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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Romano, Louis (Pierre Louis Marie)
Article mis en ligne le 30 septembre 2013
dernière modification le 17 avril 2023

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Turin (anc. département du Pô, auj. Province de Turin, Italie) le 21 août 1805. Décédé à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 12 novembre 1847. Teneur de livres à Lyon (Rhône) puis à Marseille. Combattant de Juillet 1830 à Paris. Ancien saint-simonien. L’un des fondateurs du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon. Correspondant de l’Union harmonienne en 1840. Franc-maçon. Membre de l’Athénée électro-magnétique de Lyon.

Louis Romano se marie le 8 février 1834 à Lyon, à Jeanne Pain, brodeuse, née à Tournus (Saône-et-Loire) et fille d’un cordonnier de Lyon. Il est alors qualifié de professeur de mathématiques et réside avec sa mère Claire Vercellino, quai Saint-Clair à Lyon. Son père, Jean Romano, est décédé. Sont témoins de ce mariage, les Lyonnais Michel Derrion, négociant, Jean-Paul Germain [1], professeur de mathématiques, Antoine Leclerc, imprimeur sur étoffe à la Guillotière et le joaillier lyonnais Sébastien-Lazare Belliscer [2]. Plusieurs enfants, aux prénoms pour les premiers faisant référence à la Rome antique et marquant un attachement à ses origines italiennes, naissent de cette union. Le 19 novembre 1834 naît Romain. Derrion et Belliscer sont témoins de l’enregistrement de cette naissance [3]. Le 9 février 1836 naît Rémus [4]. Derrion est à nouveau témoin aux côtés de Jean-Paul Germain devenu teneur de livres. Le 30 mars 1840, naît une fille Réa Silvia [5]. Le 23 mars 1841 naît un fils également prénommé Rémus [6]. Le 25 octobre 1843, naît Jeanne [7]. Le 26 novembre 1845 naît un nouveau fils, Louis [8]. Après avoir vécu et milité à Lyon, Louis Romano réside à Marseille à partir d’octobre 1846 [9], Grand chemin de Rome lors de son décès. Il s’est exilé à Marseille ayant été « séduit par des offres avantageuses qui ne se réalisèrent pas » [10]

Louis Romano est un combattant parisien de Juillet 1830, titre dont jamais il ne tire aucune gloire ou indemnité à laquelle il aurait pu prétendre. Il n’hésite pas à signer « une protestation célèbre à cette époque » [11], suit la bannière et porte la tenue saint-simonienne jusqu’aux derniers jours de Ménilmontant. En novembre 1832, lors de la mission lyonnaise de Rogé et Massol, il professe « gratuitement [...] sous la direction de Germain, aussi St-Simonien, et breveté par l’Université pour l’enseignement primaire » des cours de mathématiques à une trentaine d’ouvriers. L’assemblée est expulsée « en silence et en ordre » [12] par la police. En 1835, il est cité, parmi les souscripteurs « pour la fondation d’une vente sociale d’épicerie devant commencer la réforme commerciale » de son ami Michel Derrion [13]

Dès 1837, il est l’un des fondateurs du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon aux côtés d’Etienne Boyron, d’Adolphe Brac de la Perrière, et de Philippe-François Poulard. En 1840, il est cité comme correspondant lyonnais de l’Union harmonienne [14]. En 1842, il doit en reprendre la présidence. Les choix d’Eugène Fabvier, qui succède à Cyprien Borivent ont conduit à l’intervention des autorités : les réunions d’une « société se rattachant au fouriérisme mais chargée de faire des enrolemens [sic] pour le Brésil » [15] se tenaient sans autorisation dans les locaux du Groupe phalanstérien dont les membres n’avaient pas été consultés. Il s’agit du comité de recrutement de l’Union industrielle de Mure et Derrion [16]. A compter de cette période, le Groupe phalanstérien reconstitué sous la présidence de Romano se contente de célébrer publiquement les anniversaires de naissance et mort de Fourier et ne se réunit régulièrement que de manière privée. Romano exprime sa conception fouriériste lors des banquets. Déjà le 7 avril 1841, il donne « une courte et lucide exposition de la théorie » [17]. Ensuite le 10 octobre 1841, lors du banquet anniversaire du décès de Fourier, alors qu’une scission se fait jour parmi les phalanstériens, indisposé, il doit se contenter d’un simple toast porté « à l’enfance » [18]. Lors de l’ouverture de celui du 15 octobre 1843, il déclare dans « un discours rapidement esquissé et sagement conçu sur la doctrine de Fourier » selon L’Echo de la fabrique de 1841 :

Réunir toutes les volontés, combiner tous les efforts, telle doit être la seule pensée de ceux pour qui l’association n’est pas seulement une théorie [...] ; place à tous, voilà la vraie association, bonheur pour tous doit être son seul et unique but [...]. Nul peut nier que nous touchons à une époque remarquable ; tout a vieilli, tout demande une nouvelle existence, la fermentation des esprits est générale... l’eau et le feu tour à tour sillonnent le globe de leur puissance destructive ; n’est-ce point là l’annonce d’un nouvel enfantement pour l’humanité... Les mondes et les sociétés sont comme les individus : chez tous la souffrance précède la santé, car le développement complet de toute organisation ne peut être atteint qu’après une longue suite de bouleversements et d’épreuves [19].

En fin d’année 1843, il accueille le Groupe phalanstérien à son propre domicile, 36 rue Bourg Chanin, pour « une séance oratoire » [20]. En octobre 1844, alors que le Groupe est renommé Cercle des Sciences industrielles, il préside le banquet anniversaire de la mort de Fourier et prononce un discours d’introduction sur « l’éducation morale » [21]. L’un de ses fils, Romulus [22] « récite avec beaucoup de grâce, deux pièces de vers, un hymne à Fourier et un discours sur le travail » [23]. Lors de la convocation au banquet qui doit se tenir le 13 avril 1845, l’invitation stipule que « cette réunion (est) une simple fête de famille » [24]. Louis Romano doit « inaugurer la séance par un discours sur la nécessité, pour les classes laborieuses et souffrantes, d’étudier et d’adopter un système pacifique qui les fasse sortir de cet état et sur le devoir des hommes appartenant aux classes plus favorisées, de préparer les voies à cette transformation [sic] » [25]. Dans ce discours tout aussi « savamment écrit et fortement pensé » [26] que les années précédentes, Romano présente « une esquisse du but auquel tendent les disciples [de Fourier]. Il a montré la nécessité pour tous les amis de l’humanité de se rallier à une doctrine pacifique et mathématiquement vraie ». Au banquet d’octobre 1845, c’est un discours sur « l’équilibre des passions » [27] qu’il prononce en introduction. La Tribune lyonnaise dont il est un collaborateur à ses débuts [28] publie en décembre 1845 « l’Echelle sociale » où il énonce les principes d’une analogie numérale en neuf degrés destinée à démontrer « une méthode rigoureuse conforme au développement humain, méthode qui puisse être vérifiée par les faits historiques » [29], texte prononcé au terme de ce banquet d’octobre. En avril 1846, son nom apparaît parmi les premiers contributeurs à la souscription en faveur de l’insurrection polonaise, au côté de Marius Chastaing et Auguste Morlon [30]. Lors du banquet anniversaire du décès de Charles Fourier célébré en octobre 1846, un éloge est prononcé en son honneur, par son successeur Poulard, pour le zèle avec laquelle il a rempli ses fonctions de président :

Homme de cœur et de science, dévoué à toutes les idées de progrès, M. Romano avait su conquérir l’estime et la sympathie de toutes les classes de la société. Aussi le toast porté en son honneur par M. le président au nom du groupe a-t-il été accueilli avec enthousiasme et nous sommes heureux de lui en transmettre l’expression [31].

En avril 1846, La Tribune lyonnaise soulignait déjà que « grâce à la direction donnée par M. Romano, président du groupe, beaucoup de personnes qui ignoraient même l’existence de l’école sociétaire, lui sont sympathiques » [32]

Louis Romano est également l’auteur d’une « Lexicomachie » [33], méthode d’apprentissage de l’orthographe restée à l’état de manuscrit. Franc-maçon, son nom est cité parmi les organisateurs de la seconde « fête donnée par la maçonnerie lyonnaise au profit des ouvriers sans travail » [34] et « des victimes nécessiteuses de l’incendie des Brotteaux » [35] en mai 1840. Cette double appartenance explique probablement le fait que le banquet anniversaire de la naissance de Fourier se tienne dans les locaux lyonnais du Grand Orient de France en avril 1842 [36]. Il est tout d’abord membre de la Bienveillance, loge lyonnaise fondée par Marconis de Nègre, travaillant au rite mystique égyptien de Misraïm jusqu’à la radiation de ce dernier en 1838 et la mise en sommeil de l’atelier. Romano devient par la suite membre de la loge des Chevaliers du Temple où il occupe la charge d’orateur dès 1839 [37]. Le 30 août 1846, lors de la fête de l’Ordre, il se fait un ardent défenseur des principes de l’initiation, rejetant l’idée que la maçonnerie n’aurait plus qu’une seule fonction d’institution de bienfaisance. Louis Romano est également membre de l’Athénée électro-magnétique de Lyon où il tient un discours remarqué par La Tribune lyonnaise, « L’Unitéisme » [38]. Ce principe, énonce-t-il, « est le nom que les temps modernes ont donné à cette croyance sublime dont l’harmonie universelle doit être le résultat » [39]. Il est « l’un des élèves lyonnais » du baron Du Potet qui fait son éloge dans Le Journal du magnétisme lors de son décès :

J’apprends par La Tribune que le froid de la mort a saisi l’un de mes élèves lyonnais, Romano, dont le cœur, palpitant à tout ce qui était grand et beau, s’ouvrait à l’avenir. La misère, trop souvent compagne du génie, ne l’avait jamais quitté. Il a succombé ; la terre couvre cette victime d’une organisation sociale malheureuse, qui n’offre de place qu’à l’intrigue et à la bassesse. Romano, que ton âme prenne son vol vers des régions plus douces ! Oh ! sans doute, tu voudras rester près de ton infortunée compagne que le chagrin accable, que la détresse poursuit, à qui nul ne viendra offrir un allègement à ses peines.

Ainsi tout finit ; riches et pauvres vont s’engloutir dans un vaste océan ; mais Dieu distingue ceux qui furent justes et bons, qui travaillèrent à éclairer leurs frères. Romano, tu consacras ta vie à cette mission difficile, et tu y succombas. Entends l’adieu d’un homme qui ne fit que t’entrevoir mais connut tes pensées généreuses. Il ira te rejoindre après sa journée finie, car il a, comme toi, travaillé ; mais plus heureux, ses organes de fer auront résisté aux tortures infligées chaque jour aux novateurs [40].

La Démocratie pacifique signale le décès « d’un homme, qui s’est montré, durant sa vie, ardent propagateur de la doctrine sociétaire » [41] et reprend partiellement l’article nécrologique de La Tribune lyonnaise [42], passant totalement sous silence son rôle au sein du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon.