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Deux cents ans après... L’introduction à la Théorie des quatre mouvements (1808)

Comment Fourier s’y prend-il pour rendre compte de sa découverte de 1799 ? En publiant neuf ans plus tard la Théorie des quatre mouvements, la première de ses œuvres majeures (la plus fondamentale de toutes peut-être). Il annonce là deux directions qui n’en font qu’une : stigmatisation des Civilisés, aperçus choisis des promesses de sa théorie. Il lui faut n’en écrire ni trop peu (les Lois du Mouvement resteraient incompréhensibles et aucune vérification ne serait envisageable) ni trop (la révélation de ce qu’est l’harmonie universelle risquerait de causer chez le lecteur un choc par trop violent). Fourier, dans ses écrits postérieurs, reste confronté à ce dilemme. En tout état de cause, la Théorie des quatre mouvements est pour lui un cinglant échec de librairie. Après sa mort, dans leur préface de 1841, les éditeurs (membres de l’Ecole sociétaire), gênés par ce texte intraitable, lui font un enterrement de première classe : « ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains ». Les promesses de l’introduction n’avaient-elles pourtant pas de quoi éveiller la curiosité des contemporains ?

Article mis en ligne le 9 février 2008
dernière modification le 16 février 2008

par Bouchet, Thomas

Au début, comme à la fin de cet ouvrage, j’appelle l’attention sur une vérité fort neuve pour les Civilisés ; c’est que la Théorie des quatre mouvements, social, animal, organique et matériel, était l’unique étude que devait se proposer la raison. C’est l’étude du Système général de la Nature, c’est un problème que Dieu donne à résoudre à tous les Globes ; et leurs habitants ne peuvent passer au bonheur qu’après l’avoir résolu.
Jusqu’ici, vous ne l’avez ni résolu ni même étudié ; vous n’avez atteint que la quatrième et dernière branche de cette théorie, celle du mouve¬ment matériel, dont Newton et Leibniz vous ont dévoilé les lois. J’aurai lieu de vous reprocher plus d’une fois ce retard de l’esprit humain.
Avant de publier ma théorie (selon l’annonce faite, page 244), j’en donne dans le présent volume un léger aperçu, j’y joins quelques dissertations sur l’ignorance politique des Civilisés ; les deux exemples principaux de cette ignorance sont tirés :
Dans la 2e partie, des vices du système conjugal ;
Dans la 3e partie, des vices du système commercial ;
Et de l’étourderie des philosophes, qui n’ont recherché aucun meilleur procédé pour l’union des sexes et l’échange des produits industriels.
Ce sont là, sans doute, des débats bien subalternes, pour appuyer une annonce aussi importante que la découverte des Lois du Mouvement ; mais il fallait m’étendre sur quelques ridicules de la Politique civilisée, pour faire pressentir l’existence d’une Science plus certaine qui va confondre les Sciences philosophiques.
Dans le cours de cette lecture, on devra considérer que l’invention annoncée, étant plus importante à elle seule que tous les travaux scientifiques faits depuis l’existence du genre humain, un seul débat doit occuper dès à présent les Civilisés : c’est de s’assurer si j’ai véritablement découvert la Théorie des quatre mouvements ; car, dans le cas d’affirmative, il faut jeter au feu toutes les théories politiques, morales et économiques, et se préparer à l’évé¬nement le plus étonnant, le plus fortuné qui puisse avoir lieu sur ce globe et dans tous les globes, au passage subit du chaos social à l’harmonie universelle.

Charles Fourier, Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, 1808 (Paris, Pauvert, 1967, p. 71).