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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Les voies de la santé et du plaisir combinés : une gastronomie revisitée.
Article mis en ligne le 16 décembre 2010

par Cassiot, Alain

Charles Fourier, dans les quelques extraits ci-dessous, nous invite à entrevoir certaines conditions d’essor "à droit sens" de la Composite, la plus romantique des 12 passions radicales, "celle qui naît de l’assemblage de plusieurs plaisirs des sens et de l’âme, goûtés simultanément".
Dans ce contexte, l’essor de cette passion "mécanisante" permet de mixer harmonieusement la passion sensuelle du Goût et la passion affective de l’Amitié. Ainsi fait-elle naître deux illusions pour les sens (excellence des produits et luxe d’ensemble) et deux illusions pour l’âme (identité et contraste), d’où l’enthousiasme naîtra tout naturellement !

En approfondissant notre lecture de l’oeuvre de Charles Fourier, nous pourrions découvrir le haut degré de pertinence de ses assertions en cette période de lutte contre l’obésité, le diabète et autres désordres du même ordre, et de recherche d’authenticité des produits servis à la table de nos meilleurs restaurants de France.

Extraits choisis du chapitre sur
La Gastronomie combinée, envisagée en sens politique, matériel et passionné

J’ai fait entrevoir, au sujet des spectacles, quelle prodigieuse différence il y aura entre les plaisirs de l’ordre combiné et ceux de la civilisation ; combien les divertissements du plus pauvre canton surpasseront ceux de nos plus opulentes capitales. La comparaison sera la même sur tous les genres de jouissances, notamment sur les principales, comme l’amour et la table.
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On préfèrerait peut-être une digression sur les amours de ce nouvel ordre ; mais le débat heurterait les préjugés, tandis que personne ne sera offensé d’entrevoir l’extension que vont acquérir les plaisirs de la table, si bornés aujourd’hui.
La bonne chère n’est que moitié du plaisir de la table ; elle a besoin d’être aiguisée par un choix judicieux des convives, et c’est sur ce point que la civilisation est impuissante. L’homme le plus opulent et le plus raffiné ne peut pas rassembler, même à sa petite maison, une compagnie aussi bien assortie que celles qui se formeront dans l’ordre combiné, celles que le plus pauvre des hommes trouvera à tous les repas, et qui varieront dans tout le cours de l’année [1].
L’inconvenance des compagnies dans nos festins est cause que les dames civilisées témoignent beaucoup d’insouciance [pour] les plaisirs de la table ; les femmes tiennent plus que les hommes au choix des convives, les hommes sont les plus exigeants sur la délicatesse des mets. Ces deux jouissances, d’une chère exquise, d’une composition piquante et variée des convives, sont continuellement réunies dans l’ordre combiné.
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Si l’on pouvait conserver et reproduire dans l’ordre combiné une pièce quelconque, une volaille prise aujourd’hui sur la table du premier gourmand de France, vous entendriez les dégustateurs signaler vingt fautes commises dans l’éducation et l’engrais de cette volaille, et conclure que la secte des volaillères [2], qui l’a produite et mise en circulation, au lieu de la placer au lieu de rebut, mérite d’être éclipsée, c’est-à-dire condamnée à attacher une cravate noire à la bannière du groupe du poulailler.
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Même raffinement aura lieu dans la préparation ; car dans toute phalange, la secte des cuisines ainsi que toutes les autres sectes, apporte dans ses fonctions le plus vif enthousiasme, elle y attache l’importance qu’y mettait certain cuisinier français qui se brûla la cervelle au moment du dîner, se croyant déshonoré parce que le service était incomplet à cause du retard qu’avait éprouvé l’arrivage du poisson de mer.
On trouvera le même esprit dans la secte qui régira les cuisines de chaque phalange : son intelligence sera secondée par l’exquise qualité des assaisonnements ; n’employât-on qu’un clou de girofle, cette épice sera de qualité supérieure à tout ce que l’Asie peut fournir aujourd’hui, puisque le minimum ou troisième lot de l’ordre combiné l’emporte déjà sur ce que la civilisation peut donner de plus parfait.

Charles Fourier, Théorie des Quatre Mouvements et des Destinées Générales, 1808, Deuxième partie, seconde notice "Sur la splendeur de l’ordre combiné". (Théorie des Quatre Mouvements et des Destinées Générales, Jean-Jacques Pauvert, Paris 1967, pp. 162-165)