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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Lansac, Maurice (Marie Bernard)
Article mis en ligne le 18 décembre 2012
dernière modification le 31 octobre 2023

par Desmars, Bernard

Né le 14 novembre 1865 à Tarbes (Hautes-Pyrénées), décédé le 3 janvier 1954 à Paris (14e arrondissement). Employé de l’assistance publique, journaliste, avocat. Militant et propagandiste fouriériste très actif, du début du XXe siècle jusqu’aux années 1930.

Le père de Maurice Lansac est un négociant originaire de Tarbes, mais qui déclare être domicilié à Rio de Janeiro lors de la naissance de son fils [1].

Un jeune militant fouriériste dans les années 1890

A la fin du XIXe siècle, on retrouve Maurice Lansac à Paris, engagé dans le mouvement socialiste : dans un article publié en 1898 dans La Rénovation, il déclare avoir fondé en 1890, dans le Ve arrondissement parisien, une bibliothèque socialiste gérée sur un mode coopératif ; il l’a fait fonctionner pendant trois années, dit-il, grâce à ses « sacrifices personnels en argent » et avec l’aide d’amis dont Victor Considerant qui lui aurait procuré plus de 150 volumes édités par l’Ecole sociétaire ; la bibliothèque aurait périclité, accuse Lansac, à la suite des agissements de militants allemanistes et d’un groupe d’étudiants socialistes révolutionnaires [2]. Vers 1890, Lansac est donc en relation avec Considerant, comme il le rapporte également dans un ouvrage de 1926 [3]. Faut-il cependant le qualifier de « secrétaire de Victor Considerant » comme l’ont fait certains auteurs, et en particulier Félix Armand et René Maublanc dans leur étude sur Fourier de 1937 [4] ? Rien ne confirme cette qualité [5].

Ce n’est qu’à partir de 1898, qu’on le voit apparaître dans la documentation fouriériste ; il publie quelques articles dans La Rénovation, où il exprime son hostilité envers les collectivistes et les révolutionnaires et appelle les socialistes à s’en démarquer nettement [6]. Il forme le « projet d’un centre sociétaire », afin que « les partisans de l’idée sociétaire aient un endroit pour se réunir régulièrement » ; ce local pourrait aussi servir de « dépôt d’archives, de bibliothèque, de salle de rédaction, etc. » ; on pourrait notamment y accueillir les archives, les manuscrits et les imprimés de l’École sociétaire conservés par Auguste Kleine depuis la mort de Considerant ; enfin, « ce centre servirait utilement à la propagation de nos idées ». Lansac en calcule le coût (loyer, mobilier) et demande aux personnes intéressées de le contacter [7]. Mais il ne reçoit « d’adhésion, d’au moins de principe, que d’un fort petit nombre de Sociétaires », écrit l’un de ses condisciples [8]. Sans doute ce projet est-il trop ambitieux, surtout quand on voit les difficultés que rencontre à la même époque Alhaiza pour financer l’érection de la statue de Fourier. En tout cas, ce Centre sociétaire ne voit pas le jour.

Au début du XXe siècle, l’École est divisée en deux grandes tendances, l’une autour de La Rénovation et Alhaiza, l’autre constituée de l’Union phalanstérienne et de l’École Sociétaire Expérimentale. Lansac appartient à la seconde tendance, favorable à la réalisation d’un essai pratique et proche des associations coopératives. Il participe en 1901 au banquet du 7 avril organisé par l’Union phalanstérienne et y lance l’idée d’un banquet organisé en hommage à Zola, dont le roman Travail vient de paraître [9], Il reste cependant en relation avec le groupe de La Rénovation et participe – en tant que représentant de l’Union phalanstérienne – au banquet du 7 avril organisé par Alhaiza en 1912 [10].

Relancer la propagande fouriériste, au XXe siècle

A la veille de la Première Guerre mondiale, l’Union phalanstérienne est moribonde ; et l’Ecole Sociétaire Expérimentale, qui a échoué dans ses projets « d’essais pratiques », n’a plus beaucoup d’activité. Maurice Lansac prend alors l’initiative de créer une nouvelle structure, l’Union sociétaire, afin de réorganiser l’activité de propagande phalanstérienne. Il obtient l’appui des milieux coopératifs qui lui fournissent un local, à la Chambre consultative des associations de production, où il peut organiser des conférences pendant l’année 1915 [11]. Ainsi, le 16 avril, l’ordre du jour de la « permanence causerie » annonce un compte rendu de l’anniversaire de Fourier, une réflexion sur « l’organisation systématique de la propagande » et l’ouverture prochaine « du premier local du Séristère parisien (vente de journaux, papeterie, livres, conserves, etc., entremise générale) » [12]. L’on n’a pas d’informations sur ce qu’est devenue ensuite cette Union sociétaire.

Maurice Lansac semble avoir été longtemps un modeste employé (commis rédacteur) de l’Assistance publique [13]. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il est en retraite [14]. Il fait alors des études de droit et obtient le doctorat en soutenant en mai 1926 une thèse sur « les conceptions méthodologiques et sociales de Charles Fourier » et « leur influence » [15], travail qu’il dédie « à la mémoire de tous les braves gens qui formèrent l’ECOLE SOCIETAIRE ». Il recourt aux archives sociétaires, ce qui distingue son travail de la plupart des thèses de droit, fondées sur la seule lecture des ouvrages imprimés de Fourier et de ses disciples, et de ceux de Charles Gide. Il s’efforce de montrer la convergence entre la théorie sociétaire et les idées et systèmes contemporains : des éléments du garantisme se retrouvent dans « les programmes des partis radicaux et radicaux-socialistes » [16] ; le matérialisme historique et le taylorisme doivent ainsi être approchés de l’analyse du « cours du mouvement social » et de la notion de « travail attrayant » chez Fourier. Il écrit même que « l’idéal phalanstérien est devenu l’idéal social de Marx, par là l’idéal social de Lénine, et de tout le prolétariat communiste mondial qui ne s’en doute guère » ; selon Lansac, « on ne peut rien comprendre à l’œuvre de Karl Marx, et par conséquent rien en tirer, si l’on ne connaît pas la filiation fouriériste de ses principales conceptions » [17]. Il publie l’année suivante, dans la Revue des études coopératives, un bref article dans lequel il revendique l’origine fouriériste des bourses du travail [18].

Au milieu des années 1920, il ne semble pas y avoir de groupe fouriériste en activité. Lansac s’efforce alors de rassembler des fouriéristes et des personnes s’intéressant à Fourier en créant une Société des amis de Fourier, dont il est le secrétaire général ; il sollicite Charles Gide qui accepte la présidence d’honneur ; on trouve également parmi les membres de cette société Louis Guébin, Jean Gaumont. Cette association, dont l’existence est très éphémère semble s’être contentée de quelques repas et réunions, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Fourier, en avril 1926 et sans doute 1927 [19].

Annonce du banquet du 3 avril 1927
Fondation Feltrinelli (Milan), Carte Varie, XV-166.

Le 8 avril 1927, pour des raisons inconnues, il annonce sa démission du poste de secrétaire de la Société [20] ; d’après un article paru dans L’Association ouvrière, un organe des coopératives de production, Lansac serait entré en conflit avec des membres de l’association à cause « des idées marxistes et collectivistes auxquelles [il] prétendait rallier la théorie sociétaire », ce qui aurait entraîné « des discordes violentes, aussitôt suivies de démissions » [21]. A vrai dire, Lansac paraît surtout avoir voulu ramener la plupart des théories progressistes au fouriérisme, qu’elles soient ou non marxistes. Dans ce même courrier du 8 avril, il déclare préparer la constitution d’une « société analogue » dont le siège provisoire serait chez lui [22]. L’on n’a pas plus d’information sur cette « société analogue » ; et l’on ne voit pas Lansac participer à la renaissance de l’École Sociétaire Expérimentale, entre 1927 et 1930, sous la direction de R. Vachon et de Soulier-Valbert.

Maurice Lansac, après ses études de droit, entame une nouvelle carrière professionnelle ; en janvier 1927, il s’inscrit au barreau de Paris [23] ; dans les années 1930, il est avocat à la cour d’appel, d’après les annuaires et les recensements [24]. Il publie plusieurs articles dans La Revue municipale, parfois avec des références explicites au fouriérisme, à la pertinence et à l’actualité des solutions et propositions formulées par Fourier et l’Ecole sociétaire, telle que la création d’un « ministère du Progrès » [25] ; dans un autre article, il présente ce que pourrait être en 1930 « une Commune sociétaire agricole » ; il reprend la présentation du phalanstère par Considerant dans Exposition abrégée du système phalanstérien de Fourier, et l’adapte aux temps contemporains, avec de nouveaux outils de communication – « le téléphone, la radiophonie, le téléphérage (lettres, denrées, colis divers) » –, de nouveaux équipements – des « avions communaux […], des garages pour automobiles et pour avions particuliers » – et de nouveaux lieux comme « le cinéma, le dancing, etc. » [26].

En 1931-1932, il collabore régulièrement à un hebdomadaire intitulé La Démocratie pacifique, publié dans la perspective des prochaines élections législatives, afin de soutenir la candidature de Raoul Brandon, député sortant républicain-socialiste (c’est-à-dire au centre-gauche sur l’échiquier politique) et conseiller municipal du Ve arrondissement de Paris ; il y fait paraître des articles sur « les villas sociétaires » et « le système d’organisation du travail et le travail attrayant » [27], présente le comptoir communal et le garantisme [28], et, dans un article sur la Société des nations, affirme que « l’Ecole sociétaire est une des origines certaines de cette institution récente » [29] ; il donne un large écho aux manifestations célébrant le centenaire de la coopération, et souligne les liens étroits entre fouriéristes et coopérateurs depuis les années 1830.

En 1937, il est à l’initiative de la constitution d’un « comité pour la commémoration du centenaire de la mort de Charles Fourier » ; on y retrouve des coopérateurs (Briat, Daudé-Bancel), des universitaires (Bernard Lavergne, Célestin Bouglé), des syndicalistes (Léon Jouhaux) et des hommes politiques (Henri Sellier, Raoul Brandon, Maurice Thorez), etc. Outre la cérémonie devant la tombe, puis la statue de Fourier, Lansac prévoit des excursions, à Guise et à Condé, la visite de cités-jardins et de sociétés coopératives, des conférences sur Fourier et l’École sociétaire, l’édition des manuscrits de Fourier et la réédition de ses œuvres publiées, des banquets et des fêtes ainsi qu’un « stand à l’Exposition de 1937 » [30]. Cependant les comptes rendus des manifestations qui se sont apparemment tenues en septembre 1937, afin de profiter de la tenue du congrès de l’Alliance coopérative internationale à ce moment-là, s’ils signalent effectivement un rassemblement devant la statue de Fourier et un voyage à Guise, ne mentionnent pas le nom de Lansac (c’est Jean Gaumont qui semble avoir eu le principal rôle lors des cérémonies) [31].

Au-delà de 1937, ses activités militantes sont inconnues – s’il en a eues. Il quitte le barreau en février 1945 et décède en 1954 [32].