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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

41-44
Note sur les documents relatifs à la mort de Fourier
Article mis en ligne le décembre 1997
dernière modification le 29 octobre 2004

par Dubos, Jean-Claude

L’année 1997, cent soixantième anniversaire de la mort de Charles Fourier a été celle de deux découvertes importantes dans le domaine de la fouriérologie. La patience et la ténacité de notre président Gaston Bordet ont été enfin payés de retour, puisque, après plusieurs années de recherches dans les archives et les réserves du Musée de Besançon, il a retrouvé le masque mortuaire de Charles Fourier, moulé le soir même de son décès à l’initiative de Victor Considerant par Micheli, sous la surveillance de César Daly. Ce masque est certainement entré au Musée de Besançon en 1966, lors de la donation par Jean Garnier-Coignet, neveu d’Auguste Kleine, exécuteur testamentaire de Considerant, de plusieurs bustes ou portraits de Fourier et Considerant, notamment le buste de Fourier par Auguste Ottin, directement inspiré du masque mortuaire, selon une note retrouvée à la Bibliothèque Municipale de Besançon par Jonathan Beecher. La donation Garnier-Coignet, qui a fait l’objet d’un important article de Marie-Lucie Cornillot : « La salle des sociologues comtois au Palais Granvelle » (Mémoires de l’Académie de Besançon, vol. 182, 1976-1977) a été complétée en 1993 à l’occasion du Colloque d’Arc-et-Senans par les enfants de Jean Garnier-Coignet, qui ont fait don au Musée du Temps d’un portrait de Clarisse Vigoureux par Jules Laure et d’un autre de sa petite-nière Lucy Kleine.

La seconde découverte remontait déjà à plusieurs années, mais ce n’est qu’il y a quelques mois que son « inventeur » nous a fait part. M. David Higgs, professeur d’Histoire à l’Université de Toronto, poursuivait en effet des recherches pour son livre Nobles, titrés, aristocrates en France après la Révolution (Paris, Liana Levi, 1990), lorsque au cours de ses investigations dans les minutes de l’étude Fourchy, il a eu l’heureuse surprise d’y découvrir l’inventaire après décès de Charles Fourier. Installée à Paris, quai Malaquais, non loin du domicile de Victor Considerant, dont il établira en février 1838 le contrat de mariage avec Julie Vigoureux, l’étude de Me Fourchy était évidemment trop éloignée de la rue Saint Pierre de Montmartre, le domicile mortuaire de Fourier, pour que ses biographes songeassent à y effectuer des recherches.

M. Higgs nous avait d’abord envoyé la transcription de l’inventaire concernant les papiers de Fourier, ainsi que son testament olographe déposé dans la même étude par Clarisse Vigoureux le 20 octobre 1837 et dont le second exemplaire, conservé par elle, a été retrouvé par M. Pierre Mercklé dans le Fonds Considerant de l’École Normale Supérieure et publié par lui dans les Cahiers Charles Fourier, n° 6, 1995 [1]. Convaincu de l’importance exceptionnelle de sa découverte, nous avons sollicité et obtenu de sa part l’autorisation de publier l’intégralité du document qu’il nous a transmis.

Si l’inventaire des meubles et vêtements de Fourier a été établi avec le soin méticuleux qui caractérise les inventaires après décès, une chose ne laisse pas d’étonner, c’est l’absence totale de tout ustensile de cuisine - y compris verres, couverts et assiettes - et de toute provision de bouche. Certes Fourier prenait fréquemment ses repas à l’extérieur, mais il paraît peu probable, en raison de son affaiblissement physique, qu’il ait pu conserver cette habitude jusqu’à la fin de son existence. Nous savons par ailleurs, par les dettes mentionnées en fin de l’inventaire, qu’en septembre et octobre il avait reçu pour vingt francs de vin du sieur Barranger, tenant magasin de vins fins... Faudrait-il incriminer la gardienne d’avoir fait main basse sur ce qu’il restait (avec ou sans l’accord de Considerant) ? L’inventaire de la Bibliothèque dont, naturellement nous aurions beaucoup attendu, s’avère désespérément sommaire : 480 exemplaires de son dernier ouvrage La Fausse industrie, 17 du Nouveau Monde industriel et sociétaire, le Dictionnaire de l’Académie et 70 volumes parmi lesquels les rédacteurs de l’inventaire ne trouvent digne d’être citée que la Chimie de Fourcroy, cela nous laisse sur notre faim... Il en est de même pour ses papiers, mais là, la sécheresse de l’Inventaire a été heureusement réparée : conservés successivement par Clarisse Vigoureux, Victor Considerant, et son exécuteur testamentaire Auguste Kleine, ils sont maintenant, depuis 1949, aux Archives Nationales (sous-série 10 AS), où ils ont fait l’objet du remarquable inventaire, dans lequel Edith Thomas a réuni son savoir-faire de Chartiste et sa parfaite connaissance de l’Histoire Sociale du XIXe siècle, inventaire édité en 1991.

Nous avons fait précéder le texte de l’Inventaire par les [extraits - publiés dans La Phalange du 15 octobre 1837 - de la lettre envoyée par Clarisse Vigoureux et Considerant aux sœurs de Charles Fourier-147], lettre qui demeure la meilleure relation de ses derniers moments. La mystérieuse madame de B... dont il est question dans cette lettre est certainement l’épouse (née de Sonovert) de Dominique Bazaine, polytechnicien envoyé en Russie en 1810 par Napoléon à la demande du tsar Alexandre. Il y avait épousé la fille d’un émigré français et, après leur retour en France en 1832, Madame de Bazaine fit preuve d’un grand zèle pour la propagation du fouriérisme, ainsi que son mari. Considerant entretenait aussi d’étroites relations avec les deux enfants que Dominique Bazaine avait eus d’une demoiselle Vasseur avant son départ en Russie, l’aîné, Bazaine-Vasseur, polytechnicien, chez qui il se réfugiera en 1849 et son cadet, le futur maréchal Achille Bazaine, à qui il enverra en 1865 quatre lettres - publiées à Bruxelles en 1867 - pour l’inciter à conseiller à Maximilien d’améliorer le sort des indiens du Mexique.

Les relations entre Muiron, Clarisse Vigoureux et Considerant - « la trinité phalanstérienne » - et la famille de Fourier ont été évoquées par François Lassus en 1995 dans le numéro hors-série des Cahiers Charles Fourier, mais il n’est pas inutile de revenir sur elles dans la présentation de l’inventaire après décès de Charles Fourier. Quinze jours après la mort de Fourier, le 24 octobre 1837, Muiron envoie à Clarisse Vigoureux une longue lettre dans laquelle il passe en revue les neveux de Fourier : le seul avec lequel il soit demeuré en relations est Isidore de Rubat : « notaire et suppléant du juge de paix à Belley. C’est un phalanstérien de bonne trempe ayant beaucoup de traits de son oncle. Je lui ai écrit, d’abord le 13 octobre, puis le 22, je lui ai envoyé notre épitre pour lui et pour sa tante Mme Parrat-Brillat, le priant de me donner courrier par corrier les adresses de ses frères et sœurs... Aussitôt que j’aurais la réponse d’Isidore, je vous en ferai part ».

« Ici (à Besançon) Mme Clerc (sœur de Fourier) fait tout ce que je lui demande. Elle devait me remettre sa procuration hier pour que je vous l’envoie, vous priant d’être mandataire. Vous recevrez bientôt ce mandat... ». En fait, Muiron attendit le lendemain : « Mme Clerc vient de m’apporter sa procuration, écrit-il le 25 en post-scriptum. Elle est incluse. Je ne lui avais demandé qu’un seing privé dont je lui avais donné la formule. Elle a parlé à je ne sais qui et on lui a fait croire que l’intervention du notaire était indispensable. Vous remplirez vous-même le blanc en y mettant votre nom ou celui de V. Considerant ou un autre ».

C’est, en définitive le nom de Considerant qui fut choisi par Clarisse Vigoureux.

En complément de la lettre de Clarisse Vigoureux et Victor Considerant aux sœurs de Charles Fourier, nous publions les deux articles qui lui font suite dans La Phalange, l’un sur la sépulture de Charles Fourier ; l’autre « Conservation des types authentiques », relatif aux portraits conservés au moment de sa mort. Nous y avons joint un faire-part de décès (communiqué par les héritiers de Désiré et Édouard Ordinaire. Et nous avons voulu terminer ce dossier par la très belle lettre de Cornélie Clerc, nièce de Fourier à Clarisse Vigoureux, datée de la Nouvelle-Orléans le 12 février 1838 [2]. Religieuse et directrice d’Institution à la Nouvelle-Orléans, Cornélie Clerc entretenait depuis plusieurs années une active correspondance avec Muiron et Clarisse Vigoureux.

Nous proposons d’autre part le texte d’une conférence prononcée par Lucien Febvre à l’Université de Besançon (pp. 69-90).

En 1906, Lucien Febvre, qui va avoir 28 ans, séjourne chez ses parents à Besançon, 6 rue des Fontenottes. Après l’agrégation obtenue au sortir de l’École Normale, il a enseigné pendant un an au Lycée de Bar-le-Duc, puis il est entré à la Fondation Thiers où il a commencé à travailler sur Philippe II et la Franche-Comté. En 1905, il est nommé professeur à Lons-le-Saunier, mais il refuse ce poste, préférant demeurer à Besançon pour y poursuivre ses recherches dans les papiers Granvelle. C’est en 1907 qu’il est nommé professeur au Lycée Victor-Hugo à Besançon, et il continue à préparer sa thèse, tout en assurant les fonctions de secrétaire de la très active Université Populaire de Besançon fondée par le proudhonien Édouard Droz, professeur à la Faculté des Lettres et auteur d’un roman régionaliste, Au petit Battant. Après avoir soutenu sa thèse à la Sorbonne en 1911, Lucien Febvre est nommé en 1912 professeur à la Faculté de Lettres de Dijon en 1912 et commence alors la brillante carrière que chacun connaît. La conférence que nous publions aujourd’hui, avec l’aimable autorisation de son fils M. Henri Febvre, publié dans La Dépêche Républicaine de Franche-Comté les 29 et 30 janvier 1906 n’a jamais été réimprimée depuis. En l’absence du manuscrit original qui n’a pas été conservé, nous avons corrigé quelques fautes d’impression qui tombent sous le sens due certainement à la distraction des imprimeurs qui ont écrit « ces gilets rouges qui se lassaient (pour se laçaient), la disposition des bêtes féroces (pour la disparition) ou encore système harmonieux ou régime harmonieux pour harmonien. C’était là des corrections qui s’imposaient d’elles-mêmes et que Lucien Febvre aurait sûrement faites s’il avait réuni en volume ses articles et conférences comme M. Henri Febvre, que nous remercions vivement de sa gracieuse autorisation, en a le projet.


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