l’essentiel mais qui doit sa popularité au dessin, et qui tire entre 3 000 et 5 000 exemplaires par jour. Ses bureaux se situent rue du Croissant à Paris, non loin de la Bourse, siège des éditions Aubert et… du Journal pour rire, fondé quelques semaines avant la chute de la monarchie de Juillet par Charles Philipon, « star toutes catégories [4] » du genre. Le corpus extrait de La Silhouette, « argus indiscret et malin » qui « voit tout » depuis 1845, complète l’analyse – quoique non exhaustive – des procédés graphiques et verbaux de déconstruction du plus célèbre fouriériste.
Le Charivari versus Victor Considerant
Bien que Victor Considerant ne soit pas le plus brocardé des socialistes dits « utopistes » – en comparaison du comtois Pierre-Joseph Proudhon [5] –, il reste une des cibles favorites de la presse satirique illustrée. Le Charivari, en particulier, lui consacre 14 caricatures de pleine page et 17 vignettes dans la Revue Comique de la Semaine, chasse gardée du dessinateur vedette Cham [6]. C’est au moment où le débat fait rage à l’Assemblée constituante sur le droit au travail, « un des objectifs de toujours de l’École sociétaire [7] », que le personnage de Considerant apparaît pour la première fois, muni d’une longue queue étrange terminée par un œil [8] : l’archibras – qui allait devenir l’attribut du chef phalanstérien jusqu’à « entrer dans le domaine de la mythologie populaire [9]. » Au cours des semaines suivantes, Le Charivari récidive en publiant coup sur coup deux planches de Cham, qui n’épargnent ni Considerant ni sa bête noire, Adolphe Thiers. La première, datée du 21 octobre 1848, sent la « Cuisine législative [10] » : « pas de cette sauce là s’il vous plait, il n’y aurait plus que vous qui pourriez en manger ensuite », dit le marmiton Thiers en repoussant avec sa louche le marmiton Considerant ; il s’apprêtait à verser dans une casserole, où mijote la « constitution », l’infâme potion du « socialisme ». Sur la seconde, le minuscule « Hercule-Thiers », couvert de la peau du lion de Némée, est tout prêt d’abattre d’un coup de plume acérée « l’hydre du socialisme » [11].
Le monstre, qui possède ici les trois têtes de Considerant, Leroux et Proudhon, ainsi que le corps de la Chimère, a fini par symboliser le mal absolu dans la caricature politique [12]. Un mois plus tard, les attaques se poursuivent avec « Ce qu’on appelle les idées nouvelles en 1848 [13] », ensemble de six petites vignettes juxtaposées : sur l’une d’entre elles, Considerant « emprunte des queues phalanstériennes aux singes du jardin des plantes » à l’aide d’une paire de ciseaux ; sans nul doute pour compléter les collections de la « République phalanstérienne », ou bien pour les offrir à des charmants bambins en guise d’étrennes, comme le suggère Cham la veille du jour de l’an [14].
Si, in fine, les caricatures contre Considerant évoluent peu au cours du deuxième semestre de l’année 1848, la proposition Rateau et la perspective des élections, prévues le 13 mai 1849, font naître, comme le rappelle Thierry Menuelle déjà au sujet de Proudhon, « une nouvelle rhétorique dans Le Charivari, celle du suffrage universel contre les socialistes [15] » : tel est le parti pris de plusieurs planches de « l’inépuisable Cham [16] », qui paraissent entre janvier et juin 1849. Là, Considerant en compagnie de Proudhon et Leroux assistent, bouleversés, à « l’enterrement du socialisme », dont le cœur repose désormais dans l’urne du « vote universel » ; « les parents inconsolables n’en continuent pas moins leur commerce » assure, cependant, la légende [17]. Ailleurs, c’est un gigantesque râteau qui emporte tous les représentants du peuple sur son passage, tandis qu’au premier plan, Considerant essaie de s’accrocher au manche tant bien que mal en se servant de son archibras [18]. Le dessinateur recourt à un calembour visuel très en vogue, depuis que l’obscur député Jean-Pierre Rateau a proposé d’abréger le mandat de l’Assemblée constituante au grand dam de la gauche. Le 22 février, Honoré Daumier ne manque pas, lui aussi, l’occasion de charger Considerant par le biais de la série des Représentants représentés, formidable galerie de portraits-charges dans la droite ligne du Panthéon charivarique [19]de Benjamin Roubaud et des Célébrités du juste-milieu [20] de Daumier lui-même. Le chef de l’École sociétaire, dessiné « d’après nature à la tribune », prend la posture grotesque de « l’anti-lion », créature mythologique sortie de l’imagination de Fourier ; il est bien décidé à « phalanstériser tous les membres de l’assemblée nationale » [21] ! Au lendemain des élections, Le Charivari rappelle le personnage de Considerant à l’attention du public pour l’une des dernières fois : c’est une jeune et pétillante allégorie féminine de la République, qui, cette fois-ci, chasse les socialistes de l’Assemblée « pour cause de fin de bail [22] ».
Et si l’inspiration fait défaut à Cham et à la bande de caricaturistes du Charivari, chroniqueurs et rédacteurs sont appelés à la rescousse. Textes et images agissent de manière complémentaire jusqu’à former un dispositif « iconotextuel » [23] fatal à Considerant : ainsi, le 14 septembre 1848, un journaliste raille « l’aimable Considerant », qui « s’est élancé à la poursuite du droit au travail aussi résolument que l’estimable bourgeois de Meaux à celle de son fils Sosthènes [24]. » Le ton est donné pour les jours et les semaines à venir. En témoigne, dès le lendemain, un article, intitulé « Les quatre mouvements fouriéristes [25] », qui tourne en ridicule le chef de l’École sociétaire, après qu’il a réclamé quatre séances parlementaires de nuit pour faire le détail de la pensée de Charles Fourier :
Tous les jours, un homme cherche à s’expliquer et il s’explique.
Le citoyen Victor Considerant a donc usé de son droit en réclamant de l’assemblée nationale qu’elle voulût bien se laisser renseigner touchent la théorie des quatre mouvements. L’explication n’exige qu’une séance par mouvement, total quatre séances.
Il est impossible de s’instruire plus promptement dans le grand art de la science sociale.
Les professeurs, qui se posaient jusqu’à ce jour en phénomènes, demandaient bien plus de séances pour enseigner des choses moins compliquées.
Ainsi M. Favarger ne vous enseigne pas l’écriture anglaise en moins de dix-huit leçons, et encore faut-il préalablement connaître la française.
La polka ne vous sera pas démontrée par M. Cellarieux en moins de trente-deux cachets ; quant au latin, tout le monde sait que les professeurs de l’Université demandent huit ans pour ne pas vous l’enseigner.
La science sociale des quatre mouvements, mise à la portée de tout le monde en quatre leçons, me semble une des choses les plus extraordinaires que l’on puisse désirer.
Et dire que les élèves de la classe du petit père Marrast ont refusé une leçon particulière ! Les paresseux !
Parmi les articles les plus drôles aussi, « Les épingles phalanstériennes [26] » raconte comment Considerant oblige tous les membres de la « secte » à s’agrafer dans le bas du dos un portrait du « demi-dieu » Fourier. « Pourquoi n’établit-on pas également des bracelets ornés du portrait de Considerant, puis des tabatières offrant sur leur couvercle l’image non moins vénérable de Cantagrel ? », s’interroge le journal. En jouant sans cesse sur le registre de l’humour et de la dérision, les équipes du Charivari espèrent détourner l’attention du public des principales revendications de l’École sociétaire : le droit au travail et à l’association des travailleurs, la création d’un ministère du Progrès, etc.
Trait pour trait : les planches du Journal pour rire et de La Silhouette
Dans le sillage du Charivari, deux hebdomadaires satiriques illustrés, Le Journal pour rire et La Silhouette, multiplient également les saillies. L’un comme l’autre font preuve d’une grande originalité quand ils croquent, déforment, piétinent « Saint-Considerant », « le disciple chéri, le Benjamin, le St-Paul [27] » du fouriérisme. Sous le crayon du dessinateur Bertall, le voilà qui vante son fameux « fourrierorama » ou « phalansteriana » au beau milieu de la « Foire aux idées [28] » ; tel un expert en « prothèse sociale ». Face à lui, Étienne Cabet a déployé une carte d’Icarie ; il exhorte la foule à le suivre dans ses aventures. Les stands de Proudhon, Leroux et du minuscule Louis Blanc complètent le décor. « C’est l’instant, c’est le moment, profitez-en, ces farces ne dureront pas longtemps […] », affirme un spectateur au premier plan. Un corbeau, l’oiseau de malheur par excellence, plane au dessus des dédales encombrés comme pour mieux indiquer quel résultat l’avenir promet aux bateleurs socialistes. Reconverti pour l’occasion « professeur de prothèse comique », Bertall met à profit ici la pièce à succès La Foire aux idées, qui fait courir les parisiens au Vaudeville – sans exclusive sociale [29] : trois suites seront données à cette attaque en règle contre la « République démocratique et sociale » en mars, mai et octobre 1849 [30]. L’emprunt au répertoire du théâtre de boulevard continue, d’ailleurs, avec un court article, publié dans La Silhouette et titré « Considerant à Charenton [31] », qui révèle que des « citoyens se proposent d’ouvrir une souscription nationale pour faire don à ce grand homme et à ses apôtres, non pas du bois de Saint-Germain, mais de la forêt de Bondy », en vue d’y établir un « phalanstère modèle ». Le journaliste vise juste ; d’abord, parce que l’établissement de Charenton accueille – selon Le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle – « tous les aliénés de la France [32] » ; ensuite, parce que « la forêt de Bondy » reste célèbre pour abriter le repaire du bandit d’opérette Robert Macaire, interprété à la scène dans L’Auberge des Adrets (1823), puis dans Robert Macaire, ce sinistre Scapin du crime (1834) par le comédien Frédérick Lemaître, avant que le crayon de Daumier ne s’en empare avec succès [33].
En sus du répertoire de la comédie populaire, les équipes de dessinateurs de la capitale mobilisent fréquemment les procédés de l’animalisation pour charger Victor Considerant. Ainsi que le fait remarquer à juste titre Margarethe Potocki, « aucun autre genre n’a autant prêté main forte aux dessinateurs que celui des animaux [34] ». Avilir « l’autre » sous les traits de la bête signifie le discréditer durablement aux yeux de l’opinion publique. Le 4 novembre 1848, Henry Emy transforme le chef phalanstérien en une sorte d’insecte hybride, mi-homme mi-papillon [35]. Il s’agit sans nul doute d’un clin d’œil malicieux en direction de Fourier et de sa théorie des douze « passions primitives », dont la « papillonne » illustre le besoin de « variété périodique » des êtres humains. Le dessinateur Fabritzius, quant à lui, range les socialistes et, partant, Considerant, parmi les Euménides, déesses malveillantes de la mythologie grecque semblables aux Gorgones, avec des serpents en guise de chevelure et des yeux, d’où ruisselle du sang [36]. La métaphore animalière fonctionne encore, le 18 mars 1849 : un « Honnête bourgeois égaré dans la forêt du socialisme [37] » se démène entre cinq créatures malfaisantes dont chacune possède une tête d’homme sur un corps de singe, archétype de l’animal sournois et hypocrite dans l’imagerie satirique [38]. On reconnaît Pierre Leroux, Louis Blanc, Proudhon, Étienne Cabet ou encore Considerant, accroché dans un arbre ; il aveugle sa pauvre victime pour mieux la détrousser ! Dans Le Journal pour rire enfin, Bertall use et abuse du bestiaire fouriériste, quand il représente « une ruche phalanstérienne » réduite en esclavage sous la férule du « grand-prêtre », le « pacha » Considerant, légèrement en retrait à gauche de l’image [39]. Doté de trois longues « queues voyantes », il distille les coups de fouet « aux gouapeurs, ces frelons de la ruche socialiste » ; « le bonheur le plus pur règne sur toute la ligne », conclut de manière ironique la légende.
L’animalisation devient un procédé courant sinon banal de déconstruction de l’adversaire sous la Deuxième République. En témoigne également, une autre caricature de Bertall, qui montre le chat Considerant (avec un archibras) aux prises avec le chien Proudhon (un dogue féroce) [40]. Convoitant tous les deux « la pattée du vieux veau social », ils en viennent à se dévorer mutuellement, bien qu’ils sachent « qu’ils ne peuvent se digérer l’un l’autre ». L’indigeste et écœurante « pattée du vieux veau social » renvoie au mythe biblique du veau d’or, idole de la richesse et dieu des biens matériels – satire traditionnelle de l’avidité prétendue des socialistes. À l’arrière plan, le rire hilare de chacun des membres de la famille de « Jean Bonhomme » achève de planter le décor. Deux articles, publiés sur une seule colonne le même jour, complètent le dispositif iconique voulu par l’artiste. Le premier, titré « Les lamentations de M. Considerant [41] », rapporte que Considerant a escaladé, tel Moïse, « le mont Sinaï du père Enfantin » afin de soumettre au jugement de Dieu le « méchant Proudhon », coupable, selon lui, de lèse majesté divine : « il n’y a pas d’autre dieu que Fourier, le père Enfantin est son prophète, Greppo est un faux prophète, comme Proudhon est un faux dieu », hurle le fouriériste au sommet de la montagne sacrée. Quant au second, titré « Les foudres de Proudhon [42] », il assure, non sans une pointe d’ironie, que Proudhon ne reconnaît aucun autre Dieu que… lui-même :
Taisez vous donc monsieur Considerant, avec votre dieu Fourier ; je vous dis, moi, qu’il n’y a pas d’autre dieu que Proudhon, d’autre autel que la banque-Proudhon, d’autre pontife que Greppo-Proudhon, et que votre Dieu Fourier est un rien du tout !
De fait, les querelles, qui persistent depuis la monarchie de Juillet entre École sociétaire et Proudhon, attisent tout particulièrement la verve moqueuse de la presse satirique illustrée [43]. Le 25 février 1849, les abonnés à La Silhouette découvrent avec plaisir le récit d’une violente dispute opposant Victor Considerant à son homologue franc-comtois sur les bancs de l’Assemblée nationale : « âne », « ignorant », « ignorantissime », « sermonneur ennuyeux »… « Considerant-Marphurius » n’a pas de mots assez durs pour vilipender « Pancrace-Proudhon », qui le lui rend bien [44]. Chez Edmond Morin, les deux chefs socialistes sont chacun représentés avec une énorme tête sur un petit corps [45] ; ils semblent sortir tout droit du théâtre du Gymnase, où les auteurs à succès, Marc Fournier et Henri de Kock, donnent à jouer La Danse des écus, une farce réactionnaire des plus véhémentes, suspendue, cependant, dès la première représentation [46] ; des comédiens y interprétaient les rôles grand-guignolesques de « Phalanstère » (Considerant) et de « Banque du peuple » (Proudhon).
« Pour dix-huit pouces, ce n’est pas la peine d’avoir une queue »
Les charges publiées après la révolution de Février contre l’École sociétaire en général, et Victor Considerant en particulier, ont-elles atteint leurs cibles ? Rien n’est moins sûr ; car, d’abord, l’organe du mouvement fouriériste, La Démocratie pacifique, évoque bien les caricatures du Charivari par exemple, mais de manière parfaitement marginale, parmi « les faits divers », le 14 octobre 1848 : « Erratum – Le Charivari attribue aux phalanstériens une queue de dix-huit pouces. On avait dit jusqu’à présent trente-deux pieds […] Pour dix-huit pouces, ce n’est pas la peine d’avoir une queue [47]. »
Force est de constater que le quotidien satirique à images n’apprécie guère cette « brève » aux accents moqueurs ; dès le lendemain, il fait paraître, en guise de réponse, un violent réquisitoire contre La Démocratie « ex-pacifique » :
La Démocratie pacifique, répondant à un de nos articles où il était question de la queue de dix-huit pouces promise à l’homme par les phalanstériens, prétend que nous lui faisons petite mesure et que la queue en question doit être de trente-six pieds. Nous préférerions, quant à nous, une queue de dix-huit pouces, trente-six pieds, ce serait gênant. Où mettrait-il une queue de cette dimension, et comment la garer des voitures ? Au surplus, il y a pour le moment de plus graves questions à discuter. Nous dirons, par exemple, à la Démocratie qu’elle n’a plus depuis longtemps aucun droit à l’épithète de pacifique. Ses violences font du tort aux idées fouriéristes qui, tout en restant impraticables, à notre avis, dans leur ensemble, n’en contiennent pas moins des germes féconds pour l’avenir. Nous avons conscience d’être aussi républicains et aussi socialistes que la Démocratie ex-pacifique, quoique nous ne pourrions pas jusqu’à la queue de trente-six pieds et à la mer de limonade [48].
En ce qui concerne le chef de l’École sociétaire, l’historien Jonathan Beecher rappelle que « tout cela irritait Considerant à cette époque, mais dans sa vieillesse plus sereine il était tout simplement amusé [49] » à la vue de la presse populaire. Dans un entretien accordé vers la fin de sa vie au journal parisien L’Éclair, il déclare : « tout cela n’est pas méchant et n’empêche pas le blé de pousser ni le socialisme de croître [50]. » Une caricature vieille de quarante ans, se plaît à remarquer un journaliste, trône même sur le mur de son appartement ! Ainsi Considerant, comme la majeure partie des chefs socialistes, s’accommode plutôt bien du battage fait autour lui dans la presse ou au théâtre ; sans nul doute parce qu’il contribue à le rendre plus célèbre encore vis-à-vis du grand public, à l’heure où il faut d’ordinaire, pour promouvoir une silhouette, un visage, « des mois de multiples cheminements [51] ».
Conclusion
Aux lendemains de la Révolution de 1848 en France, Victor Considerant, le chef de l’École sociétaire, fait les frais des attaques quasi-incessantes de la presse satirique illustrée. Les équipes du Charivari, bientôt rejointes par celles du Journal pour rire et de La Silhouette, lui infligent les pires régressions : tour à tour, et parfois simultanément, il devient bateleur de foire, créature mythologique, macaque farceur ou encore héros de vaudeville. La « croisade » contre les théories sociales phalanstériennes est ainsi menée tambour battant, jusqu’au départ de Considerant pour l’exil en raison de son implication dans les évènements du 13 juin 1849. S’il disparaît du débat politique après cette date, son nom n’est pas oublié pour autant : un portrait-charge de Considerant qui paraît dans L’Éclipse le 3 octobre 1869 [52] atteste que les caricaturistes gardent encore en mémoire les ressorts comiques propres à la « rhétorique de l’anti-socialisme [53] » du milieu du XIXe siècle.