Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

128-129
GRIBAUDI Maurizio, RIOT-SARCEY Michèle : 1848, la révolution oubliée (2008)
Paris, La Découverte, 2008
Article mis en ligne le 23 février 2010
dernière modification le 5 janvier 2011

par Bouchet, Thomas

Le moment février-juin 1848 est au cœur de cet ouvrage remarquable et magnifique. Les deux auteurs l’abordent à partir de multiples sources vives qu’ils mettent en regard, confrontent, restituent en fonction de leurs logiques respectives. Ils tiennent un pari difficile : leur 1848 est à la fois une synthèse, une chronique, une mine d’aperçus et d’analyses extrêmement précises, une réflexion sur les événements qui scandent ces mois intenses. Ils se fondent notamment sur une iconographie de toute première qualité, largement inédite, qu’ils mettent en correspondance avec leur texte : un régal (on regrette malgré tout l’absence de références précises pour ces documents). Ils arriment par ailleurs leurs réflexions aux écrits de Tocqueville, de Guizot, de Sand, de Louis Ménard, d’Hippolyte Castille, de François Pardigon, etc. Ils étudient les lois et les décrets, les pétitions et les proclamations, les journaux, les cartes de membres de clubs, les comptes rendus d’interrogatoires. Ils restituent les apports irremplaçables de Flaubert qui a su, entre autres marques de génie, « signifi[er] l’inconcevable » à propos de l’insurrection de juin, et de Baudelaire dont Le Cygne clôt l’ouvrage. Que retenir en particulier de ces deux cent cinquante pages passionnantes ? Citons par exemple les développements sur la Commission de gouvernement pour les travailleurs (dite Commission du Luxembourg) ; les analyses novatrices sur la présence-absence des « femmes de 1848 » et du « peuple de 1848 », sur leurs discours propres - non pas ceux qu’on a coutume de leur attribuer ; les réflexions sur la nature de l’événement insurrectionnel, sur le politique en 1848, sur ce que signifie vraiment la « république démocratique et sociale ». Une méditation sur l’oubli parcourt l’ensemble du livre et lui donne son titre. A propos de la commission du Luxembourg, par exemple : « Ouvriers, artisans et maîtres-artisans, hommes et femmes participèrent à ce débat passionnant pourtant vite oublié, après avoir été classé parmi les illusions ou les rêves utopiques. » (p. 110) Il n’est pas besoin, dans ces conditions, d’insister sur ce que 1848 apporte à la compréhension de l’histoire de l’Ecole sociétaire aux débuts de la IIe République (voir à ce propos le Cahier Charles Fourier 10 : « Fouriérisme, Révolution, République. Autour de 1848 »). Victor Considerant et d’autres sont présents au fil des pages, acteurs et interprètes de ce qui a lieu alors. Au-delà, le travail de Maurizio Gribaudi et de Michèle Riot-Sarcey invite à poursuivre l’enquête, de l’embrasement de Février au massacre de Juin.