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Grillet, François (dit Grillet aîné)
Article mis en ligne le 13 juillet 2014

par Desmars, Bernard

Né le 26 ventôse an 13 (17 mars 1805) à Lyon (Rhône), décédé le 7 mai 1861 à Lyon. Fabricant de châles. Président de la Commission du travail à Lyon en mars, puis premier adjoint au maire de Lyon dans l’été 1848, élu au conseil général du Rhône. Membre du groupe phalanstérien lyonnais et du comité d’organisation de l’Union agricole d’Afrique.

François Grillet est le fils de Victoire Grillet, « artiste dramatique » d’après l’acte de naissance. On ignore qui est son père. Sa mère a ensuite plusieurs autres enfants, qui, eux, sont légitimités par leur père Alban Tournachon, « garde magasin du tabac » à Strasbourg puis « entreposeur de tabac », avec lequel elle se marie en 1825 à Paris [1].

Fabricant de châles

Dès les années 1830, François Grillet devient un acteur important de l’industrie textile lyonnaise. Il est l’auteur de plusieurs inventions pour lesquelles il obtient des brevets, en 1834 (avec Trotton, également marchand fabricant de châles), en 1840 et en 1843 [2]. Il reçoit plusieurs prix pour ses innovations et ses produits lors d’expositions industrielles : une médaille d’argent en 1834 ; une médaille d’or en 1839 :

Ce manufacturier a donné une impulsion nouvelle à la fabrique de Lyon, en copiant directement le cachemire indien, au lieu d’imiter le cachemire français. Il fait preuve de goût dans le choix des dessins, et d’habileté dans l’exécution. Ses châles carrés, remarquables sous ces deux points de vue, ont réuni tous les suffrages ; ses châles imprimés, livrés au commerce à des prix modérés, nous ont paru confectionnés avec tout le soin possible, et ne rien laisser à désirer sous les rapports de la grâce et de la variété des dessins [3].

François Grillet n’est pas seulement fabricant, mais aussi négociant ; en 1842, il ouvre un magasin quai Saint-Antoine à Lyon où il vend non seulement ses propres produits, mais aussi des châles venus d’ateliers parisiens ; selon les encarts publicitaires qu’il fait alors passer dans la presse lyonnaise, « étant en relation directe avec des maisons de l’Inde », il « aura toujours un grand assortiment de magnifiques cachemires de l’Inde » [4].

En 1844, la qualité de ses produits lui vaut la Légion d’honneur.

M. Grillet aîné marche à la tête de la fabrication lyonnaise. Ses confrères, disait le jury de 1839, le reconnaissent, sans flatterie comme sans jalousie, pour le rénovateur de la bonne fabrique de châles imitation cachemire à Lyon. C’est au goût de ses dessins, à la finesse et au choix des chaînes fantaisie, et en général à son attention soigneuse dans tous les détails, qu’il doit ses succès et la clientèle étendue dont il jouit [5].

Selon le rapport du jury central, lors de l’exposition des produits de l’industrie française de 1844,

M. Grillet est en même temps dessinateur, fabricant, mécanicien et négociant. Le goût, la variété, la bonne fabrication de ses produits et l’importance de ses affaires le prouvent.

Le jury a surtout remarqué les châles blancs fabriqués avec deux chaînes par un procédé de l’invention de M. Grillet.

Ce fabricant occupe 250 à 300 métiers qui font travailler de 750 à 900 ouvriers.
Il produit environ pour 1 500 000 francs de châles, dont moitié à peu près pour l’exportation [6].

François Grillet est président du Cercle des dessinateurs au début des années 1840 [7]. En 1845, il se marie avec Jeanne Magdelaine Mathieu, fille d’un menuisier, avec laquelle il a deux enfants, nés en 1847 et 1849 [8].

Fouriérisme et république

François Grillet fait partie des phalanstériens lyonnais, très actifs dans les années 1840. Il participe ainsi à la fondation de la société l’Union agricole d’Afrique ; cette entreprise résulte d’abord de conversations entre la lyonnaise Aimée Beuque et le capitaine d’artillerie Henri Gautier, qui projettent l’implantation d’une colonie sociétaire en Algérie. Un « comité d’organisation », présidé par Fleury Imbert et animé par François Barrier, élabore les statuts d’une société, l’Union agricole d’Afrique, et rassemble les premiers actionnaires. Grillet souscrit pour 1 000 francs et entre dans ce comité. Mais quand celui-ci se transforme en premier conseil d’administration de l’Union agricole, Grillet se retire et laisse sa place au négociant Jean Cady [9].

De façon générale, il montre beaucoup de dévouement pour la cause sociétaire, écrit Victor Hennequin lors d’un passage à Lyon, probablement dans l’été 1846 :

M. Grillet riche fabricant fait des sacrifices considérables pour la propagande locale. Il voudrait avoir ici un journal quotidien. Si je l’écoutais, je ne retournerais pas à Paris et je trouverais ici une position. [10]

Après la révolution de février 1848, Grillet est nommé à la tête de la Commission du travail formée à Lyon par le commissaire du gouvernement Etienne Arago ; il laisse cependant rapidement la présidence de cette commission à son condisciple Morellet [11].

En juin 1848, il est élu au conseil municipal ; il est nommé premier adjoint ce qui, durant l’été 1848, l’amène à exercer de fait les fonctions de maire à la place du titulaire Démophile Laforest, souvent absent en tant que représentant du Rhône à l’Assemblée constituante, puis démissionnaire de ses fonctions municipales [12]. A cette place, et à la suite de la dissolution des ateliers nationaux par le gouvernement, Grillet lance en juillet 1848 une « souscription en faveur des ouvriers sans travail » dans laquelle, en attendant la reprise industrielle, il appelle ses concitoyens à venir au secours « des malheureux en peine du lendemain ».

Citoyens ! au nom de la fraternité, vous leur viendrez en aide. La municipalité de Lyon vous adresse l’appel le plus pressant ; tous y répondront, elle en est convaincue. Les fonctionnaires de la République montreront qu’ils sont toujours les premiers lorsqu’il s’agit de servir le pays ; l’armée, fille du peuple, s’associera aux douleurs de ses frères ; le clergé, plus spécialement chargé des bonnes œuvres, nous prêtera son puissant concours ; tous les citoyens seront glorieux d’apporter leur offrande pour soulager tant d’infortunes imméritées et pour aider à tant de résignation. […]

Citoyens !

Toutes les villes industrielles ont eu leurs jours d’épreuves : Lyon, seul, en a été préservé. Aidez-nous ; donnez-nous largement votre concours, puisque le gouvernement, dans ce moment de crise financière, se trouve dans l’impossibilité de venir à notre secours. La municipalité que vous avez élue vous y engage de toutes ses forces ; elle apprécie parfaitement la position actuelle. Secondez son zèle et son dévouement de tous les instants par le maintien de l’ordre et le bonheur de la cité. Encore un noble sacrifice, et bientôt le travail assurera à tous un pain noblement gagné [13].

François Dutacq, dans son Histoire politique de Lyon pendant la révolution de 1848 présente Grillet comme « un négociant philanthrope », un « phalanstérien sentimental, auquel sa générosité avait valu une popularité de bon aloi » [14]. Il apparaît comme un républicain modéré.

Il est élu au conseil général le 10 septembre 1848, ainsi que, à la fin du même mois, à la Chambre de commerce.

Après l’automne 1848, Grillet s’éloigne de la scène publique. En 1854, il obtient un nouveau brevet d’invention pour un mécanisme « pouvant s’appliquer à tous les métiers de lissage d’étoffes façonnées dans le but de donner plus de richesse aux tissus à dessins, tout en le faisant d’une manière économique » [15]. La même année, il constitue une société avec Anthelme Pin, mari de sa demi-sœur Cécile-Elisabeth Tournachon, « pour l’exploitation d’un commerce de fabrication, achat et vente de châles brochés et autres nouveautés » avec à la fois un établissement à Lyon et un autre à Paris [16].