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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Dausse, Jules (François)
Article mis en ligne le 19 mars 2020
dernière modification le 18 janvier 2020

par Desmars, Bernard

Né le 19 décembre 1816 à Pont-du-Navoy (Jura), décédé le 19 novembre 1870 à Lons-le-Saunier (Jura). Marchand de fer. Propagandiste du fouriérisme à Lons-le-Saunier dans la seconde moitié des années 1830 ; abonné à La Phalange, membre de l’Union harmonienne.

Quand Jules Dausse naît, son père est vétérinaire ; puis la famille s’établit à Lons-le-Saunier ; son père est désormais marchand de fer, profession qu’il exerce jusqu’à son décès en 1833. Jules reprend ensuite l’affaire familiale : lorsqu’il se marie en 1838 avec la fille d’un propriétaire, il est lui-même marchand de fer.

Propagandiste du fouriérisme

Il adhère au mouvement fouriériste au cours de l’année 1835, comme il l’explique en août 1836 à Victor Considerant :

disciple de Fourier depuis un an à peu près, je n’ai donné de publication [1] dans notre ville que depuis 6 mois, auparavant, il est vrai, je n’avais que bien peu d’idées du phalanstère. Voici comme je fus converti : Il y a un an (j’ai 20 ans) comme tous les jeunes gens de mon âge, je me permettais d’être républicain, j’avais Le Réformateur [2], je faisais grande consommation de journaux, lorsque je vis J. Rivière, mon ami intime, c’était lorsqu’il rentrait dans sa famille, il me parla pendant quelques heures de sa théorie, et voulait me dissuader de mes opinions, je résistais à lire son mémoire qu’il m’avait laissé, il n’en pouvait pas me convaincre entièrement, mais je doutais, je réfléchis que la république par progrès comme je la voulais, et non par le sang, n’était guère possible, je doutais donc, plutard [sic] je lus Destinée sociale, bref, je fus malgré mon opposition un phalanstérien, car depuis ce temps, rien ne m’arrête pour la publication de concert avec M. Gagneur, avec qui je corresponds, nous prêtons les livres et tâchons de faire germer les idées de la doctrine [3].

D’après Wladimir Gagneur, le correspondant de l’École sociétaire dans le Jura, Jules Dausse est en effet un propagandiste très actif et il mériterait un mot de la part du Maître :

J’aurais maintenant une prière à faire à Monsieur Fourier. Ce serait de m’envoyer dans sa réponse quelques lignes d’encouragements (une petite lettre séparée) pour le jeune Dausse de Lons-le-Saunier, qui s’occupe très activement de propagande, qui est allé dans des villes voisines exprès pour me placer quelques exemplaires de la brochure de Considérant, Dernière débâcle de la politique [en France], et se remue tout le jour en un mot, soit pour trouver des abonnés au journal, soit pour placer quelques exemplaires de vos traités, que je lui fais venir de Besançon [4].

Dausse est ravi que le mouvement fouriériste se soit doté d’un périodique (« depuis longtemps, j’attendais le journal » [5]). Il a déjà reçu les quatre premiers numéros, sans savoir à qui il le doit (C’est probablement Gagneur qui a demandé à la direction de La Phalange d’envoyer quelques numéros à Dausse) ; il a décidé de s’y abonner pour six mois, mais il ne souhaite pas le recevoir à son domicile ; il indique comme adresse d’expédition : « à Monsieur Marmora, libraire à Lons-le-Saunier (Jura) pour M. Dausse fils ».

Voici la raison, il y a plusieurs de mes amis qui ne peuvent encore se décider à prendre des abonnements et je veux laisser mon journal en permanence chez ce libraire, pour qu’ils puissent le lire, persuadé qu’ils m’en sauront gré plutard [sic] [6].

Pendant cette même année 1836, certains disciples de province souhaitent structurer le mouvement fouriériste afin d’établir des relations plus régulières entre eux. Just Muiron propose ainsi la création d’une Union phalanstérienne. Il est soutenu par des fouriéristes francs-comtois [7], dont Jules Dausse qui explique à Considerant que « cela [leur] serait très utile, à cause des correspondances » [8]. Finalement, le projet d’Union est abandonné.

J’étais bien aise, Monsieur, de pouvoir vous écrire, il était de mon devoir de Jurassien de gouter [sic] notre grand système et d’y être dévoué pour toujours une fois convaincu de toute sa bonté.

Je travaille à un tableau synoptique, c’est une grande carte où sont rassemblés tous les tableaux de l’association de Fourier.

Agréez Monsieur, l’estime d’un de vos plus profonds admirateurs [9].

Dausse écrit quelques articles de propagande. En septembre 1837, Wladimir Gagneur écrit à Victor Considerant :

Je retouche actuellement aussi un article de Dausse de Lons-le-Saunier, qu’il fera insérer dans La Sentinelle [du Jura], on le lui a promis et vous pourrez après le reproduire. Il a une tendance toute phalanstérienne, mitigée cependant [10].

En 1837-1838, il est inscrit parmi les « abonnés [à La Phalange] qui ont droit aux gravures de Chartres » [11] de César Daly.

Du côté des dissidents

Après l’abandon par Muiron de son projet d’Union phalanstérienne, d’autres disciples de Fourier contestent à la fois l’autorité du chef de l’École sociétaire et la direction donnée au mouvement, trop exclusivement orienté vers la propagande écrite et orale ; ces dissidents, qui souhaitent passer rapidement à la réalisation, se retrouvent notamment dans l’Union harmonienne et disposent de plusieurs organes, dont Le Nouveau Monde. Jules Dausse est le correspondant à Lons-le-Saunier de l’Union harmonienne [12]. Il adresse en 1840 à La Sentinelle du Jura un article très hostile envers Considerant et les responsables de l’École sociétaire [13]. Il leur reproche de dévoyer le fouriérisme en s’engageant sur le terrain politique. Il s’en prend en particulier à un article intitulé « Décomposition et abdication du parti républicain » et paru dans La Phalange [14], une revue dont il annonce « la décadence prochaine » car elle serait « maintenant abandonnée par la plus grande partie des phalanstériens ».

Je veux […] protester contre l’esprit du journal La Phalange, qui est regardé comme l’organe de notre école, ce qui est une erreur ; car depuis quelque temps, ce journal est tout à fait opposé à nos principes, par suite de ses discussions politiques.

La mission du phalanstérien n’est pas de se faire le champion d’un parti plutôt que d’un autre ; son seul but est d’enseigner la science sociale  ; par conséquent, celui qui injurie, blesse les opinions, et ne s’attache pas à apaiser les haines par la conciliation et l’attraction, celui-là, je l’affirme, manque à son caractère phalanstérien.

La Phalange se place aujourd’hui en première ligne et veut concentrer autour d’elle tout ce qui a rapport à la théorie de Fourier, et avec l’orgueil et l’exclusivisme de son directeur-gérant, elle nous crie : Tout ce qui n’émane pas de ma direction ne vaut rien.

[…]

Il m’est pénible d’admettre le public dans ces dissidences de l’école : mais il nous est impossible, sans manquer à notre devoir, de laisser prendre le change sur l’esprit de ce journal, et de ne pas protester contre sa marche, maintenant surtout qu’il déclare qu’il ne reconnaît à personne, en dehors de son comité, le droit de propager la théorie de notre maître Charles Fourier.

Selon Dausse,

Notre but, le seul et unique […] est celui-ci […] :

Organiser le travail attrayant, faciliter le libre essor des enfants pour le choix d’une vocation, améliorer la classe des travailleurs, et leur garantir le minimum ; faire la juste répartition du salaire pour le travail, capital et talent, etc.

On doit donc voir qu’il n’est nullement question de politique, et qu’il est de notre intérêt de ne heurter aucune opinion, puisque nous pensons généraliser l’application de la science sociale.

Dausse termine sa lettre par deux textes extraits de la Théorie des quatre mouvements et du Traité de l’association domestique agricole, dans lesquels Fourier insiste sur le fait que les changements sociaux et économiques qu’il propose peuvent être réalisés quel que soit le régime politique.

Pourtant, malgré cet article, Dausse se réabonne à La Phalange en 1840 [15]. Sous le Second Empire, Dausse figure sur un répertoire d’adresses concernant le mouvement fouriériste [16]. Mais il n’apparaît plus dans la correspondance de l’École sociétaire, ni dans les listes de souscription ou dans les comptes rendus des manifestations fouriéristes.