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La Révolution de 1848 à la lumière de la science sociale fouriériste
Article mis en ligne le décembre 1999
dernière modification le 25 novembre 2023

par Burckel, Denis

Le fouriérisme, considéré comme physiologie du corps social, et rapproché des discours scientifiques du premier XIXe siècle, peut être appréhendé comme une Ecole recueillant et diffusant le savoir, bien plus que comme un parti en quête du pouvoir. Ainsi, la Révolution de 1848 et la Seconde République deviennent des objets de science, se réinscrivent dans l’histoire naturelle de l’homme et de l’univers. Mais bien au-delà, ce sont les concepts d’utopie et de progrès qui sont remis en question.





« L’École Sociétaire a été fondée pour propager des Principes fixes et des Connaissances déterminées dont la découverte est due à Charles Fourier, et dont l’effet sera, suivant nous, d’opérer sans Révolutions, à l’avantage immédiat de tous les Intérêts, l’Association des Individus, des Classes et des Peuples, et de réaliser l’Ordre, la Justice et la Liberté dans la Société.

Ces Principes et ces Connaissances, considérées dans leur ensemble systématique, constituent une Science. Cette Science est la Science Sociale » [1].

Tels sont les premiers termes de la Déclaration de Principes fouriériste, écrite de la main de l’un de ses principaux artisans, et publiée en ouverture de la troisième série de La Phalange. Ce manifeste affirme sans ambiguïté la nature et l’objectif de cette Doctrine : c’est une École fondée pour propager la Science Sociale. Ainsi, poser la question de la Révolution de 1848 et de la Seconde République, pour les continuateurs de la pensée de Charles Fourier, se résumerait à les confronter avec ces Principes fixes et ces Connaissances déterminées. Autrement dit, il faudrait les analyser scientifiquement. Sur ce point, Victor Considerant précise deux éléments fondamentaux.

Premièrement, une transformation sociale par une révolution ne correspond jamais à un processus normal de développement : « Il est donc incontestable que toute Doctrine sérieuse de Réforme sociale est une Doctrine organisatrice et non une Doctrine révolutionnaire, et que toute bonne Doctrine organisatrice doit se prêter à l’expérience locale et recevoir sa sanction du fait de l’Acceptation libre et spontanée par l’ancienne Société » [2]. Deuxièmement, priorité doit être donnée au Savoir et non au Pouvoir. L’accomplissement de la Destinée humaine ne doit pas dépendre de la nature de son gouvernement, mais de la propagation des connaissances scientifiques : « Quoi que l’on fasse dans l’Ordre politique, quoi que l’on réforme dans l’Ordre du Pouvoir, il restera donc toujours à vider la grande Question, la Question capitale, la Question sociale. Or la Question sociale est une Question de Savoir et non une Question de Pouvoir, car elle ne se résoudra que par la Science et par l’Expérience  » [3].

Or, la Seconde République présente ces deux caractéristiques. Elle est issue d’une révolution nationale, et non d’un essai local qui se serait progressivement diffusé. Elle s’est également concrétisée aussitôt par un changement de pouvoir politique. Un conflit évident entre l’événement et « la nouvelle science qui doit mettre fin aux révolutions » [4] doit surgir. Une étude comparée de la théorie à l’objet peut apporter quelques lumières sur ce sujet.

Nous présenterons donc les grandes lignes du mode de fonctionnement de la Science Sociale, et plus particulièrement l’analyse scientifique de l’objet Révolution-Seconde République. Puis, nous exposerons, par le biais de l’œil fouriériste, la mission accordée à cette science dans un tel mouvement social et politique. Enfin, nous poserons la question du rôle des protagonistes de cette science, dans le présent et le devenir de ce phénomène.

I. Anatomie et physiologie du corps social

Grâce aux nombreuses études épistémologiques et aux travaux d’archéologie de Michel Foucault, notamment son exposé dans Les mots et les choses  [5], l’historien ne peut plus ignorer que l’observation et la compréhension du monde par l’homme n’est pas immuable. La théorie et la pratique des sciences subissant des fléchissements, voire même d’importantes mutations dans le temps, il importe donc de comprendre ce mode de penser spécifique de la première moitié du XIXe siècle. Le regard incisif de Madame de Staël, témoin précieux de cette période, met en exergue l’influence des savants philosophes allemands sur les sciences. Elle explique :

« Deux grandes vues générales leur servent de guide dans l’étude des sciences ; l’une que l’univers est fait sur le modèle de l’âme humaine, et l’autre, que l’analogie de chaque partie de l’univers avec l’ensemble est telle que la même idée se réfléchit constamment du tout dans chaque partie, et de chaque partie dans le tout.

C’est une belle conception que celle qui tend à trouver la ressemblance des lois de l’entendement humain avec celles de la nature, et considère le monde physique comme le reflet du monde moral. [...] ; c’est la même pensée du créateur qui se traduit dans les deux langages différents, et l’un peut servir d’interprète à l’autre » [6].

A l’origine de la science contemporaine il faudrait donc voir un principe religieux. D’une part, l’âme humaine possède la capacité d’appréhender ce qui n’est pas elle parce qu’elle est image du Créateur de toute chose : l’esprit de l’homme, parcelle de l’Esprit divin, est ainsi relié à la Création. D’autre part, la même pensée ayant tout ordonné et harmonisé d’un seul jet, matériel et spirituel, tout devient compréhensible parce que tout est correspondant. L’unité se retrouve dans la variété et la variété dans l’unité : « Chaque plante, chaque fleur contient le système entier de l’univers ; un instant de vie recèle en son sein l’éternité, le plus faible atome est un monde, et le monde peut-être n’est qu’un atome » [7]. Le regard scientifique ne se porte donc plus sur les objets eux-mêmes mais sur les lois qui les régissent. Pour ce faire, il emploie deux clefs fondamentales, l’unité de composition et l’harmonie des rapports, dont la synthèse donne le concept d’organisation.

« Tout être organisé forme un ensemble, un système unique et clos, dont toutes les parties se correspondent mutuellement, et concourent à la même action définitive par une réaction réciproque. Aucune de ces parties ne peut changer sans que les autres changent aussi ; et par conséquent chacune d’elles, prise séparément, indique et donne toutes les autres » [8].

Cette célèbre formule prononcée par l’un des plus éminents naturalistes, Georges Cuvier, nous décrit le principe d’unité de composition des êtres vivants grâce auquel il reconstruit un monde oublié avec des os d’animaux disparus depuis la nuit des temps. Et le docteur Baudet-Dulary, fouriériste convaincu, lui répond en écho dans son Essai sur les harmonies physiologiques  : « Tout corps organisé a son unité, son individualité, dont le caractère se retrouve dans chaque partie, et chaque partie reflète et rappelle l’ensemble » [9]. L’avantage précieux de cette méthode est de pouvoir dévoiler des vérités invisibles, de déduire l’inobservable de l’observable, de voir l’infiniment grand dans l’infiniment petit et réciproquement, grâce à un rapport d’analogie.

Ce théorème est également le fondement du fouriérisme. En effet, notre médecin fouriériste ajoute : « On a comparé avec raison l’organisme animal à un monde. Notre corps forme un ensemble harmonique composé de parties diverses ayant chacune leur fonction particulière, et, pour ainsi dire, la vie particulière rattachée à la vie générale » [10]. S’il est raisonnable de comparer l’organisme vivant à un monde, pourquoi, selon les fouriéristes, serait-il déraisonnable de comparer le monde, et notamment le monde social, à un organisme vivant ? Une analogie fonctionne dans les deux sens. Alphonse Tamisier s’est particulièrement attaché à développer ce sujet.

« La société est un vaste corps organisé, et la science sociale a pour bases l’anatomie et la physiologie de cet organisme. Chez tous les êtres organisés, on observe que les différents organes ne sont pas également nécessaires à la vie ; quelques-uns peuvent manquer complètement, d’autres partiellement, sans entraîner de trop graves perturbations ; il en est de tellement essentiels, que leur lésion occasionne nécessairement la désorganisation de l’être. L’organisme social présente des phénomènes semblables : toutes les institutions qui en sont les parties constituantes ou les organes n’ont pas le même degré d’importance, et les questions sociales qui s’y rapportent sont naturellement classées et subordonnées entre elles de la même manière que les organes dont la science étudie et cherche à régulariser les fonctions » [11].

Dès lors, une Science Sociale est possible. Elle possède un objet spécifique, l’organisme social, et la méthode des sciences de la nature. Charles Fourier avait déjà partagé le monde du Savoir en deux. D’un côté les sciences fidèles à la nature sont les Mathématiques, la Physique, la Chimie et la Naturologie ; d’un autre les rebelles à l’ordre naturel sont la Métaphysique, le Moralisme, la Politique et l’Économisme. Les premières ont, selon lui, dévoilé le secret du mouvement matériel, tandis que les secondes ont échoué dans leur prospection sur le moteur moral de l’homme, le mouvement spirituel, sans jamais vouloir l’admettre [12].

Employant cette méthode naturelle, c’est-à-dire celle des savants et de la nature elle-même, la Science Sociale peut ainsi découvrir les véritables rapports de l’homme avec ses semblables et avec son milieu. Le transformiste Jean-Baptiste Lamarck en expose les bienfaits dans sa Philosophie zoologique  : La considération des rapports naturels empêche tout arbitraire [...] ; elle montre la loi de la nature qui doit nous diriger dans la méthode naturelle » [13]. De son côté, l’incontournable Étienne Geoffroy-Saint-Hilaire développe également cette idée :

« Étudiez un objet isolé, vous ne pouvez le rapporter qu’à lui-même, et par conséquent, vous n’en aurez jamais qu’une connaissance imparfaite. Mais voyez-le au milieu d’êtres qui s’en rapprochent sous plusieurs rapports, et qui s’en éloignent à quelques autres, vous lui découvrirez des relations plus étendues. D’abord vous le connaîtrez mieux, même dans sa spécialité ; mais de plus, le considérant dans le centre de sa sphère, vous saurez comment il se conduit dans son monde extérieur, et tout ce que lui-même reçoit de qualités par la réaction du milieu ambiant » [14].

De même, pour le fouriérisme, l’objet scientifique, l’entité analysée est l’homme dans la commune, ou si l’on veut la phalange, l’association. C’est une sphère où l’homme est au milieu d’êtres qui lui ressemblent et en même temps s’en éloignent suivant les diverses individualités. Elle permet la libération des potentiels, des spécialités de tous, donc une meilleure connaissance de leurs natures intrinsèques. Par conséquent, elle dévoile également la forme de société, de milieu le plus adapté à ces natures. C’est pour cette raison que la critique fouriériste de la Civilisation se fait essentiellement par une description de l’individu vivant dans un phalanstère : sphère où l’homme est enfin réconcilié avec son milieu dans « une Société NATURELLE » [15], une société enfin régie par les lois découvertes dans la nature elle-même. Tant que ces principes ne seront pas appliqués, tant que les lois sociales seront des lois issues d’une assemblée législative qui les invente au lieu de les découvrir dans l’ordre de l’univers, l’homme se révoltera.

En 1836, Amédée Paget avait signalé ce risque : « Ce défaut d’appropriation du milieu social, dans lequel nous vivons, avec nos besoins, nos penchants, nos facultés intellectuelles et affectives, nous met en révolte perpétuelle contre ce milieu que nous agitons et troublons sans cesse » [16]. La même année, Charles Harel, républicain converti au fouriérisme, expliquait quant à lui les révolutions par une analogie avec la fermentation : « il en est au moral comme au physique ; la fermentation est d’autant plus violente et rapide que les matières fermentescibles sont agglomérées en plus grande quantité ». Et il en donne la preuve en énumérant les mouvements populaires français depuis 1789 : « Ce qui confirme l’analogie, c’est que la température plus ou moins élevée modifie les fermentations ; c’est dans les mois où le soleil échauffe les têtes qu’ont eut lieu nos principaux mouvements révolutionnaires : 14 et 29 juillet, 10 août, 5 et 6 juin, 31 mai, 9 thermidor, 18 fructidor » [17].

Mais la révolution de 1848 se produit en février, mois le plus froid de l’année. L’action d’une chaleur excessive ne peut donc pas expliquer la fermentation, l’explosion du peuple français dans la capitale et les principales villes du pays : « Paris vient de prouver à l’Europe, qui s’étonnait de son long silence, que son réveil devait être une explosion » [18]. La concentration, l’agglomération devenait tellement importante en certains lieux, que l’action du soleil ne fut point nécessaire pour congestionner à l’excès le corps social. L. Fontarive, toujours grâce à une analogie physiologique, en donne une explication doublement hygiénique : ni le peuple ni la nation n’ont suivi les préceptes de cette science.

« La France doit être considérée comme un grand corps dont toutes les parties sont solidaires. Dans la situation actuelle, quelques points, Paris, Lyon, Lille, etc., regorgent de population, étouffent de pléthore. Des masses compactes d’ouvriers s’entassent de la cave au grenier, se disputent un air rare et méphitique, une nourriture malsaine, un pain amer de sueur et de misère. Les oscillations du commerce jettent souvent la perplexité et l’alarme au sein de ces masses confuses, accroissent, s’il est possible, leurs souffrances, et inquiètent en même temps les chefs de l’industrie.

Ces grands centres sont comme d’affreux ulcères dévorant le corps de la nation ; le flux exagéré du sang y entretient l’inflammation et la corruption, pendant que l’immense surface du pays meurt d’atonie et de raréfaction : bras et capitaux désertent en même temps l’agriculture. Il ne suffit pas, comme le fait le gouvernement, d’appliquer sur l’horrible plaie quelques palliatifs ; il faut encore rétablir la circulation dans son état normal, rappeler, sur toute la surface du pays, cette population qui se précipite, s’accumule aux points envenimés d’autant plus activement que les mesures provisoires sont comme une prime offerte à cette concentration. Le mal est immense, une mesure radicale, et non exceptionnelle, seule est capable d’y remédier » [19].

Les temps sont graves. Les engorgements sont visibles dans chaque ville en révolte. Le corps social, malade depuis des décennies, menace de périr. Mais avant d’exposer les remèdes proposés par les fouriéristes, poursuivons notre analyse.

Déchiffrer les signes gravés dans la nature par la main de Dieu, telle est l’ambition des disciples de Charles Fourier : « l’harmonie de la création se peint à la surface des choses » [20]. Tout est uni, unifié, correspondant, donc signifiant dans les rapports. C’est l’un des deux langages évoqués par Germaine de Staël [21]. A leur façon, les protagonistes de la Science Sociale reprennent la formule de Georges Cuvier, « la nature nous tient partout le même langage » [22], en disant « le Ciel est un livre ouvert » [23] dans lequel le lecteur éclairé des principes féconds de l’analogie déchiffre la nature de l’humanité et le sens de son histoire. La révolution de 1848 et l’avènement de la République n’y font pas exception. Si l’harmonie de l’homme et de l’univers est un principe de vérité, des correspondances entre les phénomènes sociaux et les phénomènes naturels doivent s’observer. C’est l’application du principe d’unité de composition : si une seule des parties de l’organisme subit des transformations, ce changement doit être visible en d’autres points. Ainsi, de même que Cuvier recompose l’animal entier à partir de l’un de ses éléments, le fouriérisme explique l’histoire de l’humanité grâce à n’importe lequel des éléments de l’univers. Et inversement, les mouvements de la nature indiquent le chemin de la Destinée sociale. Or, les signes visibles le jour même de la bataille dans la capitale étaient favorables. Dieu avait dessiné l’arche de la victoire dans l’azur parisien.

« Veillez, Républicains, veillez ; mais soyez sans crainte : le jour de la bataille, Dieu n’avait-il pas jeté son arc-en-ciel en travers de Paris ? C’était le signe de son alliance avec vous [...] » [24].

Quelque temps après, en 1851, Victor Hennequin, fouriériste élu représentant du peuple, prend également la défense de la République. Signe des progrès de l’humanité, elle devrait faciliter la propagation des réformes sociales, c’est-à-dire la réalisation de l’Association. Car l’histoire des États européens, et plus particulièrement de la France, modèle pour tous les autres « est une création ordonnée comme celle de la Genèse » [25]. L’explication est avant tout physiologique :

« La République était un progrès prévu, et c’est d’abord en France que ce progrès devait s’effectuer ; la France résume tous les climats, toutes les races, toutes les idées de l’Europe ; la France est à l’Europe ce que la tête est au corps, l’état-major à l’armée, la population de Paris à la France elle-même ; toujours la France a devancé le mouvement européen » [26].

Nous voyons un ordre, une hiérarchie se dessiner : Paris, la France, l’Europe. Si les concentrations populaires sont dangereuses lorsque la circulation est bloquée, elles sont bénéfiques aux fusions. Plus les mélanges sont nombreux plus l’espèce se développe rapidement. Paris devient le pivot du globe. Si la République est un pas en avant, un pas décisif, elle n’est pas pour autant un état satisfaisant. La nation doit progresser vers son stade organique. C’est sa Destinée naturelle. Il faut donc organiser, régulariser, harmoniser. Car pour le fouriérisme, l’analyse de la situation est une chose, mais elle n’est utile que dans la mesure où elle permet une intervention scientifique. Henri Dameth propose de détruire pour reconstruire.

« [...] nous ne comptons pas au nombre des républicains satisfaits.

Le gouvernement républicain est pour nous une forme, un instrument ; la démocratie sociale, voilà notre but. Nous sommes, quant aux institutions sociales, radicalement démolisseurs, démolisseurs jusqu’à l’utopie de la JUSTICE ABSOLUE » [27].

Si la très grande majorité des fouriéristes sont du même avis sur la position intermédiaire de la République dans un processus intégral de transformation, notre auteur semble, par contre, très isolé pour cette proposition de remèdes aussi radicaux. La tendance générale ressemble plutôt, en effet, à une volonté d’application d’une médecine douce, préventive, hygiénique.

II. Hygiène du corps social

Nous venons de voir le premier élément de la Science Sociale : sa théorie. Le second est l’application des règles de cette théorie : l’intervention sur cet organisme suivant les lois découvertes et révélées par la Science Sociale. C’est le gouvernement de la Terre par l’Homme, la Politique :

« LA POLITIQUE, en prenant l’expression dans le sens élevé que nous lui donnons ici, et qu’il serait bien temps de lui restituer, LA POLITIQUE est la Science de l’Existence, de la Vie des Sociétés, ou des Lois fondamentales de l’Hygiène du Corps Social » [28].

Or, le désordre règne. Les circulations, ou impulsions vitales ne se font plus. Le corps social est malade par la faute de ses organes-hommes eux-mêmes. La Science Sociale doit appliquer au plus vite sa technologie, ou art des sciences. L’homme, parcelle du divin au sommet de la hiérarchie des êtres, doit accomplir sa mission. Il est temps d’abandonner l’arbitraire pour entrer dans le tourbillon ordonné de l’univers ; réinscrire l’humanité dans un milieu vrai, le cosmos. Le Conseil des deux sociétés fouriéristes s’exprime, en 1852, sur ce sujet.

« Le principe une fois admis que les lois sociales doivent être cherchées comme les lois scientifiques, et s’imposer uniquement par leur autorité propre sans le secours d’aucune contrainte, régir les rapports sociaux comme sont régies les relations des astres par la seule influence de l’attraction, la conséquence est immédiate et forcée. Les lois humaines, qui ne procèdent que par injonctions et inhibitions, dont les prescriptions ont besoin, pour ne pas être incessamment transgressées, d’être incessamment soutenues par le formidable appareil de la force publique ; les lois humaines ne sont plus que des expédients arbitraires dont on doit avoir hâte de sortir, pour entrer dans la voie légitime des lois naturelles qui doivent être, non plus l’expression de la manière de voir et de sentir, de la volonté des législateurs, quels que soient d’ailleurs la qualité et le nombre de ceux-ci, mais bien la formule de la vérité découverte par l’intelligence, formule librement cherchée, librement produite, librement expérimentée, et soumise enfin au libre examen et à la libre acceptation de tous » [29].

Quitter les lois erronées des législateurs pour appliquer des lois scientifiques, telle est la solution. Alphonse Tamisier l’avait déjà demandé en 1841 : « Le temps est venu d’introduire dans la politique les méthodes employées avec tant de succès dans les sciences naturelles, car la politique est elle-même une science naturelle » [30]. Or, le travail premier des sciences naturelles est la mise en ordre, la distribution et la classification des éléments selon leur nature.

« L’ORDRE consiste dans la coexistence de deux rapports ; le premier qui réunit les objets par groupes, d’après un caractère commun d’analogie évident ; le second qui les range par séries dans le groupe, d’après un caractère différentiel de modifications progressives » [31].

Ce procédé de distribution par groupes et séries rappelle étrangement un autre proposé par Charles Fourier. La priorité est donc donnée à l’ordre : à chaque fonction une place et à chaque place une fonction. Ce rôle doit être tenu par l’État, intermédiaire universel, pivot de l’activité sociale. Son activité première est celle de favoriser la « circulation », mais sans oublier que « cette attribution même n’est que transitoire » [32] ; car, à terme, il doit lui-même s’effacer devant l’Association intégrale universelle de l’homme et du cosmos, la République n’étant qu’une étape sur le chemin de l’Harmonie.

Au printemps 1848, Philippe Breton rappelle l’urgence d’un système administratif centralisé, et insiste sur la nécessité de l’appliquer dans les plus brefs délais aux arts, à l’industrie et aux sciences. Il s’agit pour lui de libérer les forces vives du corps social, de permettre aux capacités de circuler dans un ordre harmonieux très fortement hiérarchisé, mais où les virtualités doivent s’épanouir et trouver leur vraie place. En un mot, il faut appliquer un système analogue au système sanguin du corps humain pour régénérer le corps social.

« Nous appelons un système centralisé, quand ses parties sont rattachées à une série hiérarchique de centres d’action, diminuant en nombre à mesure qu’ils augmentent d’importance, opérant continuellement un échange d’impulsions coordonnées, qui font participer chaque élément à la vie de l’ensemble, et qui évitent toute déperdition des forces.

Ainsi nos vaisseaux sanguins sont centralisés, parce que les vaisseaux microscopiques s’anastomosent entre eux en petits vaisseaux, et ceux-ci en rameaux et branches de plus en plus considérables, jusqu’au cœur, foyer du système, où se réunissent ses deux moitiés, convergente et divergente.

De même, dans la société que la jeune République a mission de régénérer, certaines parties de l’organisme social sont disposées suivant une hiérarchisation forte et serrée, et sont animées d’un esprit de corps, qui assure à la fois l’indépendance individuelle de chaque membre et la bonne gestion des fonctions qui leur sont confiées » [33].

Rétablir la circulation vitale de la nation, ne veut pas dire pour autant retomber dans les erreurs d’antan. En 1839, Arthur de Bonnard avait déjà prévenu qu’employer des remèdes barbares, telle la saignée, ne fait qu’aggraver la maladie : « Ainsi, en 1793, Robespierre, ce médecin physiologiste du corps social, ordonna la saignée à blanc de Lyon et de la Vendée ». La médecine a tracé la voie, suivons ses sages préceptes : « Aujourd’hui, plus de saignées dans le corps humain, plus de saignées dans le corps social : harmonisez, ne détruisez pas ». Le corps social étant un organisme vivant, il faut avant tout préserver au mieux sa propriété fondamentale, c’est-à-dire la vie. Sans cette précaution, plus rien n’est possible : « Comment rétablir l’équilibre dans la marche des fluides quand il n’y a plus de fluides ? » [34].

L’urgence absolue est donc de préserver la vie de la nation. Or, les fouriéristes ont lu Xavier Bichat et se souviennent de sa célèbre formule : « la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ». Les fonctions, pour l’homme, correspondent à l’emploi de ses organes. Se rappelant également des préceptes du naturaliste Lamarck, repris par l’ensemble des hygiénistes, ils connaissent les principes de transformation du vivant : « l’emploi soutenu d’un organe concourt à son développement, le fortifie, et l’agrandit même, tandis qu’un défaut d’emploi, devenu habituel à l’égard d’un organe, nuit à ses développements, le détériore, le réduit graduellement, et finit par le faire disparaître » [35]. Et cette action doit ne doit pas se limiter au temps court car « les qualités acquises se transmettent de génération en génération » [36]. Pour sauver la vie, pour régénérer, il faut donc respecter et favoriser le développement des organes de l’homme. Et qu’est-ce que l’exercice des organes pour l’homme si ce n’est le travail ? Henri Dameth le signale en 1848 : « Le travail, au fond, c’est la vie elle-même » [37]. Son compagnon Édouard de Pompéry enchaîne sur ce sujet l’année suivante : « L’homme a des organes sensuels, il faut les respecter, les satisfaire » [38]. Et il conclut : « Il s’agit donc d’organiser le travail de telle sorte qu’il soit hygiénique, salutaire, conforme aux aptitudes natives et multiples de chacun [...] » [39]. Sur ce point, les fouriéristes rejoignent donc la préoccupation du Gouvernement provisoire et de nombre de leurs contemporains. Mais pour eux, régénération ne signifie pas uniquement régénération de l’homme. Les paroles du fondateur résonnent encore à leurs oreilles :

« Mais le corps humain est-il la seule chose à régénérer ; et pour son bonheur ne faut-il pas métamorphoser aussi l’atmosphère et les mers, substituer un assortiment de zéphirs à un d’aquilons et d’ouragans, substituer des eaux potables à des mers infectées ? » [40].

L’homme et son milieu faisant partie d’un tout indissociable, ré-harmoniser l’être humain avec lui-même c’est aussi le réconcilier avec son environnement. L’un et l’autre doivent avancer d’un même pas, se transformer en symbiose. Il y a une hygiène du corps du globe comme il y a une hygiène du corps de l’homme. La tâche est immense, mais pour Fontarive la priorité est évidente. Si le peuple déserte les campagnes au profit des villes, autrement dit si la circulation ne se fait que dans un sens, c’est parce que la campagne est mourante. Le seul remède est de redonner vie à la campagne en rééquilibrant son développement avec celui des zones urbaines. Et pour ce faire il faut rétablir l’équilibre dans la marche d’un fluide essentiel à la vie : l’eau.

« Il est temps, enfin, de commencer les choses par le commencement. L’opération fondamentale, et qui tient à elle seule la clef de tout le système, c’est l’irrigation intégrale des terres. Un jour, chaque plante aura son filet d’eau, comme chaque molécule animale a son artériole. Ensuite viendront les dessèchements de marais, les défrichements de landes, les reboisements. Mais il faut, avant tout, élever le sol arable de l’état ambigu d’éponge à l’état organique, en distribuant les eaux » [41].

Bien évidemment, pour notre auteur le sol arable n’est pas une éponge parce que, par exemple, il serait imbibé d’eau en certains endroits, ou parce que l’une de ses propriétés serait d’absorber les liquides. Il s’agit d’une analogie de développement. Tous les naturalistes sont fascinés par les êtres intermédiaires entre les classes qui, s’ils existent, prouveraient la transformation, le passage possible d’un être d’une classe inférieure dans la classe lui étant juste supérieure. Lamarck se passionne pour les animaux intermédiaires : « Déjà les ornithorynques et les échidnés semblent indiquer l’existence d’animaux intermédiaires entre les oiseaux et les mammifères » [42]. Les fouriéristes étendent ce principe. Pour eux, le globe faisant partie des êtres destinés à se développer, ils l’estiment au stade intermédiaire entre le végétal et l’animal, comme l’est l’éponge, ce végétal qui n’en est plus tout à fait un, mais pas encore un animal. Un pas de plus dans la transformation et le stade organique est atteint [43].

Outre l’eau, les fouriéristes n’oublient pas les autres éléments de l’hygiène : la circulation de l’air et l’influence bénéfique du soleil. Victor Hennequin rappelle donc l’urgence de grands travaux publics qui changeraient la face des villes. Il recommande aux administrateurs d’étudier pour cela, dans la Théorie de l’unité universelle de Fourier, « le plan d’une grande cité donnant largement passage à l’air, à la lumière, introduisant les cours et jardins au milieu de toutes les constructions » [44]. L’eau, l’air, la chaleur, les trois éléments fondamentaux de la vie doivent circuler librement dans le corps social.

Mais tout ceci n’est pas encore suffisant. L’hygiène, contrairement à la médecine, est une science appliquée par les individus sur eux-mêmes. Le malade, en effet, n’a pas besoin de connaître la science médicale pour se soigner, il suit simplement la prescription. Il n’est pas libre parce qu’il ne sait pas ce qu’il fait. Le corps social malade a besoin d’un médecin en attendant son émancipation.

III. Les tuteurs du progrès

« Les grands bruits populaires sont les trompettes du ciel qui annoncent à tous les peuples sa résurrection. Hâtons-nous donc de lui préparer la voie, couvrons des fleurs de la fraternité, que produit le sol de l’association, la route qu’elle doit suivre » [45].

Le peuple ressuscité dans un grand fracas résonnant jusqu’aux cieux, explosion sous la pression des fluides trop longtemps comprimés, la Révolution est dans l’ordre du progrès. Mais quelle direction va-t-elle prendre si elle n’est pas éclairée des vérités de la Science Sociale ? Au lendemain de l’effondrement de la monarchie de Juillet, Fontarive indique « le sens vrai de la révolution qui vient de s’accomplir » [46]. Le consensus doit être sans faille pour organiser le brillant avenir du mouvement. De même qu’il est essentiel d’obtenir la collaboration des propriétaires et des entrepreneurs dans la réorganisation du travail et dans la mise en œuvre des grands travaux publics, de même les capacités intellectuelles ne doivent pas se dérober devant leur mission divine. L’équilibre précaire de la nation le réclame.

« L’homme doté de richesse matérielle ou intellectuelle n’a pas plus le droit de s’isoler, et de s’éclipser, que le soleil n’a le pouvoir de refuser sa chaleur et sa lumière aux astres qui se meuvent sur son axe. L’humanité a franchi un abîme, elle pose le pied sur le seuil d’un brillant avenir : si l’œil qui la dirige fixe hardiment l’astre précurseur, elle franchira d’un pas ferme la frontière de la terre promise ; mais s’il est frappé de vertige, et regarde en arrière, tout le corps peut retomber dans le gouffre de douleurs et de déchirements » [47].

L’humanité a fait un pas contre l’oppression, saura-t-elle en faire un de plus vers le bonheur ? Saura-t-elle, en termes fouriéristes, réaliser l’Association scientifique, quand « des millions d’hommes meurent de fatigue et d’ennui, le corps courbé vers la terre, l’œil égaré au ciel, l’intelligence dans la nuit, l’âme au tombeau ! » [48]. Comment, dans ces conditions, le peuple pourrait-il trouver seul le chemin de la Science Sociale ? Ni intelligent ni éclairé, il réclame des guides pour lui indiquer la route à suivre. Place doit donc être faite au talent :

« Le talent, cette incarnation de la vérité éternelle sous toutes ses faces, opprimé et tenu dans l’ombre par les usurpateurs du pouvoir, va s’élever sur le piédestal de la démocratie, rayonner sur les peuples comme une perle brillante au front de l’humanité. Le talent est le phare éclatant qui guidera l’homme aux plages de la vérité, de la gloire et du bonheur. Il est cette étoile qui préside à la renaissance du Christ, à la transfiguration des peuples, à l’avènement de la liberté sur la terre. L’instinct populaire l’a reconnue. En brisant ses chaînes, il remet le soin de ses destinées aux mains des hommes qui symbolisent, à sa plus haute expression, le talent à notre époque : Arago, le patriarche des sciences, Lamartine, le grand poète national.

Cet accord sublime de la science et de l’instinct des masses ouvre une ère de paix et de bonheur où tous auront une large place au banquet de la vie » [49].

Les querelles législatives du passé doivent disparaître puisque les lois sont déjà découvertes. Les lumières de la vérité scientifique sont là pour baliser le chemin. Une seule chose reste à accomplir : il faut que tous les esprits éclairés s’accordent sur les questions scientifiques. La Démocratie pacifique ouvre ses colonnes et fait un appel au « Concert de tous les socialistes » [50]. Deux jours plus tard, le quotidien rappelle que l’entente des esprits éclairés doit également concerner le Gouvernement provisoire. Bref, toutes les élites doivent parler d’une même voix. L’union doit être sans faille : « Ce qu’il faut avant tout, même avant l’ordre matériel, c’est l’unité, l’accord des esprits. Il ne faut pas même qu’il y ait un soupçon de désunion dans le gouvernement provisoire. Nous voulons tous l’ordre et la liberté, l’ordre par la liberté. Soyons unis, nous serons libres » [51]. Henri Dameth et son équipe, quelque temps après, se proposent pour « organiser l’agitation pacifique des idées » [52].

Mais les années s’écoulent et les esprits deviennent moins sûrs d’eux. La Révolution ne s’est apparemment pas orientée sur la bonne voie. En 1851, Victor Hennequin s’inquiète de l’avenir de la République. L’innocence de sa jeunesse et le manque de connaissances scientifiques de ses guides sur les lois naturelles la rendent très vulnérable.

« Malgré la légitimité de la République, on pourra profiter contre elle de cette faiblesse passagère qui lui est commune avec l’enfant né avant terme, et de l’inexpérience de ses premiers tuteurs, peu préparés à comprendre le caractère social qui la distingue profondément de la République, surtout politique, de 1792, caractère social qui constitue son originalité, son individualité, son droit de vivre » [53].

L’espoir, en 1851, se résume plus à la confiance dans une répétition de l’histoire qu’à un constat de progrès concrets apportés par le nouveau régime : si la République et ses tuteurs ne sont pas encore majeurs, le peuple l’est d’instinct. Un jour viendra où il s’apercevra de la nouvelle trahison et demandera des comptes. Ce jour-là, il entrera enfin dans l’Association en remettant son sort entre les mains de la Science Sociale ou, si l’on préfère, du Socialisme. Alors, les capacités rayonneront comme des soleils ardents sur les ténèbres des intelligences populaires.

« Lorsque le pouvoir politique sera rentré dans le sein de la nation, désormais majeure et faisant rendre aux rois, présidents et assemblées leurs comptes de tutelle, une hiérarchie s’établira, celle des lumières ; il se constituera dans toutes les branches de l’activité humaine des corps électifs composés de toutes les sommités, foyers rayonnants sans pouvoir pour la contrainte, mais vulgarisant pour toutes les questions la solution donnée par la science, et se faisant librement obéir par la seule force de l’intérêt général bien entendu » [54].

Conclusion

Nous avons analysé le fouriérisme en le rapprochant de la Science de l’homme par trois points : anatomie, physiologie, médecine. L’anatomie sociale s’occupe des organes-hommes, la physiologie sociale des rapports entre ces organes, et la médecine sociale, ou Politique, tente de rétablir l’harmonie de ces rapports s’ils sont perturbés. La première étudie les passions, les forces vives ; la deuxième les accords de ces passions ; la troisième est l’application technologique des deux précédentes. A terme, cette dernière doit s’effacer devant l’hygiène, médecine préventive que chacun applique sur lui-même, librement. Mais ceci n’est concevable que si tous possèdent au moins les rudiments de cette science, s’ils connaissent les lois d’ordre et d’harmonie de toute organisation, et sont libres de les appliquer pour leur propre bonheur. Le véritable problème est donc une question d’éducation, de révélation scientifique. Il n’y a pas de politique positive possible tant que les intelligences ne sont pas converties à la Vérité, convaincues du bien fondé des lois de l’Ordre sériel régissant les destinées individuelles et collectives. Or,

« La vérité pour l’homme, c’est la science.

L’empire du monde lui appartient. Toutes les ténèbres s’évanouissent devant elle. [...].

Par la science, l’homme sépare le vrai du faux, le juste de l’injuste ; il lit dans les profondeurs infinies de l’espace, il lit dans le passé et dans l’avenir » [55].

Cette science toute puissante, les disciples de Fourier sont là pour la révéler à l’humanité, la propager dans cette masse de millions d’ignorants des lois de l’Ordre universel. Le fouriérisme fonctionne donc avant tout comme une École et non un Parti. En même temps, il se rapproche de la religion. Car les sciences du monde occidental, comme la religion chrétienne, partent d’un postulat identique, celui d’un principe d’ordre harmonieux universel. Elles ont également le même objectif, dévoiler aux yeux de tous une Vérité unanime, intangible, universelle. L’épisode de la Révolution de 1848 et de la Seconde République peut donc être un événement important pour les fouriéristes en tant qu’individus, mais il n’est qu’un épiphénomène pour le fouriérisme.

La science et la religion produisent des croyants en des lendemains meilleurs. Le christianisme, depuis des siècles, plaçait cet idéal dans l’au-delà. Les sciences contemporaines n’ont fait que redescendre ce bonheur à venir sur terre. En ces temps d’incertitudes et d’inquiétudes, de crises sociales, politiques, économiques à répétition, le foisonnement des théories nouvelles apporte peut-être une certaine confusion des esprits, mais aussi un espoir dans les découvertes futures de l’humanité. Le regard de l’homme se tourne vers l’avenir qui devient peut-être aussi important que le présent. A l’égard de la science médicale, par exemple, Jacques Léonard constate que « L’autorité des médecins s’élargit, leur prestige s’édifie, avant que leur efficacité se confirme » [56].

La croyance au progrès surgit des décombres de la fin du XVIIIe siècle, et le fouriérisme participe de ce grand mouvement de pensée. Le temps d’une nouvelle foi est possible : « Le Socialisme, c’est le vrai christianisme » [57].

Ainsi, les questions de l’utopie et du progrès doivent être reformulées pour comprendre le siècle passé. L’historiographie politique récente fait apparaître « le réel de l’utopie » dans l’actualité de l’aperception des idées réformatrices [58]. Les adeptes du fouriérisme, comme ceux du saint-simonisme, analysant l’événement présent, s’opposent à une construction progressive et cumulative des interprétations de l’Histoire, en réfutent les interprétations partielles et partiales. Cet article aborde une autre facette du sujet. Si une relecture politique des textes utopiques permet de dévoiler leur réalité face aux écrits fondamentaux de la science contemporaine, ils mettent en lumière certaines connexités, démontrant leur scientificité tout autant que l’utopie des sciences de cette époque : la promesse d’un monde meilleur, non pas ailleurs mais à venir.


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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