Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Mourlet, (Élise) Aurélie (née Lassalle)
Article mis en ligne le 17 septembre 2019
dernière modification le 26 juin 2022

par Desmars, Bernard

Née vers 1830. Décédée en 1910 ou 1911 à Mustapha, près d’Alger (Algérie). Féministe et dreyfusarde. Abonnée à La Rénovation et souscriptrice de la statue de Fourier.

Dans les années 1850, Aurélie Lassalle et son mari Claude Mourlet vivent aux Aix-d’Angillon (Cher), où ils ont un fils en 1853. Ils vivent encore dans cette commune lors du recensement de 1861, mais pas lors de celui de 1866. On sait qu’ils vivent en Algérie au moins en 1869 (leur fils y meurt cette année-là). Le couple vit tantôt à Alger, tantôt dans sa banlieue, à Mustapha.

Aurélie et Claude Mourlet sont associés dans leur engagement fouriériste. Quand, en 1872, l’École sociétaire envisage la création d’une nouvelle société, ils promettent ensemble d’y apporter chacun 18 francs [1]. Ils sont abonnés ensemble au Bulletin du mouvement social dans les années 1870 [2]. Ils visitent tous les deux le Familistère de Guise, en 1880 et s’abonnent au Devoir, périodique créé par Jean-Baptiste Godin [3].

Aurélie Mourlet participe en 1888 au Congrès pour l’avancement des Sciences qui se tient à Oran. Des séances concernent l’éducation des filles. « La femme du docteur Mourlet en dirigeait les débats », accompagnée par un « groupe très ardent » de féministes [4].

Claude Mourlet meurt en 1895. Son épouse continue l’abonnement – jusqu’alors au nom de son mari – à La Rénovation, l’organe fouriériste lancé en 1888. Elle verse à plusieurs reprises de modestes sommes pour la réalisation de la statue de Fourier à Paris [5].

Elle prend position en faveur du capitaine Alfred Dreyfus. En 1898, le journal républicain Le Rappel dit avoir reçu de sa part une « lettre éloquente, où s’expriment en un fier et fort langage les sentiments les plus élevés », en faveur de Dreyfus et de son épouse [6]. En 1902, après la mort de Zola, elle envoie 5 francs à la Ligue des droits de l’homme pour l’édification d’un monument en l’honneur de l’écrivain dreyfusard [7].

Cet engagement entraîne la dégradation de ses relations avec Adolphe Alhaiza, le directeur de La Rénovation. En 1899 et 1900, elle lui adresse plusieurs lettres dont des passages sont reproduits dans le périodique fouriériste ; elle considère que « le mal qui ronge notre pays, cette lèpre qui s’étend, grandit, envahit notre malheureuse France, qui lui enlève toute initiative, toute vigueur », c’est « le jésuitisme » qui influence encore l’éducation. Alhaiza lui répond que le jésuitisme a en fait peu d’influence ; ce qui menace la France, ajoute-t-il, c’est « l’intrusion juive qui fausse tous les ressorts de l’organisme national » et qui mène « une action […] démoralisante, oblitérante et plus encore dissolvante » [8]. D’autres lettres sont encore échangées, Aurélie Mourlet y dénonce « les proscriptions, les ghettos » dont sont victimes « ces infortunés israélites » persécutés par le catholicisme ; elle reproche à Alhaiza de les traiter de façon injuste [9]. L’un et l’autre se réfèrent à Fourier pour justifier ou dénoncer l’antisémitisme et le nationalisme.

Sans doute en raison de l’orientation nationaliste et antisémite de plus en plus nette de La Rénovation, Aurélie Mourlet semble, comme d’autres fouriéristes et membres du mouvement coopératif, s’éloigner d’Alhaiza et ne pas se réabonner après 1903 – on ne trouve plus la mention de son nom dans les listes de ceux qui se sont réabonnés ou qui ont envoyé une contribution financière pour soutenir l’existence du groupe de La Rénovation.

Lors du banquet fouriériste d’avril 1911, Alhaiza fait la liste des fouriéristes décédés depuis avril 1910. Parmi eux figure Aurélie Mourlet [10].