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Parole de providence
Article mis en ligne le 7 avril 2007
dernière modification le 31 janvier 2009

par Vigoureux, Clarisse

O vanité des vanités ! O misère humaine ! O douleur éternelle !
Que voit-on sur la Terre ?
Des hommes qui s’égarent, des hommes qui égarent leurs frères et des hommes égarés.
Quel est ce cri de guerre et ce retentissement qui de toutes parts a été entendu ?
Ecoutez : c’est le résumé de toutes les erreurs du siècle.
C’est un assemblage de choses usées, cassées et bruissantes comme des ossements qui craquent et s’entrechoquent dans un tombeau.
Et ces débris incohérents, ces débris de toutes les dépouilles humaines, vous sont apportés comme les éléments de quelque harmonieux concert.
Et cette poussière des temps vous est apportée comme une parole nouvelle et sacrée.
O vanité des vanités ! O misère humaine ! O douleur éternelle !
Et moi femme, je viens demander compte de cette parole apportée comme sacrée.
J’en viens demander compte parce qu’elle renferme toutes les aberrations philosophiques et religieuses qui ont enlacé de leurs épines le labyrinthe où le genre humain reste égaré.
J’en demande compte au sexe fort qui régit le monde et qui depuis trois mille ans le tient enchaîné dans cet inextricable dédale.
J’en demande compte au sexe fort qui sait détrôner ses rois et qui, se disant roi lui-même, ne sait pas tenir les rênes du monde.
J’en demande compte au sexe fort qui ne sait être autre chose qu’oppresseur et victime.
J’en demande compte au sexe fort parce que l’humanité est solidaire que ses fautes quoique tout un sexe et un peuple d’enfants ne participent pas à son inhabile gestion.
Oui pour toutes ces raisons je viens lui demander compte de cette parole apportée comme sacrée.
Où peut-elle conduire ? A la guerre, au carnage, et toujours replonger l’humanité dans la nuit des erreurs, dans la nuit du passé.
Dites : n’est-ce pas au nom de Dieu que les perturbateurs et les dominateurs ont toujours parlé ?
Et depuis des siècles n’entraîne-t-on pas les hommes au nom de Dieu et au nom de la liberté ?
Et depuis des siècles, quel est le prix du sang versé dans un espoir de paix et dans un espoir de liberté, sinon la misère et toujours de nouveaux déchirements ?
Sexe fort, sexe fort, ne pouvez-vous donc pas distinguer la parole divine d’une parole d’enfer ?
Dieu peut-il se plaire à détruire son oeuvre ? Dieu peut-il être impie ?
Et les tempêtes révolutionnaires peuvent-elles être votre DESTINEE ? Peuvent-elles vous conduire à votre DESTINEE ?
Mais... votre DESTINEE !... il n’y a pas foi le disciple égaré qui n’en a pas cherché la Loi.
Car il dit "Il y aura toujours des pauvres, parce que l’homme conservera toujours le péché en soi".
Et il vient d’écrire encore que l’homme n’est pas destiné à trouver le bonheur ici-bas
Mais il dit que les révolutions sont un bienfait de la Providence, qu’elles purifient l’homme et le perfectionnent pour la vie céleste. Vous entendez ? C’est à la vie céleste qu’il renvoie le bonheur et il nie ainsi l’universalité de la Providence.
Et le perfectionnement pour la vie céleste est basé sur un volcan révolutionnaire.
Et sans espoir d’une entière délivrance pour les nations, il dit que la terre se couvrira de sang et il accepte cette déviation de la Loi de Providence et de la vraie destinée humaine, avec la même légèreté que s’il s’agissait d’aller voir, descendus en champ clos, quelques rois et quelques prêtres qui, fatigués d’asservir le monde et résumant en actes toutes les erreurs de leur vie, auraient la délirante prétention de croire que par leur combat ils vont rétablir la paix de l’univers.
O misère humaine ! O douleur éternelle !
Et voilà les hommes qui ont la parole sur la terre.
Et le chef de la Chrétienté s’avance comme l’ombre d’une grandeur passée et pour ressaisir un simulacre de puissance, en reprenant d’autorité paternelle l’homme qui s’éloigne de lui par effet de mépris pour ses lois décrépites.
Et voyez-vous de quoi il reprend celui qu’il appelle son fils ?
Ce n’est pas de ce qu’il peut entraîner à des révolutions inutiles pour le bonheur des nations.
Ce n’est pas de ce que ses croyances dont insuffisantes et fausses, de ce que ses paroles sont vaines ;
Ce n’est pas de ce que la destruction qu’il annonce et qu’il juge nécessaire ne vient que d’une loi d’enfer ;
Ce n’est pas de ce qu’il ne recherche point le remède au mal qu’il déplore, de ce qu’il reste sourd au commandement de Jésus qui leur a dit à tous : "Cherchez et vous trouverez".
Non, ce n’est pas de cela, car lui non plus, chef de la chrétienté, chef des âmes, lui non plus il n’a jamais cherché la loi de réintégration.
Il réprimande ainsi celui qu’il appelle son fils parce que ce fils s’éloigne d’un passé usé et vieilli, parce qu’il signale le mal que lui, chef de la chrétienté voudrait encore cacher.
Et voilà les débats qui existent entre des hommes qui représentent Jésus ! Voilà l’ignoble spectacle qu’ils viennent donner au monde !
Et voilà des écrivains qui parlent de nouveau christianisme, de société régénérée, et sous la plume desquels les mots religion, progrès, charité universelle, liberté se mêlent, se confondent, s’agitent, s’éloignent, reviennent et passent ainsi que des chimères qui ne laissent d’autre trace qu’une fumée noire et épaisse.
Car, lisez ces écrits, ils ne renferment pas la loi d’organisation et, s’ils ont un but et peuvent avoir un résultat, il n’est autre que de nous ramener de nouvelles disputes et de nouveaux déchirements.
Et si une nouvelle science, et si une science positive ne venait pas au secours de l’humanité, vous verriez reproduire des luttes interminables.
Des luttes analogues à celles de ces temps de douloureuse mémoire, où les nations fatiguées de n’avoir ni croyance ni loi fixes, se laissaient abuser et se débattant dans le vague, s’égorgeaient pour rétablir un culte ou soutenir une opinion dont le rejet avait été déjà l’objet de guerres sanglantes.
Mais ici c’est la misère du prolétaire qui porterait la torche de la discorde, c’est la guerre du pauvre contre le riche qui serait allumée, et à quelque parti que restât le champ du combat, toujours la misère aurait la victoire.
Et demandez à tous ces écrivains s’ils savent les choses dont ils profanent les mots.
Demandez à ces hommes aux paroles de liberté quelle science nouvelle ils ont pour l’établir.
Demandez à ces hommes de nouveau christianisme quelles sont les nouvelles interprétations qu’ils en peuvent donner.
Demandez-leur de vous expliquer les mystères de cette religion de dix-huit siècles et de lui donner par là un nouvel éclat.
Demandez-leur de vous expliquer seulement le premier dogme qui est un Dieu fait homme, et par suite de vous dire pourquoi l’homme fait à l’image de Dieu est malheureux depuis sa chute et comment il peut être réintégré dans la loi des destinées.
S’ils ne savent pas ces choses, si à une religion de mystères et de rigueurs ils ne peuvent substituer une religion de lumière et d’amour, leurs paroles sont mensonges.
S’ils n’ont pu pénétrer au sanctuaire des mystères universels, c’est qu’ils ne sont pas sortis des voies fausses, c’est qu’ils font halte dans les voies incertaines et confuses.
Or il ne leur appartient pas de parler de rénovation autrement que pour en appeler les moyens et pour en étudier la Loi.
Sexe fort, sexe fort, citoyen de la terre, jusqu’à quand fléchirez-vous devant toutes erreurs revêtues d’un fastueux éclat ?
Jusqu’à quand vous laisserez-vous égarer par des mots vides de science ?
L’humanité gémit sous vos lois et vous êtes coupables de toutes ses souffrances quand par votre inhabile gestion, vous ne savez pas créer pour toutes la richesse, la liberté, la paix dont les éléments sont donnés.
Sexe fort, c’est vous qui régnez sur toute la terre, c’est à vous que je viens demander compte de cette parole apportée comme sacrée.
Sexe fort, vous accusez vos rois quand vous manquez de liberté, et vous-même ne l’avez jamais cherchée que pour vous seul, et comme vos rois, vous avez asservi le faible.
Si vous souhaitez la liberté pour vous, cherchez la dans la Loi qui la donne à l’humanité entière.
Cherchez la dans la Loi de Providence qui vous est signalée

Clarisse VIGOUREUX, Parole de Providence, p. V-XV, Paris, Bossange, 1834
(Bibliothèque Municipale de Besançon, 230.247)