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Superviele (ou Supervielle, Supervièle), Antoine
Article mis en ligne le 13 mars 2017
dernière modification le 14 mars 2017

par Desmars, Bernard

Né vers 1809, en France. Avocat, homme d’affaires associé avec Snider-Pellegrini dans un projet de colonisation au Texas. Sénateur au Texas (1853-1857). Ami de Victor Considerant.

Antoine Superviele est un avocat, peut-être d’Orthez ou de sa région, où il a en tout cas de la famille [1]. Il s’installe à Paris en 1841. Il y rencontre Antoine Snider-Pellegrini qui décide de l’aider et qui l’associe à son négoce, bien que le jeune avocat n’apporte aucun capital. Snider-Pellegrini le fait notamment participer à la société de colonisation créée en 1842 afin d’installer un groupe de Français au Texas. Lui-même part en Amérique du Nord pour préparer l’établissement des colons. Superviele reste à Paris pour gérer l’entreprise commerciale ; mais il aurait alors, selon Snider-Pellegrini, mené grande vie, dilapidé les biens de la société et fait disparaître les registres commerciaux.
Quelques mois plus tard, Snider-Pellegrini fait venir son associé au Texas, en lui laissant de l’argent, des créances et des bâtiments ; lui-même retourne à Paris où il se retrouve face à d’importantes difficultés financières ; il est menacé d’emprisonnement par des créanciers mécontents. Superviele se serait ensuite accaparé les biens de la société au Texas et se serait considérablement enrichi. Pour compléter le portrait de son ex-associé, Snider-Pellegrini assure qu’il a abandonné sa femme et ses enfants en Europe, et qu’il est allé en Amérique avec sa maîtresse, femme de l’un de ses amis.
Au Texas, Superviele se livre à des affaires commerciales et ouvre un cabinet d’avocat à San Antonio.

Superviele et Victor Considerant

De 1853 à 1857, Superviele représente le comté de Bexar au Sénat du Texas, qui siège à Austin. Il est le seul membre de l’assemblée à ne pas être né en Amérique.
Pendant cette période, des fouriéristes s’installent sous la conduite de Victor Considerant près de Dallas, à Réunion ; mais l’existence de la colonie est menacée par les difficultés matérielles et des dissensions internes [2]. En octobre 1855, Considerant se rend à Austin afin d’obtenir une nouvelle concession de terres. Il rencontre Antoine Superviele, « un bon et digne cœur » [3], qui l’aide dans ses démarches auprès du Sénat et qui lui signale des terres à bon marché du côté de San Antonio. Début février 1856, une fois la session législative terminée, Victor Considerant, Jules Superviele et César Daly se rendent dans le cañon d’Uvalde (aujourd’hui le cañon Sabinal) pour repérer les lieux et s’informer sur les terres pouvant être acquises à un prix raisonnable [4]. Superviele l’aide à obtenir l’immatriculation de sa société de colonisation le 1er septembre 1856 [5].
Il quitte le Sénat en 1857. Il continue à s’intéresser à la situation de Victor Considerant, désormais installé à San Antonio, tandis que la colonie de Réunion est dissoute.
Il lui écrit, apparemment assez souvent bien qu’il reçoive, se plaint-il, peu de réponses. Dans une lettre envoyée en 1860, il adresse ses « souvenirs respectueux » à Clarisse Vigoureux et Julie Considerant, ses « amitiés » à diverses autres personnes de l’entourage de Victor Considerant et il demande à ce dernier de lui planter « quelques grenadiers, figuiers, etc. dans les coins de [son] lot », ce qui suggère le maintien de relations régulières entre les deux hommes. Surtout, ce courrier a pour but de prévenir son ami du climat de « fanatisme » et d’« intolérance » qui règne à ce moment parmi les législateurs du Texas ; ceux-ci discutent alors d’un projet de loi prévoyant une peine de prison et une forte amende pour « tout individu qui recevrait ou publierait ou ferait circuler des écrits […] opposés à l’institution de l’esclavage » ; or, ajoute Superviele, Victor Considerant est particulièrement visé par les rédacteurs de cet projet de loi, une lettre envoyée depuis San Antonio l’ayant « dénoncé comme recevant la Tribune de New York, ce qui, à ce qu’il paraît, est un crime pendable ».

Voilà donc la liberté de la presse abolie, la liberté de pensée prohibée, et la passion populaire des back-woods men [6], substituée aux garanties proclamées de la Constitution […] Que dites-vous du libre-arbitre laissé aux citoyens par ce modèle des Républiques ?

Superviele engage Victor Considerant à « prendre la chose froidement, quelqu’injuste qu’elle soit, et à céder devant l’orage, plutôt qu’à lui résister » [7].
Cette lettre, qui mentionne une conversation avec un élu texan, montre aussi que, même s’il ne siège plus au Sénat, Superviele a conservé des relations avec les milieux politiques de l’État. En 1863, pendant la guerre de Sécession, il représente les États confédérés – les États sudistes – lors de discussions avec le Mexique, puis il est en France en tant que ministre plénipotentiaire de la Confédération [8].
Quelques années plus tard, c’est encore lui qui signale aux fouriéristes français la situation très pénible de Victor Considerant et de ses proches. Sa lettre, qui a disparu, suscite beaucoup d’émotion au sein de l’École sociétaire. Désiré Laverdant écrit au Dr Jaenger, de Colmar :

Madame Allyre Bureau reçoit de M. Aubervielle [sic], ancien sénateur du Texas une lettre qui contient des nouvelles lamentables. Madame Vigoureux est tombée en enfance, ne pouvant même plus porter ses aliments à sa bouche. Ses enfants ne suffisent pas à la soigner. L’indigence est assise à leur foyer. Nous avions cru que Victor se tirait d’affaire par un petit commerce avec l’aide du belge Cousin, son ami. Celui-ci est lui-même dans un état de décrépitude, et Considerant est seul chargé de faire vivre tout ce groupe. Il en est réduit à piocher la terre, et vous pensez si ses bras non habitués à ce rude labeur et qui ne sont plus jeunes peuvent suffire. On le dit bien changé, accablé, épuisé [9].

Désiré Laverdant et Aimée Beuque organisent une collecte dont le produit sert à l’envoi de secours financiers et de livres à l’ancien chef de l’École sociétaire [10].