Il ne faut pas se cacher les difficultés soulevées par la confrontation entre une pensée théorique - celle de Fourier - et l’attitude des surréalistes pour lesquels l’amour était d’abord un état vécu, inséparable de la poésie. C’est plutôt en termes d’affinités électives qu’il faut rapprocher l’auteur du Nouveau monde amoureux des surréalistes dans leur volonté d’émancipation de l’esprit et de transformation du monde.
Les surréalistes ont vu dans Fourier non seulement le visionnaire d’un nouvel ordre social, mais aussi un émancipateur du désir à l’égal de Sade et de Lautréamont : “ l’attraction passionnée ou révélation sociale permanente ” n’est finalement pour eux que la projection de ce “ Grand Brillant ” intérieur qu’est le désir et qui projette sa lumière sur toutes les autres sphères et en dehors duquel tout espoir de changer la vie est vain.
Il n’est guère possible d’aborder ici dans toute son ampleur et sa complexité la place de l’amour chez Fourier et les surréalistes, c’est à dire chez ceux qui l’ont porté au plus haut degré d’exaltation et en ont fait une clé de la perception et de l’interprétation du monde. Comment parler rationnellement, sur le plan des idées, de l’amour qui ne se conçoit que sur le mode passionnel ?
Si le génie de Fourier, ce “ rêveur sublime ”, selon l’expression de Stendhal, n’a été que tardivement reconnu, il n’a pu être mesuré dans toute son étendue et sa grandeur qu’avec la publication des cahiers du Nouveaux monde amoureux publiés et commentés avec une intelligence profonde et sensible par Simone Debout.
Il ne faut cependant pas se cacher les difficultés que soulève la confrontation entre une pensée théorique, l’œuvre de toute la vie d’un inventeur - celle de Fourier - et un mouvement qui n’a jamais voulu se poser en école, pour lequel l’amour était d’abord un état vécu, inséparable de la poésie. Marguerite Bonnet le souligne : “ le surréalisme ne parle pas de l’amour en dehors de l’amour [1]. ” Ce n’est pas d’une idée toute faite, de nature philosophique et transcendante, que part le surréalisme dans sa conception de l’amour ; celle-ci ne peut, par ailleurs, être dissociée de l’histoire du groupe, de ses contradictions, comme de sa part d’ombre. Toute théorie concernant l’amour ou la sexualité n’entraîne-t-elle pas nécessairement des prétentions à juger la vie amoureuse et sexuelle d’autrui, voire à la régenter comme le fait remarquer Claude Courtot [2] ?
Fourier ne prévoyait l’instauration de l’Harmonie, fondée sur un nouvel ordre amoureux, que dans un lointain futur, tandis que le surréalisme a voulu résoudre à son époque les maux et les fléaux de la société capitaliste (l’état de civilisation), par un mouvement d’émancipation de l’esprit et de transformation sociale, pour détruire les obstacles de la vie sordide empêchant la réalisation de l’amour admirable.
Mais ce qui rapproche Fourier des surréalistes c’est une commune méfiance envers une raison froide ; ils partagent une même conception de l’amour passionnel comme fusion de l’esprit et de la chair (l’amour matériel et la Céladonie chez Fourier), un refus de la licence ou du libertinage. C’est surtout une volonté identique de redonner à la femme asservie la place qui est la sienne, de la célébrer comme une chance pour l’homme de s’émanciper lui-même, de se réconcilier avec la nature et surmonter la dualité de la condition humaine : “ Dans le surréalisme, la femme aura été aimée et célébrée comme la grande promesse, celle qui subsiste après avoir été tenue. ” (Breton : Du surréalisme en ses œuvres vives, 1953). Entre les surréalistes et Fourier il s’agit, plus que d’une identité de vue, d’affinités électives dans leur manière de sentir et de percevoir le monde.
De “ l’infracassable noyau de nuit ” au “ Grand Brillant ” intérieur
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Breton, répondant à une interview, où il défend l’idée que le désir n’a rien à voir avec la licence, (celle-ci étant le produit de la contrainte), évoque Sade, Freud, et Fourier comme les “ trois grands émancipateurs du désir [3]. ” C’est au cours de son exil américain que Breton, dans des circonstances relevant selon lui, du hasard objectif (la rencontre d’Elisa, la visite chez les indiens pueblos), fait la découverte de l’œuvre de Fourier, “ le grand poète de la vie harmonienne [4] ” dont il avait jusqu’alors une connaissance fragmentaire. A cette époque il n’était pas informé de l’existence des cahiers du Nouveau monde amoureux qui passaient pour perdus. Ce n’est qu’en juillet 1946 que Pierre Naville l’informe qu’il a appris de Gide l’existence à la Bibliothèque de l’Ecole Normale Supérieure de manuscrits “ érotiques et obscènes de Fourier, du plus haut intérêt, Fourier y apparaissant comme une sorte de continuateur éthéré de Sade [5] ” Ces manuscrits que Fourier n’avait pas osé publier et, par la suite, soigneusement occultés par ses disciples, trouvent un écho dans l’Ode à Charles Fourier :
“ 7. L’AMOUR
Je ne m’explique pas ce qui t’a fait occulter ici le Grand Brillant et nous tendre une perle baroque mais l’attraction passionnée ou révélation sociale permanente n’en est pas moins la projection enthousiaste de ce Brillant dans toutes les autres sphères. ”
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D’après Simone Debout, le manuscrit occulté met en relief “ les secrets du désir individuel dans la clarté insolite de l’utopie ”. Fourier n’hésite pas à dramatiser les “ vilains goûts ”, poussant “ plus loin que partout ailleurs ses fouilles au fond obscur d’un monde inexploré [...] il fait parler ce qui fut toujours muet, il dévoile ce que chacun recèle et, de ses propres fantasmes, il dessine des ‘ailleurs’, les scènes d’Harmonie [6]. ”
Pour Breton aussi, le monde sexuel n’a “ cessé d’opposer à notre volonté de pénétration de l’univers son infracassable noyau de nuit ”. Les surréalistes, en effet, n’ont eu de cesse de s’interroger et de se pencher sur lui comme en témoignent les procès verbaux des Recherches sur la sexualité entre 1928 et 1932, la grande enquête sur l’amour en 1929, jusqu’à l’exposition EROS en 1962. On a pu railler ou dénigrer ces recherches qui ne se départissent jamais du jeu et de l’humour sans s’apercevoir qu’il y avait là une quête de la plus grande gravité.
Cependant, on ne saurait affirmer que tous les surréalistes ont adopté la même attitude en amour. On sait que Breton et Péret reprochaient à Eluard son libertinage. Eluard qui répondait à l’enquête sur l’amour : “ l’amour admirable tue ”. Aragon, de même, pour qui il n’y avait pas “ d’idée que l’amour n’éclipse ” (Le Libertinage), proclame “ la victoire de tout ce qui est sordide sur ce qui est admirable ”. Aragon, malheureux, perdant l’amour de Nancy Cunard est celui qui écrit encore : “ Crachons veux-tu bien/Sur ce que nous avons aimé ensemble/Crachons sur l’amour ” (La grande Gaité). Ces deux attitudes, pour ne citer qu’elles, éclairent singulièrement l’affirmation de Breton : “ J’ai opté, en amour, pour la forme passionnelle et exclusive [...] chose frappante, j’ai pu vérifier a posteriori que la plupart des querelles survenues dans le surréalisme et qui ont pris prétexte de divergences politiques ont été surdéterminées, non comme on l’a insinué, par des questions de personnes, mais par un désaccord sur ce point. ” (“ Ajours ” à Arcane 17)
Certes, l’amour passionnel pour un seul être dont se réclame Breton ne se sera pas imposé d’emblée, “ écrit en lettres de désir ”, comme dans L’Amour fou. Philippe Audoin a souligné ce cheminement depuis les déclarations provocantes du premier Manifeste : “ l’essentiel n’est-il pas que nous soyons nos maîtres et les maîtres des femmes, de l’amour aussi ? ” jusqu’au Second manifeste où Breton invite à “ braquer sur l’engeance des ‘premiers devoirs’ l’arme à longue portée du cynisme sexuel [7]. ” Nous sommes encore loin de l’amour unique, de la célébration de la femme aimée, où le cynisme n’a pas sa place. C’est finalement Nadja, que Breton n’a pas su aimer, qui lui fait entrevoir le véritable amour avec Suzanne Musard à laquelle sont dédiées les dernières pages du livre.
L’amour, ce “ Grand brillant ” intérieur, s’accompagne aussi pour Breton de “ l’ombre vénéneuse, de l’ombre mortelle ” du désir sexuel qu’il n’a “ jamais cessé d’adorer ”, dans la mesure ajoute-t-il, ou “ l’enfant que je demeure par rapport à ce que je souhaiterais être n’a pas tout à fait désappris le dualisme du bien et du mal. ” Simone Debout a relevé cet aveu singulier pour montrer que Fourier, lui, “ ignore tranquillement ce dualisme traditionnel. On passe dans son monde de cette ‘nuit’, à la plus haute réalité morale. La sérénité est rare en ce domaine. Elle est la force de Fourier [8]. ” Chez lui le désir n’est pas “ perverti à sa source, ” il “ n’est pas une ruse obscure de la conscience ”. La relation amoureuse et charnelle entre les amants n’implique pas la domination ou l’esclavage de l’autre : la sexualité, écrit encore Simone Debout, est “ richesse qui s’épanche. C’est par et au-delà du trouble sensible que se crée l’union la plus intime à un être - à tous les êtres, dit Fourier [9]. ” Breton en a eu clairement conscience :
“ ‘Celui qui n’aime que l’humanité n’aime pas mais bien celui qui aime tel être humain déterminé’. (C’est au plus haut période de l’amour électif pour tel être que s’ouvrent toutes grandes les écluses de l’amour pour l’humanité non certes telle qu’elle est mais telle qu’on se prend à vouloir activement qu’elle devienne) [10]. ”
L’amour sublime
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Tout comme Fourier, qui n’a que sarcasmes pour l’amour platonique et éthéré des “ bergers du Lignon ”, et ne conçoit l’amour véritable que dans une fusion du matériel et du spirituel, le surréalisme fonde tous ses espoirs dans le désir que les amants éprouvent l’un pour l’autre. Pour Fourier tous les maux, l’hypocrisie, les mensonges, la violence, viennent d’un “ engorgement des passions ” dont la force, comparable à un flot torrentiel, n’a cessé d’être contenue et déviée par la civilisation. On pense irrésistiblement à la puissance du désir éclatant comme un orage dans L’Age d’Or, le film de Luis Bunuel, et à la haine d’une société liguée contre l’amour fou d’un couple scandaleux qui, dans sa passion, bafoue les conventions et les institutions.
Le surréalisme n’a cessé de croire à l’amour électif dont le chemin est parsemé d’échecs et de déboires ; il n’a “ jamais été tenté de se voiler le point de fascination qui luit dans l’amour de l’homme et de la femme. ” (Du Surréalisme dans ses œuvres vives). Breton a pu convenir qu’il avait défendu cette conviction au-delà du défendable. Mais il faut voir là une constante plongeant ses racines dans le mythe et la poésie qui préside à son élaboration. Marguerite Bonnet pense qu’il y a dans cette conviction une sorte de pari :
“ Mais pour le surréalisme la réalité de la vie ne saurait prévaloir contre sa vérité, une fois que cette vérité a été reconnue. Parvenir à leur fusion, c’est atteindre le surréel immanent à la vie. Le mythe de l’amour unique, de l’amour sublime - c’est tout un - porte comme tout mythe une vérité plus vraie, plus féconde, que celle du fait brut, la vérité du désir capable de susciter son objet. Il est, selon les termes de Fourier, ‘illusion réelle’. [11] ”
De ce point de vue, les textes de l’Anthologie de l’amour sublime réunie par Benjamin Péret ainsi que sa préface, en sont une brillante illustration. Jusqu’ici, écrit Péret, l’humanité n’a conçu qu’un “ seul mythe de pure exaltation, l’amour sublime, qui partant du cœur même du désir, vise à sa satisfaction totale. C’est donc le cri de l’angoisse humaine qui se métamorphose en chant d’allégresse [12]. ” Pour lui il existe chez l’homme un état de dualité qui fait que la chair et l’esprit restent opposés. Seul l’amour sublime permet de surmonter cet état et tend à rétablir chez lui une cohésion : “ Le désir, dans l’amour sublime, loin de perdre de vue l’être de chair qui lui a donné naissance, tend à sexualiser l’univers. ” Ce “ chant d’allégresse ” cependant, n’a pas émergé d’un seul coup, ni suivi un cours linéaire dans l’histoire. Péret en suit les manifestations balbutiantes depuis l’amour courtois, l’hérésie cathare, dans le concept de “ cristallisation ” chez Stendhal qui précède le Romantisme, lequel va le porter à son plus haut degré. Ainsi, le double aspect de l’amour sublime, à la fois charnel et spirituel, apparaît “ baigné d’une vive lumière ” chez Baudelaire bien que chez celui-ci les deux termes semblent dissociés : “ chair exaltée avec Jeanne Duval et esprit magnifié chez Mme Sabatier [13]. ” Péret nous invite à relire Novalis chez qui l’amour acquiert la plus haute signification et atteint une dimension cosmique : l’amour est non seulement “ le réel suprême, l’origine première ”, mais encore “ le but final de l’histoire universelle [14] ”. Comment ne pas voir dans ce processus de sublimation et d’érotisation de l’univers une convergence profonde avec Fourier ?
Rejoignant Péret, Jean Schuster affirme que le surréalisme peut être compris comme “ une tentative de conciliation dialectique entre l’attitude sadienne à son niveau le plus ambigu - le triomphe de Juliette - et la passion des romantiques allemands ”. Pour Schuster, les tentatives d’investigation psychologique aussi aiguës que celle de Stendhal sont loin de dissiper l’énigme. C’est bien vers “ un être de chair ” et bien “ sur cette terre que le surréalisme entend détourner l’énergie adorante des hommes égarés au ciel [15] ”.
Péret avait bien vu que l’œuvre de Sade, dans sa rage destructrice, comparable à un roman noir, ne pouvait être rangée intégralement sous la bannière de l’amour sublime. Sade jette une lumière cruelle sur le monde civilisé, ses perversions, en même temps que sur la nature violente des passions, préfigurant ainsi Freud. L’œuvre de Sade, difficilement conciliable avec Fourier, représente plutôt le versant sombre de la vision radieuse de l’auteur du Nouveau monde amoureux [16].
On a pu soutenir que l’amour sublime, c’est à dire l’amour unique et réciproque entre l’homme et la femme, privilégié par le surréalisme, ne pouvait s’accorder avec la construction de l’Harmonie où Fourier envisage non seulement la transition des amours ambigus, mais une société fondée sur la polygamie. N’a-t-il pas écrit que “ la fidélité pépétuelle en amour est contraire à la nature humaine ” ? C’est oublier que Fourier n’a nullement prétendu que l’amour unique (pivotal) ne pouvait coexister avec la pratique de la polygamie (la papillonne).
On n’a pas manqué également de reprocher au surréalisme, à Breton en particulier, son homophobie. Il est vrai qu’à plusieurs reprises Breton s’est prononcé contre l’homosexualité masculine (sans partager le saphiénisme de Fourier, il n’avait rien à redire au lesbianisme). Dans une séance des Recherches sur la sexualité, en janvier 1928, il accuse “ les pédérastes de proposer à la tolérance humaine un déficit mental et moral qui tend à s’ériger en système et à paralyser toutes les entreprises [qu’il] respecte [17] ”. Tandis que Queneau voit là un préjugé, Breton déclare ne faire d’exception que pour Jean Lorrain et pour Sade : tout est permis à “ un homme pour qui la liberté des mœurs a été une question de vie et de mort [18]. ”
Aux entretiens de Cerisy, les surréalistes présents furent invités à s’expliquer sur ce point. José Pierre dans sa réponse reprend les principaux arguments développés par Péret dans sa préface à l’Anthologie de l’amour sublime : l’importance extraordinaire du romantisme allemand pour les surréalistes éclaire leur conception de l’amour et de la femme, et, pour ce qui concerne Rimbaud, Jarry, Sade - les précurseurs du mouvement -, leur homosexualité s’explique avant tout par leur révolte et leur opposition au conformisme. Ferdinand Alquié semble assez proche de la vérité lorsqu’il avance que chez les surréalistes il y a quelque chose de commun entre l’amour du merveilleux et l’amour de la femme, l’amour hétérosexuel est avant tout amour de l’autre [19]. Mais il nous semble que l’une des raisons de l’exaltation de la femme doit être recherchée dans le mythe de l’androgyne. L’amour sublime, écrit Péret, “ est précisément cet accord parfait entre deux êtres harmonieusement appariés [20]. ” Breton voit dans le couple et l’amour électif, “ la reconstitution de l’Androgyne primordial ”
L’exaltation de la femme
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Pour Benjamin Péret deux types de femmes lui paraissent aptes à éprouver l’amour sublime, chacune d’entre elles incarnant deux aspects différents de la féminité : la femme-enfant et la sorcière. Breton a célébré avec lyrisme la première sous les traits de Mélusine dans Arcane 17. “ L’évocation de la femme par les surréalistes prend toujours un caractère sacré ” remarque pour sa part Jean Schuster. Faut-il ajouter que cette sacralisation n’a rien de religieux :
“ ...L’exaltation de la femme, dans le surréalisme, est une constante majeure. Il convient d’y voir, à mon sens, sur le plan théorique, la volonté de restituer au principe de plaisir un rôle organisateur qui est dévolu, dans la société actuelle, au seul principe de réalité. L’amour, l’amour de l’homme et de la femme par opposition à l’amour mystique, l’amour électif par opposition au libertinage, l’amour charnel par opposition à la mièvrerie sentimentale, cet amour tel qu’il est donné à tous de le vivre, cette brèche de lumière dans le mur de la misère sociale, c’est naturellement la femme qui en commande le rythme. Que le sort de l’homme puisse à ce point dépendre d’un être que la routine mentale nous présente comme étant de toute passivité, c’est ce que le surréalisme a voulu d’abord reconnaître, puis divulguer [21]. ”
Plus que tous les autres, les surréalistes ont été sensibles à l’analyse faite par Fourier de la condition de la femme, réduite à l’état de marchandise, légalement prostituée dans le mariage bourgeois : “ Lorsque Fourier - écrit Jean Schuster - dit superbement que le bonheur des hommes se proportionne à la liberté dont jouissent les femmes, persuadons-nous qu’il y a là une revendication sous-jacente nullement satisfaite à ce jour par l’octroi d’une carte d’électrice ou le droit de porter, comme les hommes, certaines babioles. [22] ”
On conviendra que si certaines avancées ont pu être réalisées depuis la fin des années soixante dans les sociétés occidentales sur le plan des droits et de la condition de la femme, on est loin du compte si on les mesure à l’aune de la revendication surréaliste et encore plus à celle de Fourier. Que dire de la condition de la femme à l’échelle de la planète, plus assujettie que jamais dans des conditions dignes de l’esclavage, soumise socialement et sexuellement à l’homme quand elle n’est pas, dans des pays comme le Nigéria, où s’applique la charia, condamnée à être lapidée par un “ tribunal ” d’hommes pour avoir eu un enfant d’un mari dont elle a divorcé ?
A l’heure où s’étale une libéralisation des mœurs, banalisée et standardisée par l’industrie du sexe, une pornographie mondialisée, où la femme est plus que jamais instrumentalisée à des fins marchandes, que peut bien signifier l’appel à une société festive dont la revendication à changé radicalement de signe ? Sur les écrans s’étalent les écoeurants et consternants ébats de la télé-réalité : le loft apparaissant comme l’antithèse obscène du phalanstère et de l’Harmonie. Après Rimbaud et les surréalistes, il nous faut convenir que l’amour est toujours et encore “ à réinventer ” [23].