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Lefèvre, (André, Jean, Charles) Élisée
Article mis en ligne le 14 décembre 2020
dernière modification le 15 décembre 2020

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 5 août 1802 à Fontaine-Yot, commune de Courchamp (Seine-et-Marne). Décédé à Gevrolles (Côte-d’Or) le 6 mai 1862. Avocat, cultivateur et éleveur, agronome et publiciste agricole. Directeur de la bergerie impériale de Gevrolles à son décès. Collaborateur du Journal d’Agriculture pratique, de La Démocratie pacifique, de La Presse.

Élisée Lefèvre est le fils de Jean et Marie Lefèvre. Son père exploite un domaine agricole à Courchamp, aux environs de Provins (Seine-et-Marne). Élisée Lefèvre, alors avocat et cultivateur, se marie avec Adrienne Barre à Paris le 8 juillet 1837. Elle est la fille d’un graveur des Monnaies, Jacques-Jean Barre, et de Louise Nogaret. Le contrat de mariage montre une certaine aisance parentale : « Le contrat stipule communauté de biens et donation au dernier vivant. Le futur époux apporte 500 F en nature (habits, linge, charrues) et son père 25 000 F. Le père de la mariée apporte 20 000 F de dot et 2 000 F en nature (linge, habits, bijoux). J. J. Barre apporte une dot supplémentaire de 10 000 F » [1]. Le couple a trois enfants. Marie née en 1838 et décédée en 1839, Jean né en 1839 et Lucie née le 23 avril 1841 et décédée en septembre de la même année [2]. L’épouse d’Élisée Lefèvre ne survit pas à cet accouchement et décède le 15 mai 1841 à La Motte, commune de Courchamp. Élisée Lefèvre paraît être en froid ou n’avoir pas eu de relations particulières avec sa belle-mère. Lors du décès de celle-ci en 1852, il adresse un courrier à son beau-frère Désiré Albert Barre : « La perte d’une mère est une cruelle épreuve, mon cher Albert. Si je suis resté inconnu à celle qui vient de vous quitter, je ne veux pas cependant manquer de respect à ses derniers désirs [...] Le désir de la famille m’a tenu éloigné d’elle ; peut-être n’aurait-elle pas douté de moi si j’avais pu lui conduire moi-même son petit-fils [...]. Ce triste événement nécessitera sans doute quelques petites dépenses pour le deuil de Jean » [3].
En 1862, lors de son décès, Élisée Lefèvre est marié à Rosalie Marie Catherine Rigal, âgée de trente-cinq ans.
Bien qu’ayant suivi des études littéraires à Sainte-Barbe, puis des études de droit, « son vif amour pour les champs et pour les travaux agricoles » [4] l’a conduit à l’agriculture. Dans son exploitation de Courchamp, Élisée Lefèvre s’intéresse à la race ovine mérinos, aux questions des cultures fourragères artificielles. En février 1848, il est chargé par le gouvernement provisoire des approvisionnements de Paris [5]. Proche du ministre de l’agriculture Bethmont, il se voit confier la direction de la bergerie nationale de Rambouillet (Seine-et-Oise, auj. Yvelines). En 1849, il est nommé à celle de Gevrolles où il est chargé de procéder à un croisement entre les moutons mérinos de Rambouillet et les mérinos Mauchamp « de manière à obtenir à la fois une bonne conformation, de la laine tassée et d’une bonne finesse moyenne, enfin un engraissement facile » [6].
L’auteur de sa nécrologie dans le Journal d’agriculture pratique (probablement Jean-Augustin Barral le présente ainsi : « Une vieille et vive amitié nous liait à M. Lefèvre. Une collaboration de plus de vingt années nous avait unis. Il était d’un commerce sûr, homme de bon conseil et de dévouement. On ne remplace pas un tel ami. Son corps a été porté près de Provins, à côté de celui de son père, sous les arbres qu’il avait plantés dans sa jeunesse et où il espérait venir se reposer durant les dernières années de sa vie » [7].
Il est l’auteur de nombreux écrits relatifs à la modernisation de l’agriculture. Il est l’un des premiers collaborateurs de Bixio, fondateur du Journal d’agriculture pratique.
Son engagement phalanstérien est avéré à partir de 1843. Dès la première année de parution de La Démocratie pacifique, Élisée Lefèvre est inscrit parmi les rédacteurs du quotidien [8]. Il est en charge d’articles relatifs aux questions agricoles. Au fil des mois, il devient l’un des principaux collaborateurs du journal et son champ d’écriture se diversifie. Il prend en charge des articles relatifs à la Belgique mais il en signe d’autres au sujet de l’Algérie. Son nom disparaît de la table des rédacteurs à partir du second semestre 1846.
Ses conceptions agricoles ne sont pas particulièrement marquées par la pensée phalanstérienne. Néanmoins, il est soucieux de la justice sociale et de l’organisation du travail. En 1844, lors d’une session du congrès central d’agriculture, il défend le principe de la « division de la propriété, qui tend à affermir l’ordre social et nullement à l’ébranler […]. La grande culture unitaire devait être le point de mire des agronomes, mais à condition toutefois que l’on pût offrir aux manouvriers et aux petits cultivateurs une position plus heureuse que celle qui leur est garantie par la culture morcelée » [9]. Le rapporteur, le député Darblay « pense que le morcellement est dangereux pour le peuple des campagnes ». Lefèvre déclare « au contraire, que c’est la seule sauvegarde réelle de la démocratie contre la féodalité agricole, et par ce motif nous défendrons la division du sol et la culture parcellaire tant que l’on ne sera pas décidé à accepter un ordre social nouveau dans lequel le pauvre ne soit pas à la discrétion du riche, dans lequel l’instrument de travail ne pourra plus être un instrument de servitude. […]. L’auteur du compte rendu note que « M. Elisée Lefèvre ajoutait enfin que la question du morcellement ne pouvait être résolue avec justice, avec humanité, sans s’occuper en même temps de l’organisation du travail agricole ».
Ses écrits publiés dans l’Almanach phalanstérien pour l’année 1845 sont plus marqués par les idées associationnistes [10]. Il vante l’organisation des fruitières jurassiennes ou « associations libres pour la fabrication des fromages dits de Gruyères [sic] » [11]. Chaque éleveur concourt « à la production suivant ses moyens » et est rétribué « proportionnellement à son concours : il y a stricte équité, il y a prospérité, il y a association ». Il souligne le bienfait des comices agricoles « qui sont de véritables associations destinées à propager et encourager l’instruction agricole. Ces germes ne tarderont pas à se développer : il en est, par exemple, qui achètent des instruments pour les mettre à disposition des associés ; d’autres achètent des animaux de choix qui servent à la multiplication des meilleures races dans le canton. C’est ainsi que l’usage des semoirs, des extirpateurs, etc s’est introduit, par le concours de tous, chez les cultivateurs qui n’auraient pu acquérir isolément ces machines nouvelles » [12].
Lors des élections législatives à l’Assemblée Constituante d’avril 1848, il est présenté par La Démocratie pacifique [13] parmi les 34 candidats pour le département de la Seine.
Élisée Lefèvre conserve des liens étroits avec l’École sociétaire. Malgré une relative discrétion, il est resté fidèle à ses convictions de jeunesse. Le 15 janvier 1855, alors que Victor Considerant, en compagnie de son épouse Julie et de sa belle-mère Clarisse Vigoureux, s’apprête à embarquer pour l’Amérique et rejoindre les colons partis pour fonder une colonie au Texas, Élisée Lefèvre écrit à Allyre Bureau [14]. Il s’enthousiasme pour le projet de Société européenne de colonisation du Texas, dont la gérance est confiée à Allyre Bureau, Guillon et Godin. « Votre circulaire sera lue avec vif intérêt, écrit-il. En avant ! Notre société a trop longtemps usé ses forces en paroles : il lui faut de l’action. Malheureusement beaucoup d’entre nous sont déjà loin de leur jeunesse ». A défaut de participer au projet de colonisation au Texas, - il a cependant adressé un mandat complémentaire en décembre -, il donne quelques conseils. Victor Considerant a fait appel à lui pour bénéficier de l’aide d’ « un homme capable de choisir des vaches ». Il conseille Chabot, un ancien élève « qui fait de l’agriculture pour la société d’Enghien ». Il préconise également l’achat de « quelques paires » de moutons Mérinos d’un troupeau en vente dans la Brie.