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Paget, Amédée
Écrivain français, né en 1804, mort en 1841.
Il prit le grade de docteur en médecine à Paris. Il s’est fait connaître comme un chaud partisan des doctrines socialistes de Fourier, et il a écrit, pour les propager, les deux ouvrages suivants Introduction à l’élude de la science sociale (Paris, 1839, in-12), et Examen du système de Fourier (Paris, 1844, in-8°), qui fut terminé par M. Cartier.
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Papillonne
Philos, soc. Passion papillonne ou, substantiv. Papillonne, Amour du changement, inconstance d’humeur ou de goûts, dans le système de Fourier. Nous voici en plein phalanstère, avec le travail attrayant pour tâche et la Papillonne pour règle. (Franck)
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Participation [En fin de notice]
II nous resta à dire un mot sur la façon dont les ouvriers qui pratiquent la participation dans les associations de production et ceux qui la réclament des chefs d’industrie entendent la chose. Ils acceptent dans cette circonstance la théorie hiérarchique et sérielle de Fourier, formulée ainsi capital, talent, travail, c’est-à-dire que ces trois éléments sont appelés à participer aux bénéfices dans des conditions inégales, quoique proportionnelles et suivant la progression descendante : 3, 2, 1. Chacun des participants reçoit chaque jour un salaire minimum et réglé d’après les tarifs courants pour chacune des fonctions spéciales que comporte une industrie, et à chaque trimestre ou semestre, ou à la fin de l’année, on répartit ce qu’on désigne plus ou moins improprement sous le nom de bénéfices entre tous les participants, proportionnellement à la somme de salaires qu’ils ont reçue.
De cette façon, ceux qui ont profité déjà, légitimement d’ailleurs, des avantages résultant, soit de certains dons naturels, soit d’une éducation technique meilleure, soit de préjugées établis en ce qui touche la hiérarchie des fonctions, profitent encore de ces avantages dans la répartition finale qui, loin de diminuer les inégalités, ne fait que les accroître. On n’a pas encore songé qu’une participation égale au travail méritait, toutes réserves faites pour les qualités diverses salariées à leur valeur, une participation égale à la répartition finale. Si on fait profiter le talent, il faudrait faire profiter de même l’assiduité, l’ordre, la patience, le soin, etc., toutes qualités aussi indispensables les unes que les autres à une bonne exploitation. La fonction la plus modeste, représentant une de ces qualités, peut être aussi nécessaire à la création de la richesse que toute autre salariée à un prix beaucoup plus élevé. Il devrait donc être fait deux parts bien distinctes dans toute exploitation industrielle exigeant la coopération de plusieurs volontés et de plusieurs spécialité : l’une, répartie inégalement, payerait, sous forme de salaire, la valeur personnelle ; l’autre, représentant la force économique produite par l’association indépendamment de la valeur de ses membres, sorte de don gratuit, devrait être répartie également entre tous les participants.
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Parturient montes, nascetur ridiculus mus
(La montagne est en travail, un rat ridicule naîtra), Horace (Art poét., v. 139).
« Thomas Morus propose un roi couronné d’épis, Fénelon établit une magistrature de vieillards, l’abbé de Saint-Pierre rêve la paix universelle, Fourier rêve des phalanstères. Mais les rois gardent leur couronne d’or ; le silence se fait autour de la vertueuse mémoire de Fourier, et le monde va toujours comme par le passé, avec ses éternels retours de bien et de mal. Faut-il conclure de là que le monde est incorrigible, et qu’il en est quelque peu de la réforme sociale comme de la réforme des prisons : Parturient montes ? Non, certes. » (Revue de Paris.)
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Passion (pp. 369-373)
Dans la pensée de Fourier : La passion est-elle complètement soustraite à l’autorité de la raison ? C’est à peu près la croyance catholique, qui n’admet, contre la passion, que la puissance de la foi ; c’est aussi la pensée de Fourier, qui fait tout reposer, comme on sait, sur l’attraction passionnelle : « La raison, dit-il, qu’on veut opposer à l’attraction, est impuissante même chez les distributeurs de raison ; elle est toujours nulle quand il s’agit de réprimer nos penchants. Les enfants ne sont contenus que par la crainte, les jeunes gens par le manque d’argent, le peuple par l’appareil des supplices, le vieillard par des calculs cauteleux qui absorbent les passions fougueuses du jeune âge. Plus on observe l’homme, plus on voit qu’il est tout à l’attraction, passion ; qu’il n’écoute la raison qu’autant qu’elle enseigne à raffiner les plaisirs et à mieux satisfaire l’attraction. » Il y a dans ces paroles désespérantes, qui réduiraient la raison à néant et supprimeraient la responsabilité, et partant la justice et la vertu, une exagération évidente. Ce passage de Fourier ne pourrait être admis que comme une de ces tournures éloquentes où l’on dépasse les limites de la vérité dans la pensée que le lecteur en rabattra. Non, il n’est pas vrai que la raison soit sans effet sur la passion, et chacun de nous peut se rendre ce témoignage qu’il a pu, par la réflexion, se contenir quelquefois et peut-être même s’amender. Ce qui est vrai, c’est que le vulgaire et les philosophes eux-mêmes ont coutume de s’exagérer la puissance de la raison ; ce qui est vrai, c’est que la raison, impuissante à étouffer la passion, ne réussit pas toujours à la régler. Mais il n’est que juste de reconnaître que la raison est pour les passions un frein nécessaire toujours, impuissant quelquefois, mais souvent efficace. Nier ce fait, c’est nier la morale, fondement indispensable de la société.
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Passionnel, elle
Philos. soc. Qui a rapport à la passion dominante, dans le système de Fourier. Attraction passionnelle. L’analogie passionnelle, qui est la science des sciences, révèle quelquefois à ceux qui la consultent tes secrets qu’ignore le profane. (Toussenel) L’analogie passionnelle est là pour expliquer le pourquoi de la puissance diabolique du serpent. (Toussenel)
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Patriarcal, e adj. (pa-tri-ar-kal, a-le rad. patriarche).
Qui appartient, qui a rapport aux patriarches La civilisation a commencé par des ligues de grands vassaux ou oligarques, soit nobiliaires, soit patriarcaux PATRIARCAUX. (Fourier) […]
Patriarcat s. m. (pa-tri-ar-ka rad. patriarche). Dignité de patriarche. Il fut élevé au patriarcat de Constantinople. (Acad) Exercice des fonctions du patriarche. Pendant son patriarcat, l’Église ne souffrit aucune persécution. Étendue de territoire soumis à la juridiction du patriarche. On sait que l’Église schismatique d’Orient est divisée en quatre patriarcats. (E. About.)
Philos. Soc. : Dans le système de Fourier, Troisième des sept périodes de l’enfance du genre humain, correspondant à la vie nomade ou pastorale.
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Péchés capitaux (Les Sept)
Série de sept romans, à titres distincts, par Eugène Sue (1846, 16 vol. in 8°). Chacune de ces œuvres a un grand intérêt ; dans leur ensemble, elles présentent la mise en action des théories passionnelles de Fourier ; l’auteur cherche à établir que, bien dirigées, les passions humaines incarnées dans ces sept types fondamentaux, et considérées comme des vices — Index page 96 —, peuvent produire les meilleurs résultat, Pour ce faire, il a pris isolément chacun de ces types.
L’Orgueil, la Colère, la Luxure, la Paresse, l’Envie, l’Avarice et la Gourmandise sont les véritables héros des drames que l’auteur nous raconte sous leur nom. Nous n’entreprendrons pas l’analyse des seize volumes qui composent cette épopée des vices, un exemple nous suffira pour indiquer le plan de l’écrivain. L’Orgueil, le premier en titre des Sept péchés capitaux, nous le fournira. Il est personnifié dans Herminie, une jeune maîtresse de piano, enfant naturelle de la comtesse de Beaumesnil ; elle connaît le secret de sa naissance et feint de l’ignorer, même en présence de sa mère, par orgueil pour elle et pour ne pas l’obliger à rougir. Il l’est aussi dans Olivier Raimond, un jeune militaire qui ne veut rien devoir qu’à lui-même. Il l’est enfin dans Ernestine, la fille légitime de Mme de Beaumesnil qui, orpheline à seize ans et la plus riche héritière de France, ne veut accorder sa main qu’à l’homme qui l’aura aimée pour elle-même. Nous ne parlerons pas des personnages secondaires, tels que la duchesse de Senneterre, qui personnifie l’orgueil de race jusqu’à préférer, pour son fils Gérald, la mort à une mésalliance. Nous connaissons les acteurs principaux ; voici le drame. La main, ou plutôt l’héritage d’Ernestine, devient le point de mire de nombreux prétendants, parmi lesquels trois se distinguent Gérald de Senneterre, qui ne se met sur les rangs que par condescendance pour sa mère ; il voit Herminie, en devient amoureux et renonce aux millions pour le bonheur ; M. de Mornand, un ambitieux qui vise à la fois la fortune et le ministère ; enfin M. de Macreuse, un bon jeune homme de sacristie, tout confit en dévotion, qui, pour captiver l’héritière, se trouve mal en pleurant su mère parfaitement vivante. Ernestine, dans son ingénuité, reçoit d’abord tous ces hommages comme un tribut légitime, et elle tomberait dans les filets des chasseurs à la dot si sa mère n’avait chargé de veiller sur elle un véritable ami, le duc de Mailleford, qui joue tout le long du roman le rôle de la Providence, pour ne pas dire celui du Deus ex machina des anciens. Il l’avertit des conspirations tramées contre ses millions, démasque les batteries de Mornand et du jeune Macreuse, s’érige en grand justicier et exécute spirituellement ces prétendants évincés. Pour assurer le bonheur d’Ernestine, il ne lui reste plus qu’à vaincre la résistance d’Olivier qui, l’ayant aimée déguisée en grisette, est près de la repousser parce qu’elle se présente escortée de ses millions.
Olivier se résigne enfin être à la fois heureux et riche, taudis que Macreuse va expier au bagne une tentative de viol contre Ernestine, tentative qu’a déjouée encore M. de Mailleford. Ce n était pas là l’exploit le plus difficile de ce brave duc. Gérald, de son côté, a joué le même jeu qu’Ernestine ; il aime Herminie et s’est fait aimer d’elle sous le costume d’un clerc de notaire. Lorsqu’elle apprend qu’il est duc de Senneterre, la jeune fille refuse d’entrer dans une noble famille comme une aventurière et déclare qu’elle ne consentira au mariage que si la duchesse vient l’en prier. Le duc de Mailleford se charge de la décider. Raisons, supplications, peinture émouvante du désespoir de son fils, qui se tuera, rien ne peut ébranler la sotte vanité de l’altière douairière. M. de Mailleford fait alors jouer les grands moyens. Il possède un titre de prince qu’il s’engage à transmettre par adoption à Hermine le jour de la signature du contrat. Les scrupules de la grande dame tombent ; elle se rend chez Herminie ; puis l’orgueil de race reprenant le dessus, elle l’insulte presque. La dignité blessée de la jeune tille, sa grâce, sa beauté, son orgueil triomphent de celui de Mme de Senneterre, cet orgueil indomptable d’Herminie, qui n’a jamais faibli, fléchira au dernier moment et se brisera contre la bonté du duc de Mailleford, lorsque, pour lui faire consentir à l’adoption, il lui dit « Ne m’avez-vous pas répété bien souvent que vous ressentiez pour moi une affection toute filiale ? N’avez-vous pas cru ne pouvoir mieux m’exprimer votre reconnaissance qu’en me disant que je vous témoignais la sollicitude d’un père ? — Oh ! oui, monsieur ; du père le plus tendre ! s’écrie la jeune fille avec affusion. Eh bien alors, dit le duc en souriant avec une bonhomie charmante, qu’est-ce que cela vous fait de porter mon nom ? Vous m’avez déjà promis que si vous aviez un fils, il le porterait, ce nom. N’êtes-vous pas d’ailleurs, par le cœur, par votre attachement pour moi, par ma tendresse pour vous, mon enfant d’adoption ? Pourquoi ne signeriez-vous pas ce contrat comme ma fille adoptive ? — Index page 97 — Voyons, croyez-vous que j’aie légitimement gagné ce glorieux bonheur de pouvoir dire à tous : “C’est ma mie”, refuserez-vous enfin d’honorer encore, en le portant, un nom toujours respecté ? Signez, sinon l’on s’imaginera peut-être qu’une belle et charmante créature comme vous a honte d’avoir pour père un pauvre petit bossu comme moi » et il ajouta, sans que personne l’entendît « Enfin. celle que nous regrettons ne m’a-t-elle pas dit “Soyez un père pour ma fille ?”. » Herminie signe la consécration de son bonheur ; les deux sœurs épousent le même jour les deux amis, Olivier et Gérald.
Le sujet est bien traité, avec beaucoup de vivacité, de sentiment et de naturel. Le style est ardent, coloré, plein de mouvement et de vie. Mais l’Orgueil est le meilleur des sept romans ; c’est le dessus du panier ; l’auteur a été moins bien inspiré pour les autres péchés capitaux.
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Péché de M. Antoine (Le), roman, par G. Sand (Paris, 1847).
Ce roman fut écrit durant cette phase de sa carrière littéraire où l’auteur d’Indiana mit tout son talent au service des théories sociales et religieuses de Fourier. Il y parait à de nombreuses digressions disséminées dans l’ouvrage dont le fond même est la mise en action de quelques théories communistes.
Le comte de Châteaubrun, que l’on appelle plus communément dans le pays M. Antoine, est un gentilhomme ruiné qui vit retiré dans son vieux château, entre sa fille Gilberte et son intendante Janille, qui passe, aux yeux de tous, pour la mère de Gilberte, car M. Antoine n’a jamais été marié. À quelque distance de ce vieux manoir habite le marquis de Boisguilbaut, le plus riche propriétaire des environs, autrefois l’ami intime de M. Antoine, mais qui, depuis vingt ans, est brouillé avec lui et vit dans la solitude la plus absolue. À l’époque où commence le récit, un industriel fort riche, M. Cardonnet, est venu établir une immense usine sur la rivière qui arrose le pays, et chacun se demande s’il apportera la richesse ou la ruine à la population ouvrière des campagnes. Il a mandé auprès de lui son fils Émile pour l’aider dans son entreprise, et celui-ci, imbu des doctrines de Fourier, est fort peu disposé à s’associer à ce qu’il appelle l’exploitation du pauvre par le riche. De là d’interminables discussions et un antagonisme continuel entre le père et le fils. Heureusement, Émile a vingt ans et, s’il ne demande pas mieux que de partageur sa fortune avec ses frères en Fourier, il a dans le cœur des aspirations égoïstes à l’endroit de la belle Gilberte de Châteaubrun ; il se promet de l’aimer tout seul et de se faire préférer à ceux qui la lui disputeraient. La victoire lui est facile ; Gilberte est dans toute la sève de son printemps, et elle ne demande qu’à s’épanouir au premier rayon d’amour honnête. Les pages dans lesquelles on suit pas à pas le développement de l’amour dans ces jeunes gens sont d’une grande poésie et délassent un peu du pathos utilitaire qui les côtoie. On devine quels obstacles rencontrera le bonheur des deux amants ; M. Cardonnet ne peut consentir d’abord à ce que son fils, un futur millionnaire, épouse la fille d’un pauvre gentillâtre de campagne. Après bien des hésitations, il finit pourtant par s’attendrir, et il déclare à son fils qu’il est prêt à lui donner son consentement à la condition qu’il renoncera, de ce jour et à jamais, à Fournier, à ses pompes et à ses œuvres. Le calcul de Cardonnet est fort simple. Il a grand besoin, pour son usine, des lumières scientifiques d’Émile, et celui-ci les lui refuse pour réserver tout son dévouement à la grande communauté. S’il abjurait sa foi, il concourrait désormais à l’augmentation de la fortune de la maison Cardonnet père et fils et, de la sorte, serait réparée la folie d’un mariage avec une fille sans dot. Mais Émile mourra plutôt que de trahir la cause commune ; Gilberte le mépriserait s’il agissait autrement, et il perdrait son plus grand ami, le marquis de Boisguilbaut. En effet, par hasard, Émile a pénétré jusqu’au marquis misanthrope, et il s’est trouvé que ce vieux solitaire est un frère.
Plusieurs fois Émile a tenté de rapprocher le marquis de son vieil ami M. Antoine, mais toujours inutilement. Personne ne connaît la cause de cette haine après une si longue amitié, et ce n’est — Index page 98 — que lorsque le bonheur d’Émile vient à dépendre d’une démarche du marquis auprès du comte de Châteaubrun que le secret, si longtemps ignoré, se révèle. Le marquis, déjà vieux, s’était marié à une jeune et jolie femme. Celle-ci était morte en accouchant, loin de son mari, d’une fille qui avait été inscrite sur les registres de l ’état civil comme née de père inconnu, et cette fille était Gilberte, cette fille était le péché de M. Antoine ; depuis cette époque, jamais le marquis n’avait voulu revoir le comte. Il oublie son ressentiment en considération de l’ardente affection qu’il a pour Émile, et il vient au manoir de Châteaubrun déclarer à M. Antoine, en lui serrant la main en signe de pardon qu’il institue Gilberte sa légataire universelle. Dès lors, M. Cardonnet n’a plus d’objection à faire au mariage de son fils, et les deux amants acceptent sans hésiter la condition que le marquis de Boisguilbaut met à leur bonheur car ce vieux marquis, lui aussi pose des conditions à sa manière : il veut que les jeunes gens s’engagent à transformer dans un temps donné les immenses propriétés qu’il leur lègue en une grandiose et riche commune. L’action, l’intrigue, les caractères, le développement des situations, les paysages… en un mot, tout ce qui, dans ce roman, est dû à l’imagination brillante et poétique de G. Sand, est plein d’intérêt et d’émotion ; ce qui est emprunté aux rêveries de Fourier est plus vague, plus pâteux et alourdit l’ensemble.
Pages 523-524
Pellarin, Charles
Médecin et économiste français, né à Jugon le 25 novembre 1804 [décédé le 15 décembre 1883].
À vingt ans, il fut attaché au corps médical de la marine, fit partie de l’expédition d’Alger en 1830, comme second chirurgien de la frégate la Médée. M. Ed. Charton et le docteur H. Rigaud ayant fait, en 1831, une mission saint-simonienne à Brest, M. Pellarin fut un de leurs auditeurs assidus. Séduit par une doctrine qui proclamait « que toutes les institutions doivent avoir pour but l’amélioration physique et intellectuelle de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre », il répondit à l’appel du Père Enfantin en donnant sa démission et en vendant une petite ferme héritée de sa mère, dont il porta le produit aux apôtres saint-simoniens, retirés à Ménilmontant. Mais, ayant eu là occasion de lire le Traité de l’association de Fourier, M. Pellarin quitta aussitôt le saint-simonisme pour se rallier à la théorie sociétaire, dont il devint et dont il est resté un des propagateurs les plus convaincus. il collabora successivement au journal le Phalanstère ou la Réforme industrielle, à la Phalange, à la Démocratie pacifique et à la Science sociale. Comme médecin, M. Ch. Pellarin a publié des travaux dans les Annales d’hygiène, dans l’Union médicale et dans la Gazette médicale de Paris. Il a lu, en 1847 à l’Académie des sciences, un mémoire : Sur le mal de mer (1851, broch. in-8°). Étant en garnison à Givet, comme médecin d’un bataillon de la garde mobile, en 1849, lorsque le choléra éclata dans cette ville, M. Pellarin crut reconnaître que le mal épidémique se transmettait par la respiration des miasmes dégagés des déjections cholériques, et il adressa sur ce sujet à l’Académie des sciences de nombreuses communications consignées dans les Comptes rendus de ce corps savant (années t849 et 1850). Il a publié sur le même sujet le Choléra ou Typhus indien, épidémie de 1865 (1868, in-8°) ; le Choléra, comment il se propage et comment l’isoler (1873, in-8°). Fixé depuis 1850 dans le quartier du Petit Montrouge, M. Ch. Pellarin a été médecin du bureau de bienfaisance, membre de la commission d’hygiène, président de la commission des ambulances municipales du XIV° arrondissement. L’Académie de médecine lui a accordé, en 1857, une médaille d’or pour ses rapports comme secrétaire du comité de vaccine de l’arrondissement de Sceaux ; il a obtenu une médaille d’argent pour son zèle pendant le choléra de 1865 et la décoration en 1868, sur la présentation du grand chancelier la Légion d’honneur. Les ouvrages de philosophie et d’économie sociale publiés par M. Ch. Pellarin sont assez nombreux ; en voici les titres avec quelques indications sur les sujets traités :
1° Fourier, sa vie et sa théorie dont la première édition a paru en 1839 et la cinquième en — Index page 99 — 1871, in-18. Cet ouvrage, que nous avons mis à contribution pour notre article Fouriérisme, présente une exposition claire, méthodique, attrayante de la théorie sociétaire. Béranger l’estimait « le plus propre à faire connaître Fourier et son système et à les faire admirer tous les deux ». La dernière édition donne un portrait de Fourier ; elle contient une préface nouvelle, des notes fort curieuses et deux chapitres ajoutés. Dans l’un de ces chapitres, M. Pellarin fait de sages réserves sur les déductions, parfois aventureuses, que Fourier a indiquées comme devant ou pouvant être « les conséquences de la loi de série et du principe de l’attraction passionnelle. » II s’agit des conjectures de Fourier sur les libres amours du phalanstère. « Le maître, dit-il, a trop négligé, à mon avis, de tenir compte des contrepoids, des facultés de surveillance et de contrôle que la nature elle-même a placés auprès des penchants les plus susceptibles d’entraînements désordonnés. Tel est, pur exemple, cet exquis sentiment de pudeur qui s’éveille dans l’âme en même temps que les premières vagues émotions de l’affection correspondante. » M. Pellarin fait remarquer avec raison que ces facultés tutrices et modératrices sont aussi des parties intégrantes du système passionnel et sont comme toutes les autres, susceptibles de culture et de développement.
2° Sur le droit de propriété, brochure (Besançon, 1840, in-18), avec cette épitaphe souvent répétée depuis : « Le capital, c’est le travail accompli. »
3° Allocutions d’un socialiste (Paris, 1847).
4° Essai critique sur la philosophie positive (1864, gr. in-80). C’est une critique très vigoureuse et très complète de la philosophie sociale d’Auguste Comte. M. Pellarin attaque particulièrement deux choses dans la fondation du positivisme : l° la prétention de faire revivre les institutions catholiques, en supprimant l’idée de Dieu mise au rebut à titre de conception théologique ; 2° la négation du droit, la négation de la souveraineté du peuple et de la liberté, à titre de conceptions métaphysiques. Il élève contre la fameuse loi positiviste des trois états successifs de l’esprit : état théologique, état métaphysique, état positif, une objection qui nous semble très solide, mais qu’il aurait dû peut-être développer davantage ; c’est que ces trois états ne caractérisent pas trois phases distinctes de l’évolution de l’esprit humain, mais constituent trois modes de concevoir toujours mélangés à diverses doses et employés simultanément. « L’esprit humain, dit-il, a toujours été à la fois, en variant du plus au moins, dans les trois états. L’intelligence de l’homme n’a jamais cessé de s’enquérir de la cause de l’univers et des causes secondaires de tous les phénomènes qu’il présente ; et il n’est pas à présumer que, malgré les efforts de l’école positiviste, elle renonce de sitôt à ce genre de recherches (état théologique). Elle a toujours plus ou moins fait des abstractions, distingué l’abstrait du concret (état métaphysique). Enfin, pour une foule de choses, pour tout ce qui tient à la vie ordinaire, l’intelligence s’est montrée de tout temps, et quelles que fussent ses aberrations théologiques, extrêmement positive ; on n’avait pas attendu M. Comte pour étudier la plupart des propriétés des corps et une foule de phénomènes d’après la méthode positive, puisque, à tout prendre, cette méthode ne consiste qu’à généraliser l’emploi des procédés suivis dans les sciences exactes. »
5° Souvenirs anecdotiques (1868).
6° Qu’est-ce que la civilisation ? (1867, in-18). M. Pellarin expose dans cette brochure l’idée que le fouriérisme met sous le mot civilisation. Il s’élève contre le déterminisme ethnique absolu de certains anthropologistes. Tout en accordant à la race une grande importance, il n’admet pas qu’elle décide seule de la condition sociale des populations. Il repousse la division positiviste des périodes sociales basée uniquement sur l’évolution religieuse, en faisant observer que l’état social des sectateurs du monothéisme le plus pur, des musulmans, est manifestement inférieur à celui des sociétés polythéistes de l’époque — Index page 100 — brillante de la Grèce.
7° Considérations sur te progrès et la classification des sociétés (1872). Cette brochure contient les vues de M. Pellarin, qui sont celles de l’école sociétaire, sur les besoins et les tendances naturelles de l’homme, sur le progrès social, sur la classification des états sociaux. L’auteur nous donne du progrès la définition suivante : « Le progrès social, c’est l’élévation, au profit de tous ; du niveau de la science, de la richesse et du bonheur ; c’est le concours de tous à ce triple but, obtenu avec le moins de contrainte possible et de plus en plus spontanément ; ce sont les garanties d une part et les responsabilités de l’autre, de plus en plus généralisées et de mieux en mieux établies ; c’est le développement parallèle de la solidarité collective et de la liberté individuelle au profit de la femme et de l’enfant, comme de l’adulte masculin, toutes choses qui ne peuvent résulter que de l’application complète de la vérité et de la justice aux rapports sociaux. » Ces deux derniers écrits ont paru d’abord dans les bulletins de la Société d’anthropologie, dont M. Pellarin est membre titulaire depuis 1865.
D’une persévérance à toute épreuve dans son prosélytisme phalanstérien, le docteur Pellarin, à chaque anniversaire natal de Fourier, son maître, prononce un speech de circonstance. Il a, en dernier lieu, publié, une Lettre inédite de Fourier adressée au grand juge le 4 nivôse an XII, avec des observations sur Fourier et ses contemporains (1874, in-18).
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Phalange s f
(fa-lan-je — lat. phalanx, phalnngis, grec phadanx, phalangos, ligne pleine, et aussi la partie mobile, l’articulation du doigt, d’un radical phal, qui est la forme aspirée de pal, racine de mouvement très répandue dans toute la famille aryenne : sanscrit pal, pél, aller, pil, pelay, faire aller, lancer ; latin pello, populi, pousser, mouvoir ; kymrique pellu, éloigner, pelu, lancer, petiato, brandir, anglo-saxon feallan, tomber, etc.).
Antiq. gr. Corps de piquiers pesamment armés ; phalange simple, double, triple, quadruple. Front de phalange. La phalange octuple, dont on voit un exemple à la bataille de Magnésie, avait de hauteur trente-deux hommes. (Acad.) La phalange macédonienne, qui n’était qu’un bataillon carré fort épais de toute part, ne pouvait se mouvoir que tout d’une pièce. (Boss.)
Par ext. Corps de troupes et particulièrement de fantassins. Les phalanges républicaines. Troupe nombreuse, multitude, légion : Avez-vous vu la noire phalange des esprits de ténèbres assiéger son chevet et tourmenter son agonie ? (G. Sand.) Sillonnez nos plaines fertiles, // Phalanges de gais travailleurs. (Lachambeaudie.)
Philos. soc. Commune sociétaire du système de Fourier, composée de familles associées pour les travaux de ménage, de culture, d’industrie, d’art et de science, d’éducation, d’administration, etc.
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Phalanstère, s. m. (fa-lan-stè-re rad. phalange).
Philos. Habitation de la commune sociétaire, régie par le système de Fourier ou de sa phalange. La gérance du Phalanstère est confiée à un conseil de vieillards annuellement élu par tous ses membres.
Phalanstérien, ienne, s. adj. (fa-lan-sté-ri-ain, i-é-ne rad. phalanstère).
Philos. soc. Qui appartient, qui a rapporte au phalanstère Association PHALANSTERIENNE. Idées PHALANSTÉRIENNES. Substantiv. Membre, habitant d’un phalanstère, artisan du phalanstère, du système de Fourier.
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Pivotal, ale, adj. (pi-vo-tal, le rad. pivot).
Qui tient du pivot, qui fait les fonctions de pivot. — Index page 101 — L’ovaire occupe, dans la corolle, la place pivotale. (Toussenel)
Philos, soc. Principal, central, dans le langage de Fourier Le mouvement Pivotal est le type des quatre autres mouvementa. (Fourier.) Le mouvement passionnel est le mouvement Pivotal de la mécanique céleste. (Toussenel) La gramme des saveurs et des odeurs et la gamme dit sens Pivotal, le tact, sont à peine ébauchées chez l’homme. (Toussenel.)
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Pompéry (Édouard de)
Écrivain français, né à Couvrelles (Aisne) en 1812 [mort en 1895].
Il appartient à une ancienne famille bretonne, connue par ses idées libérales. Après avoir fait son droit à Rennes, où il fut reçu avocat, il s’adonna à l’étude de l’économie politique, de la philosophie et de la science sociale, débuta par une brochure sur le Sucre indigène (in-8°), puis publia divers écrits. Ayant lu les ouvrages de Fourier, M. de Pompéry adopta en partie les idées du célèbre socialiste et fit, en 1839, à la loge des francs-maçons de Brest, dont il était membre, un cours public sur le système phalanstérien. Il collabora ensuite à la Phalange, à la Démocratie pacifique, à la Revue synthétique, de V. Meunier, à la Revue indépendante, à la Revue sociale, de Pierre Leroux, au Courrier français, de Xavier Durrieu (1847), et eut l’idée, pour propager les doctrines de rénovation sociale, de fonder un journal, l’Humanité, dont il ne parut qu’un numéro spécimen. Après la révolution de 1848, M. de Pompéry se porta, comme républicain socialiste, candidat l’Assemblée constituante dans le Finistère ; mais il échoua. Sous l’Empire, toujours fidèle à ses idées républicaines, il écrivit des articles dans des journaux de l ’opposition et dans diverses revues, notamment dans l’Opinion nationale, la Revue philosophique et religieuse (1854-1858), la Revue de Paris (1864-1865), la Morale indépendante (1868-1870), la Philosophie positive, de M. Littré, le Phare de la Loire, etc., et fit paraître un certain nombre d’ouvrages. Lors des élections du 8 février 1871, il posa sa candidature dans le Finistère, mais ne fut point élu. M. de Pompéry est membre de la Société Franklin, de la Ligue de l’enseignement, de la Ligue internationale de la paix, de la Société de sociologie, de 1’Association philotechnique, de la Société des gens de lettres. Parmi les ouvrages de cet écrivain distingué et convaincu, nous citerons le Docteur de Tombouctou (1837, in-8°), essai de science sociale ; Théorie de l’association et de l’unité universelle de Ch. Fourier, in-8°) ; Despotisme ou socialisme (1849) Décadence et renouvellement de la foi (1863, in-8°) ; la Femme dans l’humanité, sa nature, son rôle et sa valeur sociale (1864, in-12) ; Béranger (in-12) ; Beethoven (1865, in-18) ; le Vrai Voltaire (1867, in-8°), ouvrage très remarquable, etc. Enfin, depuis 1871, M. de Pompery a publié, pour la propagande républicaine, divers écrits fort bien faits, la Fin du bonapartisme, les D’Orléans, le Veuillotisme et la religion, la Vraie et la fausse politique, etc., enfin Esquisse sur le vrai Voltaire (1873), contenant une vue d’ensemble sur l’homme et sa mission.
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Population [… Limitation de la population]
Malthus n’a pas trouvé d’autre moyen de prévenir les suites funestes de l’excès de population que le célibat ; il déconseille le mariage aux pauvres. On a profité de cette conclusion de l’Essai sur la population pour dénigrer l’ensemble de l’ouvrage. Le célibat serait dans tous les cas moins immoral que l’infanticide et l’avortement, trop fréquents, hélas ! dans notre société actuelle. Si le remède proposé par Malthus est mal choisi, le tort que fait à certaines contrées l’excès de population n’en est-il pas moins réel ? D’ailleurs, les disciples et successeurs du savant économiste ont trouvé d’autres moyens beaucoup plus moraux, plus intelligents et plus efficaces de prévenir l’excès de population et par conséquent aussi les maux qui en résultent, comme la pauvreté et la prostitution.
Depuis longtemps, on a cherché des procédés pour limiter la population et tarir ainsi une — Index page 102 — des sources des maux de l’humanité. Comme toujours, avant d’arriver à un résultat sérieux, on commença par tâtonner et par inventer des systèmes immoraux et extravagants.
On a été jusqu’à conseiller l’avortement et l’infanticide ; le meurtre des enfants était une pratique tolérée chez les anciens ; Aristote et Platon n’élèvent aucun doute sur sa légitimité. De nos jours, en Chine, l’infanticide est encore permis pour les filles. Un économiste anglais a proposé de soumettre les nouveaux-nés à une asphyxie sans douleur (painless extinction), au moyen de l’acide carbonique.
Un écrivain allemand, M. Weinhold, conseiller de régence en Saxe, a proposé très sérieusement la castration. Un médecin, M. London, conseillait l’allaitement triennal. D’après lui, la période naturelle de lactation étant de trois ans et, d’autre part, les fonctions des mamelles et celles de l’utérus étant antipathiques, si la femme, mariée à vingt et un ans en moyenne, allaitait chacun de ses enfants pendant ce laps de temps, la population au lieu d’augmenter tendrait à décroître. Ce serait condamner la femme à un long et pénible esclavage, inutile à la vigueur de l’enfant. Un pareil système présenterait, en outre, quelques autres inconvénients qui le rendent inapplicable.
M. Doobleday a proposé l’engraissement des femmes, qui arrêterait la fécondité. C’est aussi le système de Fourier, qui y ajoute la pratique des mœurs phanérogames, c’est-à-dire la polyandrie et la polygamie.