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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

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FOURIER Charles : Des harmonies polygames en amour (2003)

Paris, Rivages poche / Petite bibliothèque, 2003, éd. établie et préfacée par Raoul Vaneigem

Article mis en ligne le décembre 2003
dernière modification le 21 février 2006

par Guillaume, Chantal

Raoul Vaneigem propose une nouvelle édition du Nouveau monde amoureux, après celle - incontournable et incontestable - de Simone Debout aux éditions Anthropos. Fourier a laissé à l’état de manuscrits son projet d’un Nouveau Monde. Ces manuscrits, dit Vaneigem, ont survécu à plusieurs naufrages. Les rares fragments publiés ont été mutilés, censurés. Ce texte labyrinthique où se chevauchent les brouillons, les esquisses et les renvois, pourrait recevoir un autre ordre. C’est ce que propose Vaneigem, une autre disposition des cahiers, des renvois, en choisissant parfois l’ordre suggéré par Simone Debout. « Le seul ordre possible est celui que chacun y mettra en fonction de sa sensibilité. » Vaneigem fait l’hypothèse que la pensée jaillissante de Charles Fourier n’était pas canalisable, ni canalisée. L’auteur de cette œuvre si étonnante était emporté par le mouvement même de sa pensée.

À cette nouvelle édition, Vaneigem ajoute une préface dans laquelle il replace le projet radical de Fourier d’explorer une autre réalité des désirs, des passions, dans notre époque, laquelle repose sur une imposture majeure : la réhabilitation du désir, mais du désir de consommation. Le totalitarisme marchand nous ferait croire que l’on peut être par le néant, par cette accumulation de marchandises sans utilité et sans réelle valeur d’usage, et qui laisse dans une insatisfaction fondamentale. C’est se tromper sur l’essence même de la condition humaine. Vaneigem revient sur le sens du projet fouriériste : donner un essor positif à nos passions, les combiner, les associer dans des gammes d’accords et d’harmonies infinies. L’inventeur du phalanstère n’adapte pas l’individu à la société mais propose d’adapter la société à ses désirs. Vaneigem insiste sur cette rupture avec notre héritage culturel que représente le nouvel ordre sociétaire : autre rapport au temps, autre conception du désir, ce qui était vice... aujourd’hui devient vertu. Les combinaisons passionnelles n’ont rien de mécanique ; assortiment de désirs, mais respectueux de leur matu¬ration, de leur nécessaire affinement.

Enfin Vaneigem pense que notre époque aurait le privilège de favoriser une « intelligence sensible des conceptions fouriéristes », parce qu’elle se situerait au point de jonction entre le déclin d’une ère millénaire, fondée sur l’exploitation de l’homme et de la terre, et l’émergence d’une civilisation qui instaurerait entre la nature et son utili¬sateur une nouvelle alliance respectueuse de sa protection et du renouvellement de ses ressources. On peut suivre Vaneigem sur cette voie parce qu’elle est absolument nécessaire (et qu’il y a urgence). Mais on peut faire preuve de plus de pessimisme car le totalitarisme marchand et productiviste résiste bien à ses opposants.