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Gudin (dit Gudin jeune), Michel
Article mis en ligne le 23 mars 2014
dernière modification le 8 novembre 2020

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 23 février 1810 à Lyon (Rhône). Négociant, marchand de boutons et fournitures pour tailleur à Lyon. Président du groupe lyonnais d’abolition de l’esclavage.

Michel Gudin est le fils du charpentier lyonnais Armand Gudin et de Françoise Mollard. Négociant, il tient une boutique de passementerie 14 rue Quatre-Chapeaux à Lyon. Il épouse Félicité Stéphanie Kuffer, originaire de Suisse. Veuf en septembre 1845, il élève seul ses deux filles âgées de 3 et 10 ans et loge sa belle-mère. Une troisième fille est décédée deux jours après sa naissance en juillet 1845. Il est encore actif, 10 rue du Plâtre à Lyon en 1866 où il loge toujours avec ses deux filles. Il se remarie le 1er juin 1870 avec Antoinette Cochet, fabricante de corsets, née à Lyon en 1829.

En février 1835, son nom est inscrit sur la seconde liste de « souscription pour la fondation d’une vente sociale d’épiceries, devant commencer la réforme commerciale » [1] initiée par Michel Derrion. Il contribue à hauteur de dix francs. En mars 1835, il contribue également à la souscription en faveur des détenus politiques[[Le Censeur, journal de Lyon, 11 et 12 mars 1835, p. 2.]]. La Tribune lyonnaise le qualifie d’ancien rédacteur du journal Le Travail [2]. Le journal paru en 1841 porte le sous-titre d’Organe de la rénovation sociale, Liberté Egalité, Fraternité. Sans être disciples de Cabet [3], les membres de la commission de rédaction, Beaume, Coignet, Cathabard, Raymond et Busque [4] se proclament

COMMUNISTES […]. La doctrine communiste, telle que nous la comprenons, appuyée sur les nobles conquêtes de la science, des arts et de la philosophie, n’est point une œuvre de transition qui doit conduire à la découverte d’une doctrine plus parfaite ; elle est pour nous le but final de l’humanité, et en sociabilité la dernière et la plus complète expression de la saison humaine. Elle contient ainsi toutes les vérités éparses dans les autres doctrines religieuses ou sociales ; c’est le véritable christianisme appliqué aux relations de la vie : elle comporte toute la douceur, l’amour et le dévouement de la doctrine saint-simonienne, toute la partie relationnelle de la science économique de Fourier, mais avec une entente plus parfaite que dans ces deux doctrines de la théorie des droits et des devoirs, avec une appréciation plus exquise du dogme de l’égalité [5].

Michel Gudin reste proche des phalanstériens. Il préside le comité lyonnais d’abolition de l’esclavage de Lyon, comité auquel appartiennent également d’autres sympathisants phalanstériens Marius Conchon et Auguste Morlon [6], Brun et Morellet [7]. Le comité s’est formé dans les locaux de La Tribune lyonnaise en janvier 1847 [8] et serait à l’initiative de Marius Chastaing [9]. Lors du banquet commémorant l’anniversaire de la naissance de Fourier organisé en avril 1847 par le Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon, Gudin porte un toast « à l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises » :

A l’Abolition de l’esclavage dans les Colonies françaises.
Messieurs,
Si mes vœux ont plus particulièrement pour objet le sort de cette malheureuse partie de l’humanité, ce n’est point, qu’indifférent sur les malheurs engendrés par les vices de notre état social, je dédaigne..., j’ignore les souffrances des parias de la civilisation.
Comme vous, messieurs, comme tous ceux pour qui la solidarité n’est point un vain mot ; je sais, je sens... qu’il est autour de nous, parmi nous-mêmes, bien des misères encore ; je sais qu’il est encore bien des chaînes à briser avant que le prolétaire puisse s’asseoir au banquet social. Et je tiendrais pour suspectes des sympathies qui, pour se manifester, auraient besoin de traverser l’Océan.
Mais aussi, et par les mêmes raisons, je me défie de cette parcimonie de dévouement qui fait un choix, un triage dans l’humanité ; et ceux qui, lorsqu’on leur parle des noirs, répondent par la question des blancs, sont bien près de délaisser et les uns et les autres.
Les questions humanitaires ne peuvent se disjoindre ; elles forment un tout, dont les dernières parties supportent les conséquences des perturbations dans lesquelles sont plongées les premières. Et l’esclavage des nègres n’est autre chose que le premier chaînon de ce réseau de misères dans lequel nous sommes enserrés.
Je n’ai jamais cru, je ne croirai jamais qu’il soit moral, qu’il soit avantageux même de faire plier le droit devant le fait. Le fait, il est vrai, s’impose par la seule raison qu’il est FAIT, mais le fait est apprécié jugé par le droit, et du moment qu’il est reconnu vicieux, il cesse d’être respectable. Comme conséquence de ce principe, et sans craindre d’être taxé d’exagération, je pose en fait : 1° que l’esclavage doit être immédiatement supprimé, puisqu’il ne convient ni à nos meurs ni à notre époque ; 2° Que la société des hommes libres est responsable des maux occasionnés par la servitude.
Messieurs, la question qui se pose devant vous touche aux plus grands principes que la raison humaine ait pu définir : la liberté, la propriété de soi-même, la dignité de l’homme, l’égalité devant Dieu, devant la loi. Tout ici est engagé ! et tout est violé !... sans même qu’une raison de nécessité ait pu légitimer cette violation.

Une société qui n’a pas encore effacé de son front cette tache d’opprobre n’a pas le droit de se croire digne à ses propres yeux. Elle doit supporter, et elle supporte les conséquences de son ignominie. Elle doit souffrir.
Voilà pourquoi ma sollicitude s’étend plus particulièrement sur cette malheureuse partie de l’humanité.
Jusqu’ici, je n’ai pas envisagé, et je n’envisagerai pas la question au point de vue des faits, non plus qu’au point de vue des sentiments.
Au point de vue des faits, parce que les faits crèvent les yeux de ceux qui tournent leurs regards du côté de ces misères.
Au point de vue du sentiment..., ce n’est point une aumône que je viens demander ! c’est la restitution d’un droit, et du plus sacré entre tous... : le droit d’être... D’un droit qui prime tous les autres droits, qui prime le droit de vivre, qui prime le droit au travail.
Puisse ma faible parole rappeler ma patrie à son antique tradition ! Laissée en arrière par des peuples barbares, la France ne peut plus longtemps supporter un reproche qui la ferait rétrograder au-delà de l’Islamisme. Et, ce que le Bey-de-Tunis, Le vice-Roi d’Egypte, l’Hospodar de Valachie, accordent en maîtres généreux, elle le décrétera en reconnaissance du droit que j’ai invoqué.
Messieurs, je termine par une protestation. L’esclavage des nègres est le crime le plus odieux que la cupidité ait pu inventer... IL DOIT CESSER.


En 1848, Gudin est membre du Comité provisoire de l’Hôtel de Ville qui remplace le Conseil municipal déchu [10]. Très actif, au sein de la Société démocratique, il est en charge du comité de guerre et de police [11]. Il est membre du Comité d’organisation du travail créé à Lyon, commission qui « était l’œuvre des phalanstériens » [12]. Le 8 mars, il y propose la création d’une banque industrielle, projet qui conduit à la création d’une commission. Le lendemain, il donne lecture du rapport émis par une commission chargée d’étudier une proposition de Dervieu visant à dénoncer l’inefficacité d’un système de tarif fixant les salaires revendiqué par les ouvriers [13]. Ce rapport conclut par ailleurs à sa dangerosité.

Gudin est présenté parmi les candidats à désigner pour les élections législatives d’avril 1848, sur une liste émanant de « l’école phalanstérienne » selon Le Tribun du peuple, organe de la société démocratique qui le qualifie de « patriote actif et intelligent, penchant vers les idées sociales ; mais, verbeux par besoin il entrave souvent les travaux législatifs en prolongeant les discussions » [14]. En avril 1848, il prend les abonnements au journal Le Spartacus [15], lors de la parution du premier numéro. En 1848, son nom est régulièrement cité lors des banquets ou lors des séances de clubs. Il y défend le droit au travail et se montre avant tout tenant de la République et de la démocratie. En août 1848, Gudin est avec Jules Juif, l’un des fondateurs du club de la Rotonde. Il en est l’un des vice-président [16]. En septembre 1848, lors de l’élection partielle pour élire un représentant du Rhône à l’Assemblée nationale, il fait une « apologie de la guillotine » [17]. Il est l’un des vice-présidents du banquet du « 1er vendémiaire an LVII de la République française » [18] qui se tient à Lyon le dimanche 24 septembre 1848. Il y prononce un toast qui se veut humoristique en l’honneur des jésuites. Il est l’un des représentants lyonnais à celui de Dijon donné le 22 octobre suivant. Le 18 novembre, il réitère son propos concernant la guillotine [19]. Toujours en novembre, lors d’un banquet démocratique et social tenu à Lyon, il porte un nouveau toast sarcastique « au neveu de son oncle » [20] Le 3 décembre à Givors, il appelle « à la transformation des bonnes gens » [21]. Il est membre du comité central électoral des démocrates-socialistes du Rhône [22]. Au cours de la campagne présidentielle, il soutient Raspail. Il est l’un des principaux fondateurs du journal Le Républicain patronné par plusieurs sociétés ouvrières [23]. Comme Gudin, nombre des fondateurs sont d’anciens membres du club Sanaoze. Annoncé en novembre 1848, le journal paraît de février à juin 1849. Gudin y est régulièrement cité comme organisateur des banquets démoc-socs [24].

Bien que semble-t-il plus discret après 1849, il n’en continue pas moins à s’intéresser aux questions commerciales et de crédit. En 1855, il fait lithographier un recueil d’articles qu’il a précédemment adressé à la presse ; il y prône la concentration et l’association commerciale, la réforme du système douanier rejetant tarifs et taxes, l’organisation du crédit par l’Etat.