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Crombach, (Claudine, Augustine), Louise
Article mis en ligne le 5 août 2011
dernière modification le 26 juin 2022

par Bouchet, Thomas

Née le 24 décembre 1815 à Lons-le-Saunier (Jura) ; couturière puis inspectrice de prison ; écrivain. Liée en 1839 aux dissidents fouriéristes du journal Le Nouveau Monde.

Fille d’une paysanne franc-comtoise et d’un juif alsacien réfugié à Lons-le-Saunier, elle est d’abord couturière [1]. Elle compose pendant son adolescence ses premiers vers, publiés par un journal local. La bourgeoisie lédonienne la découvre lorsqu’elle a seize ans et se mobilise si efficacement pour elle que le préfet du Jura, Heim, la conduit à Paris avec sa propre famille. Elle est accueillie dans la capitale par la femme écrivain Amable Tastu, qui la fait entrer dans les milieux littéraires et la présente à l’Arsenal, où elle rencontre Charles Nodier. Madame Geoffroy Saint-Hilaire l’introduit dans les cercles les plus fermés. Elle est également protégée par le couple Lamartine. Elle rencontre Marie d’Agout, Vigny, Victor Cousin, George Sand (qui l’emploie comme préceptrice de sa fille), et surtout Marceline Desbordes-Valmore.
En 1839, elle publie Le jeune libéré, qui obtient les 1500 francs du prix Monthyon de l’Académie française. A la fin de ce livre figure une poésie intitulée « Les enfants » et dont voici les premiers vers : « Tout ce qui vient de Dieu porte un cachet sublime : / Les rayons du soleil, le montagne et l’abîme, / L’abeille murmurant et les oiseaux chantants, / Les trésors de la terre et ceux des mers fécondes, / La brise des forêts et l’haleine des mondes, / Les fleurs et les enfants ! » Ce poème est publié et loué pour sa « simplicité charmante » dans le périodique franc-maçon Le Globe.
Elle est l’auteur aussi de La Jeune Fille du peuple, qui paraît dans La Ruche. Ce texte attire l’attention de Joël Cherbulliez qui, dans la Revue critique des livres nouveaux publiés pendant l’année 1840 ne ménage pas ses compliments. « Dans le conte de Mademoiselle Crombach c’est la fille de pauvres paysans qui, sans se laisser entraîner par une pauvre ambition, sans songer à sortir de la place qui lui est assignée dans la société, réussit à s’y créer une sphère d’activité, d’intérêt, d’utilité fort remarquable et bien propre à la fois à développer et à satisfaire les facultés de son intelligence. La leçon est ici d’autant meilleure que, si nous sommes bien informés, l’auteur a raconté dans La Jeune Fille du peuple, une partie de sa propre histoire, et a pu se trouver à même de connaître par expérience les écueils sans nombre, les amertumes et les difficultés qu’entraîne à sa suite un déplacement social trop brusque et trop complet. »
On trouve son nom en 1839 dans l’un des premiers numéros du journal dissident Le Nouveau Monde, avec un article sur une « Maison d’asile pour les femmes sans travail ». Elle signe dans le numéro du 1er octobre la « Revue littéraire » du journal. Elle fait connaître aux lecteurs du Nouveau Monde un écrit de Clémence Robert intitulé « Je suis femme ». Un poème de Hermance Lesguillon, composé en juillet 1839, est dédié à Louise Crombach ; il y est question du « phalanstère immense / Où l’univers s’unit joyeux ». Et, plus loin : « Ma bonne Louise, chantez ! / Pour les orphelins et les mères / De votre voix douce quêtez ! »
Elle donne naissance en 1839 à une fille qui est désavouée par son père, ce qui ne manque pas de choquer une partie de ses nombreux protecteurs. Le Journal de la banque des échanges signale qu’elle réside à l’été 1839 au 80 de la rue Saint-Jacques.
En 1841, elle publie Hélène et Laurence mais son heure de gloire est déjà passée : le public parisien se porte sur d’autres auteurs. Elle mène une vie difficile et s’occupe de sa fille et de sa mère, veuve depuis peu, mais elle bénéficie du soutien de Marceline Desbordes-Valmore.
En 1842 Madame de Lamartine, qui l’a souvent employée dans ses œuvres de charité, lui trouve un poste de surveillante-bénévole ou surnuméraire à la prison de femmes de Saint-Lazare. Elle découvre la vie austère de cette prison et elle s’émeut des sévères conditions de détention. Manquant elle-même du nécessaire pour élever sa fille, elle devient l’amie et la confidente de prisonnières.
En 1843, lorsque Flora Tristan organise une souscription pour éditer L’Union ouvrière, elle lui apporte semble-t-il son aide pour collecter les fonds. Elle est l’une des destinataires de l’« Appel aux Ouvriers » qui figure dans L’Union ouvrière, parmi les « ouvriers-poètes, écrivains, orateurs, musiciens, hommes et femmes d’intelligence et de bon vouloir ». La même année Marceline Desbordes-Valmore lui dédie un de ses poèmes (« Moi, je le sais », dans Bouquets et prières). C’est Louise qui permet à Desbordes-Valmore de se rapprocher de Marie Pape-Carpantier, qu’elle fréquente.
Elle fait partie à l’orée de 1844 de l’équipe des rédacteurs de Le Nouveau Monde, Journal de la science sociale, qui est une tentative de faire renaître Le Nouveau Monde. Les autres rédacteurs sont notamment Arthur de Bonnard et Auguste Colin. Mais le projet ne débouche sur rien.
Cette même année, elle est nommée inspectrice titulaire à Saint-Lazare. Dès l’année suivante elle se trouve compromise dans une affaire d’évasion : une prisonnière condamnée pour faux en matière d’écritures de commerce, Joséphine Chaylius, proteste devant elle de son innocence et menace de mettre fin à ses jours. Le 6 février 1845, Louise fait évader la jeune femme. Elle est rapidement démasquée par la police qui découvre en outre au cours de l’enquête l’existence d’une correspondance compromettante avec une autre détenue nommée Joséphine Magnier, dite femme Quinard. Son procès s’ouvre le 30 mai 1845. La lecture en audience de lettres intimes laisse planer le doute d’une relation homosexuelle avec Joséphine Magnier. Elle est condamnée à deux ans de prison, peine maximale. Marceline Desbordes-Valmore se démène en sa faveur et le jugement est cassé pour vice de procédure. Un nouveau procès a lieu à Versailles en novembre 1845. Malgré la prise de distances de Marceline Desbordes-Valmore que les présomptions de saphisme de Louise Crombach gênent, elle est acquittée. Elle quitte alors la capitale pour se réfugier avec sa famille chez l’abbé Savornin, curé de La Villette.
En 1886 Firmin Maillard, dans La légende de la femme émancipée, Histoires de femmes pour servir à l’histoire contemporaine, brosse un portrait très défavorable de Louise Crombach. L’ouvrage a pour objectif de dénoncer les prétentions des femmes désireuses de s’émanciper. Crombach est selon Maillard un bon exemple des tristes conséquences de l’emprise des sens et de l’imagination sur l’esprit. Elle aurait été attirée, un peu comme Clarisse Vigoureux, par les aspects les plus critiquables de la pensée de Fourier, contrairement par exemple à une Zoé Gatti de Gamond qui « proteste contre la partie de la doctrine fouriériste qui traite des mœurs harmoniennes ». Maillard revient complaisamment sur les années de Saint-Lazare et les évasions de prisonnières. Il cite une lettre envoyée par Louise Crombach à Joséphine Magnier : « Je vous aime parce que vous avez au cœur un foyer d’attraction qui vous attire... parce que vous exercez une sorte de magnétisme, qu’on se sent heureux de vivre à vos côtés. » Il rapporte enfin qu’au cours d’un des procès, le directeur de Saint-Lazare parle de « bruits » sur les mœurs de Louise Crombach.