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Arrigo Colombo, Trilogia della nuova utopia. 2. La societa di Giustizia. Cio che l’umanita ha progettato nel tempo e cio che sta costruendo, Milan, Mursia edizione, 2015.
Article mis en ligne le 1er février 2016

par Schérer, René

L’utopie réelle et ses phases. Après avoir établi, en prenant fermement position contre la déroute contemporaine du sens de l’histoire que celle-ci a bien un sens et que celui-ci consiste en la « société de justice » à laquelle elle aspire, Arrigo Colombo expose, dans le second tome de sa trilogie, de quelle manière le rechercher, comment reconnaître les étapes de son établissement, au cours de l’histoire se faisant.
La philosophie, qui se dit pourtant spécialiste de la pensée, a été impuissante, malheureusement, à le découvrir, perdue dans l’abstraction du concept pur de l’ontologie (théorie de l’être en tant que tel) ou, dans les temps modernes, d’un sujet pur solitaire, ou dispersé dans les situations contingentes et discontinues, « absurdes », de l’existence, plus récemment détruit et subordonné au fonctionnement purement formel du discours et de sa communication.
Opposé à cette philosophie dite « analytique » comme à celle du sujet pur, l’auteur, bien connu pour ses travaux antérieurs et de longue date autour de l’utopie, des innombrables utopies élaborées au cours de l’histoire, cherche en elles le déroulement du sens, et, dans l’histoire effective, les étapes d’une marche de l’humanité vers son émancipation.
Car, pour Arrigo Colombo, s’il doit y avoir un sujet de l’histoire, il réside nulle part ailleurs qu’en l’humanité elle-même, en sa partie vivante et agissante : le peuple, sans cesse opprimé mais résistant et contestataire, sans cesse inventant des formes nouvelles de lutte et d’expression.
Si l’utopie antique a trouvé, comme moyen de dire ce que le discours dominant dissimulait, le déplacement (en des régions, îles lointaines) ou le rappel, le retour (de l’âge d’or, du pays de cocagne, de la fête), et cela jusqu’à l’aube des Temps modernes avec Thomas More, l’utopie actuelle, que prolonge cette nouvelle utopie appelée par le présent, est, elle, profondément inscrite dans l’histoire. Autrement dit, elle n’est pas imaginaire ou fantasmée, mais bien réelle. Elle est entremêlée avec les événements réels des aspirations, soulèvements, révolutions populaires, dispersée peut-être, mais parfaitement décelable et lisible en des points nodaux.
Ces phases ou étapes de l’émancipation humaine, jalons de la société de justice, Arrigo Colombo les nomme des « clefs » (chiave) que l’on pourrait aussi appeler « pivots » au sens que Charles Fourier a donné à ce mot. Indiquées dans les annonces sacrées des prophéties et des Evangiles, ces clefs sont celles de l’Etat qui, dès Athènes, assure la loi pour tous de la démocratie, de la personne, dont la lente constitution se poursuit sans relâche au cours des fonctions éducatives que se sont assignées les sociétés contemporaines, de la famille, organisée autour d’une constante émancipation des activités sexuelles et procréatives, enfin de l’orientation cosmopolitique de l’association des Etats du monde qui tendent à une fusion dans la Cité du monde, une « Cosmopoli » qui, si elle n’est pas encore actualisée, existe toutefois de façon virtuelle parmi nous.
En dépit des obstacles auxquels elle se heurte, la ligne est donc parfaitement claire, d’un limpide et évident tracé. Il ne s’agit plus, comme le croyait Saint Augustin, d’un avènement de la Cité de Dieu, mais de celle de l’Homme que tout indique, même s’il nous est encore impossible d’en déterminer l’instant. Les fins proposées, parmi lesquels la sauvegarde de la Terre dont l’homme apparaît de plus en plus responsable, conduisent à l’exigence d’une réorganisation de l’Etat politique et de la construction de cette société égalitaire vers laquelle – tout l’indique depuis les origines – aspire l’humanité.