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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Castelverd, Léo de
Article mis en ligne le 19 avril 2013
dernière modification le 26 janvier 2015

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 15 septembre 1796 à Paris (Seine). Encore vivant en mars 1865. Directeur d’une école d’enseignement mutuel puis professeur de langues anciennes à Paris. Secrétaire de la Société protestante de prévoyance et de secours mutuels à Paris en 1828. Promoteur d’un projet coopératif d’habitat d’inspiration oweniste en 1831. Travailleur de l’Ecole sociétaire en 1841.

Etudiant à Genève à partir de 1815, boursier, il est inscrit en théologie de 1816 à 1818. Il retourne à Paris le 12 décembre 1818. Atteint d’une maladie mentale dont il guérit, il doit renoncer à une charge de pasteur. Il obtient son brevet de capacité d’enseignement du premier degré le 30 mai 1828 et est nommé à la direction d’une école d’enseignement mutuel située 2 quai des Orfèvres à Paris [1] et destinée aux garçons du culte protestant [2]. Cette école d’une vingtaine d’élèves est subventionnée par les consistoires des deux Eglises évangéliques de Paris [3]. Il est secrétaire de la Société protestante de prévoyance et de secours mutuels présidée par Laffon de Ladebat [4] et à laquelle appartient Philippe Buchez [5], médecin du deuxième arrondissement. Il dresse le bilan de son activité lors de la deuxième séance annuelle du 27 avril 1828 :

il s’est attaché à faire ressortir les avantages que la Société de prévoyance assure à ses membres : il a présenté un tableau fidèle de la position de l’ouvrier que la maladie oblige à se défaire peu à peu de ses meubles et de ses effets, et enfin à quitter sa famille pour chercher des secours et des soins dans les hôpitaux, et qui, dans une des suppositions les plus favorables, travaille souvent plusieurs années à réparer les maux occasionnés par une maladie de quelques semaines, et il l’a mis en opposition avec le sort de celui qui, par une sage prévoyance, s’est préparé des ressources pour le moment du besoin, qui n’aggrave pas ses maux par des inquiétudes pour sa famille, et qui, bien soigné chez lui et par les siens, reprend bientôt ses travaux, et, au bout de quelques semaines, se souvient à peine qu’ils ont été interrompus. Ces considérations sont si vraies et si frappantes que nous ne pouvons être surpris de l’accroissement que prend chaque jour la Société, et qui nous semble ne devoir s’arrêter que lorsque tous les ouvriers et artisans protestants y seront entrés. Le nombre des sociétaires est aujourd’hui de sept cent cinquante. [...] L’un des censeurs a ensuite donné des détails sur les finances, qui sont dans le meilleur état possible. Quatorze mille francs restaient en caisse au commencement de l’année ; la Société a reçu, en 1827, seize mille francs et n’en a dépensé que onze mille. Aussi, comme l’avait déjà annoncé son président, le Comité espère pouvoir, avec le temps, fonder une maison de retraite pour les personnes âgées et isolées, qui s’y appliqueront à différents ouvrages sédentaires, des pensions pour les infirmes et les vieillards, et peut-être aussi, car sa sollicitude s’étend a tous les âges, une salle d’asile pour les enfants. On a voté l’impression de ces différents rapports [6].

En 1830, son nom apparaît comme promoteur d’un projet de « sociétés coopératives qui sont connues depuis longtemps en Angleterre. On nous assure que trois ou quatre cents personnes vivant en commun, même à Paris, pourraient se procurer toutes les nécessités et même une partie des agréments de la vie sociale, pour une somme de sept cents francs par an. On trouve le Prospectus de cette société chez M. de Castelverd, rue de l’Oratoire du Louvre, n° 6, qui reçoit de dix heures à midi, et le soir depuis huit heures. Elle doit s’organiser sous les auspices de M. le comte de Lasteyrie, dont le nom seul suffit pour inspirer la confiance et garantir une entreprise philantropique [sic] » [7]. Selon d’autres sources, le projet est présenté initialement par Galibert à la Société économique de Paris, présidée par Charles-Philibert de Lasteyrie [8].

Le projet attribué à Castelverd est présenté dans La Gazette des ménages, journal d’économie domestique, d’éducation du 6 au 17 mars 1831. En mai-juin 1831 [9], Fourier ne fait aucunement mention de ce projet dans son ouvrage Pièges et charlatanisme des sectes Saint-Simon et Owen jetant l’anathème sur ses rivaux. S’appuyant sur les exemples de différents essais communautaires dont celui d’Owen à New Harmony (Indiana, Etats-Unis) ou bien des sociétés coopératives de Grande-Bretagne, l’auteur des articles de La Gazette des ménages reprend précisément les calculs effectués par Castelverd qui s’appuie sur les frais de fonctionnement d’un établissement collectif comme l’hospice des Incurables de Paris pour justifier la viabilité économique de l’association.

« Sociétés coopératives (3e article) »
La Gazette des ménages, journal d’économie domestique, d’éducation, 13 mars 1831


L’auteur de l’article détaille le projet dans le numéro suivant :

La société projetée par M. de Castelverd serait fondée pour 400 ou 500 personnes, nombre qui suffirait pour procurer à la communauté une grande aisance. Les avantages certains que présente le mode d’association proposé, ne permettent pas de douter que ce nombre soit facilement atteint, surtout lorsque les souscripteurs seront bien pénétrés de l’idée qu’il ne s’agit point d’une spéculation profitable à quelques-uns, mais d’une réunion dont les bénéfices tourneront à l’avantage de tous.
Dans le plan de M. de Castelverd, la gestion sera confiée à un directeur aux appointements fixes ; nous pensons qu’il serait bon que ce directeur fût lui-même membre de la société. L’administration sera soumise au contrôle d’un comité choisi par les sociétaires. Les excédans [sic] de dépenses seront employés à augmenter l’aisance commune. Ainsi, avec des économies accumulées, on louerait ou on achèterait. Une maison de campagne ; ou améliorerait la table ; on donnerait de l’extension à la bibliothèque ; on établirait un cabinet de physique ; on achèterait des entrées à des théâtres, etc.
Chaque membre reçu sera obligé de rester pendant trois ans dans l’établissement. Voici comment cette obligation doit être entendue. En entrant, on paiera 5o francs pour droit d’admission et 58 francs 31 centimes pour la cotisation mensuelle.
Si l’on quitte dans le milieu ou à la fin de la première année, on paiera, en sus de la pension, 5o francs pour les jouissances procurées par l’établissement, lequel ne tiendra pas compte de la moins value des effets. Si l’on quitte à la deuxième année, on paiera 25 francs, sans jouir d’aucune moins value. Si l’on quitte au milieu de la troisième année, on ne paiera aucune rétribution. Enfin, si l’on part à l’expiration de la troisième année, l’administration tiendra compte de toutes les moins values. Les statuts de l’association déterminent les conditions d’admission, le mode des versements et celui des garanties de chaque sociétaire.
Tel est l’ensemble du projet. Nous n’hésiterions pas à en proclamer d’avance le succès, si l’établissement était ouvert. Nous savons que M. de Castelverd s’occupe de modifier les premiers aperçus, de manière à rendre l’exécution plus facile. Nous avons lien d’espérer la communication officieuse des nouveaux calculs : nous nous empresserons de les faire connaître à nos lecteurs [10].

Castelverd appartient probablement au groupe des propagateurs de la pensée d’Owen en France qui, comme Adolphe Radiguel, membre de la société asiatique de Paris et de la Société coopérative de Londres, lorsqu’il s’adresse à Fourier en avril 1827, considère que « ses principes sont à peu près les mêmes que ceux du système coopératif établi par M. Robert Owen » [11]. Il est en contact avec Charles Harel en 1839 qui publie alors son Ménage sociétaire [12]. Il rejoint les rangs phalanstériens et est cité comme professeur de langues anciennes dans L’Almanach social pour l’année 1841 parmi les « principaux artistes et travailleurs appartenant à l’Ecole sociétaire » ; il réside au 91 rue Saint-Honoré à Paris. Il ne semble avoir aucune activité sociétaire au delà de cette simple adhésion de principe.

Il reste lié au cercle protestant. On retrouve son nom le 1er mars 1865 en tant que signataire d’un appel alertant les protestants sur les conséquences de la non réélection de Guizot : « le suffrage universel protestant s’est laissé entraîné sur le terrain politique, il a contre son intention, amoindri la situation et l’influence de l’église réformée » [13].