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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Brullé, (Gaspard) Auguste
Article mis en ligne le 8 février 2008
dernière modification le 8 juin 2015

par Bouchet, Thomas, Sosnowski, Jean-Claude

Né à Paris le 7 avril 1809, mort à Dijon le 21 janvier 1873. Entomologiste, professeur et doyen de la faculté des sciences de Dijon. Auteur d’un discours d’inspiration très nettement fouriériste lors d’un banquet en octobre 1848 (Dijon) ; sympathisant fouriériste à la fin du Second Empire. Conseiller municipal de Dijon (août 1870) puis premier adjoint (janvier 1871 à son décès).

Le père d’Auguste Brullé, Jean Antoine Marie a été élevé à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) par un oncle maternel (probablement Hugues Cheminée), perruquier. Installé à Paris, comme coiffeur [1], il épouse une châtillonnaise, Marie-Edmée Bulté, décédée à Paris le 4 février 1824, dont il a quatre enfants. Auguste, qui montre les plus grandes dispositions pour l’étude, est admis au petit séminaire de Saint-Sulpice, où il fait de brillantes études ; son père le place ensuite chez un négociant en gros pour y apprendre le commerce et la comptabilité ; Auguste trouve dans la bibliothèque du négociant un livre d’entomologie qu’il lit avec passion ; il devient collectionneur. La description qu’il donne d’un insecte d’une espèce inconnue des collections du Muséum, attire l’attention de Georges Cuvier qui le fait admettre en 1829 dans la mission scientifique en Morée, auprès de Bory de Saint Vincent ; après cette mission, il participe à partir de 1830 à la rédaction du volume sur les animaux articulés de la Relation d’un voyage de la Commission scientifique de Morée publié en 1839. Il compte en 1832 parmi les fondateurs de la Société entomologique et il en devient le secrétaire-adjoint. Entre 1833 et 1838, le voici aide-naturaliste au Museum au sein de la chaire dirigée par Jean-Victor Ardouin. Docteur es-sciences, après la soutenance de deux mémoires, l’un sur les gisements des insectes fossiles et sur les secours que l’étude de ces animaux peut fournir à la géologie, l’autre sur quelques points de la méthode en histoire naturelle..., il reçoit, par ordonnance royale du 28 décembre 1838, la chaire d’entomologie et d’anatomie comparée qui vient d’être créée à la faculté de Dijon, dont il devient le doyen en 1861. Il entre à l’Académie des Sciences de Dijon en 1841 et y occupe la charge de bibliothécaire puis de bibliothécaire et trésorier jusqu’à sa mort. Du fait de son activité scientifique et de son enseignement, il obtient plusieurs distinctions honorifiques : chevalier de la Légion d’honneur et de l’Ordre grec du Sauveur [2], officier de l’Instruction publique [3].

Brullé est abonné à La Phalange au moins pour un an à compter du 28 mars 1842. Domicilié en 1848 à Dijon, rue du Chaignot, il aurait été l’un des commissaires du banquet démocratique et social de Dijon du 22 octobre 1848 [4]. Il y porte un toast « A l’organisation du travail ! A l’association ! » [5]. Son frère Alexandre Brullé, éditeur de musique, est alors gérant du bureau d’abonnement à La Démocratie Pacifique pour la rive droite de Paris. Plaçant son appel à l’organisation du travail dans la logique de la pensée socialiste, Auguste Brullé prononce un discours d’inspiration nettement fouriériste. Il entend expliquer pourquoi le travail est « aujourd’hui répugnant pour tous » ; après avoir brossé le tableau très noir d’une société où le travail individuel prime, il s’exclame : « A l’œuvre donc ; la science nous convie ! Loin de proscrire les socialistes, étudions-les ! N’étouffons pas leur voix par la calomnie et ne repoussons pas, par une injuste défiance, le seul moyen d’organiser parmi nous la vraie république ! » Brullé songe ici notamment aux calomnies et aux défiances qui environnent la pensée de Fourier, comme la suite le montre : il met en valeur l’alliance capital-travail-talent (reformulée en « travail », « science » et « richesse ») ; si le riche aide l’industrie et l’agriculture, en perçoit un revenu, « le pauvre donne son travail et le savant sa science ; car vous le savez, citoyens, presque toujours le savant est pauvre ». Fait-il alors référence à ses modestes origines que relève le Docteur Marchant en 1874 dans son éloge [6] ou bien au dénuement de Fourier ? Et puis, un peu plus loin :

A l’argent sa part, au travail sa part, à la capacité sa part », puis il fait un portrait du pauvre qui « se procure du bien-être ; et ce bien-être, il le doit à son travail, il le doit à son talent, à son zèle ; il le doit surtout à l’attrait que lui présente le travail, car on sait rendre aussi le travail attrayant. Je dis, citoyens, le travail attrayant !

Viennent ensuite des paroles sur l’intérêt que représente l’alternance des activités, sur « l’association [...] libre ; [...] acceptée par tous » qui doit l’emporter sur la violence, sur les bienfaits que procurent l’étude et la propagation de la science sociale. En appelant de ses vœux la « République véritablement démocratique et sociale », il tente en vérité de faire avancer la cause d’une Ecole sociétaire souvent taxée d’irréalisme (« il nous sera donné de réaliser les progrès en apparence les plus imaginaires, les améliorations les plus fantastiques »).
Auguste Brullé se marie à Saulieu le 17 novembre 1850 avec Marie Victoire Félicie Laureau, fille d’un élu sédélocien de la monarchie de Juillet, Jean Marie Auguste Laureau, ancien notaire. Les liens familiaux semurois de Brullé (sa sœur s’y marie en février 1838 avec l’éditeur de musique François Jules Colombier ; son père Jean Antoine Marie Brullé - à qui la fortune semble malgré tout sourire puisqu’il ne peut assister à ce mariage, étant alors en résidence à Görritz (Illyrie) - y est électeur en 1849 et y décède en juin 1853), ses activités scientifiques liées à la géologie ne peuvent que le conduire à fréquenter le géologue, phalanstérien et démocrate socialiste Jean-Jacques Collenot, mais également Jacques Malinowski, qui le 7 février 1852, nommé chargé du cours d’allemand au lycée de Dijon, regagne la capitale bourguignonne « avec grande satisfaction [...] cette nomination [...] le rapprochait de deux professeurs distingués M. Jules Christol [...] et M. Brullé qui y enseignait la zoologie » [7]. Ils résident d’ailleurs tous deux, rue Porte d’Ouche, en 1854. Cette proximité entre les deux hommes se prolonge sur le terrain politique et social. Le 3 août 1865 [8], Brullé annonce au Préfet de la Côte-d’Or la création d’un « Comité de secours temporaire destiné à venir en aide aux 31 réfugiés polonais en ce moment à Dijon ». Il s’agit de leur fournir quelques subsides en attendant de leur trouver un travail qui leur permette de subvenir eux mêmes à leur besoin. Ce comité, réuni la veille à l’initiative du major Frankowski, délégué du comité franco-polonais de Paris, est présidé par l’ancien Constituant de 1848, Pierre Perrenet. Malinowski y participe également et Brullé assure alors une vice-présidence active puisqu’il se charge de tous les contacts avec les autorités préfectorales et municipales. Antoine-Gaspard Joliet, fidèle du député républicain Magnin - tous deux sont également membres de ce comité - nommé maire de Dijon en septembre 1865, lui permet d’ailleurs en mai 1866, d’apurer la dette du comité, les dons récoltés lors de bals de bienfaisance n’ayant pas été suffisants.
Cette action n’est sans doute pas sans lien avec la candidature et l’élection d’Auguste Brullé au conseil municipal de Dijon en août 1870. Cet engagement, réprouvé par son administration, a selon une note confidentielle, « malheureusement réveillé le souvenir d’un passé un peu juvénile qui était et qui serait resté sans cela complètement éteint » [9]. Il est renouvelé dans ses fonctions municipales le 7 mai 1871. Il est alors premier adjoint du député-maire François-Auguste Dubois, rapporteur en janvier 1866, au nom de la municipalité, d’un rapport « officieux » réclamé par le préfet « pour examiner les questions [...] relativement à l’organisation, à l’utilité et au but des sociétés coopératives » [10].

Brullé est abonné à La Science sociale à la fin du Second Empire, comme en témoignent des lettres signalant son (ré-)abonnement en 1867, 1868 et 1869 [11]. Le Progrès de la Côte-d’Or publie le 23 janvier 1873 un article rendant compte des obsèques de Brullé. « Le parti républicain, y lit-on, vient de faire une perte douloureuse. M. Auguste Brullé, doyen de la faculté des sciences et adjoint au maire de Dijon, a succombé, avant-hier, à la cruelle maladie qui le tenait éloigné depuis quelques temps de sa chaire et de l’administration municipale. Il n’avait que 63 ans. Une foule considérable de citoyens assistait à ses obsèques ». Le discours de M. Perdrix, le maire de Dijon, est reproduit. Le maire rappelle que Brullé était premier adjoint « au moment de nos désastres, au moment où Dijon, attaqué, bombardé par l’armée badoise, fut après une résistance qui restera la preuve de son patriotisme, occupé par l’ennemi ; il évoque « son zèle et son courage grandissant avec les périls de la situation ». « Il est mort, conclut-il, en servant son pays, en servant la République qu’il aimait : il a fait le sacrifice de sa vie à ses devoirs ». Aucune référence n’est faite à ses idées fouriéristes du milieu du XIXe siècle. Son épouse, lorsqu’elle fait valoir ses droits sur la pension de son mari décédé, ne possède aucune fortune. Son fils aîné est maître répétiteur au Lycée de Dijon. Son second fils termine des études à la faculté des sciences. Elle reçoit l’appui pressant des députés de la Côte-d’Or (Dubois, Mazeau, Carion, Joigneaux, Moreau, Magnin, Sadi-Carnot) qui rappellent également le rôle d’Auguste Brullé lors du siège de Dijon [12].