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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Français, (François-) Louis
Article mis en ligne le 10 octobre 2011
dernière modification le 14 octobre 2011

par Desmars, Bernard

Né le 17 novembre 1814, à Plombières-les-Bains (Vosges), décédé le 28 mai 1897 à Paris (Seine). Peintre, graveur et illustrateur. Sympathisant fouriériste sous la monarchie de Juillet. Membre du premier comité de la statue de Fourier, en 1896-1897

Louis Français est le fils d’une couturière et d’un marchand fripier (d’après l’acte de naissance) ou colporteur en mercerie et en étoffes parcourant les foires et marchés [1]. Il suit l’école primaire et, très jeune, commence à dessiner, guidé par un cousin de sa mère, horloger à Plombières. Il aurait souhaité poursuivre ses études ; mais sous la pression paternelle, il entre en apprentissage pour devenir serrurier [2].

Autoportrait de Louis Français (1844). Collections du musée Louis-Français, Plombières-les-Bains

La formation d’un artiste

Mais en 1829, grâce à l’appui d’un parent, il quitte Plombières pour Paris et occupe un emploi de commis chez le libraire Paulin. Ce serait dans cette librairie, fréquentée par des journalistes, des artistes, des littérateurs, que se serait effectuée son éducation politique : d’après un texte tardif, dû à l’un de ses élèves, il serait alors devenu « républicain, comme tout le monde à la librairie » ; et même, « un peu phalanstérien », allant par ailleurs « souvent porter des livres » chez Fourier, « dont la gravité douce l’avait vivement frappée » [3].

Tout en travaillant à la librairie, il cultive son goût pour le dessin, puis se fait embaucher dans un atelier de peinture sur verre à Choisy-le-Roi. En 1834, il entre dans l’atelier de Jean Gigoux, l’auteur du portrait de Fourier ; il peut d’ailleurs assister à l’élaboration de ce portrait, selon les souvenirs de Gigoux : « j’avais, en 1836, un atelier d’élèves. J’étais entouré de braves jeunes gens, pleins d’enthousiasme [...]. Au premier rang se distinguaient Français et Baron. Ils étaient les plus avancés [...]. Un beau matin, alors que je m’occupais du portrait de Fourier, je pris mes deux amis et nous voilà partis pour le bois de Vincennes. Vous savez que mon personnage, en pied, est assis sur un tertre. [...] Je voulus faire d’après nature une étude de terrain. [...] Cette journée passa comme un rêve. [...] Nous ne rentrâmes à Paris qu’à une heure avancée de la soirée. Nous étions gais comme des fous. Chacun de nous serrait sous son bras ses ébauches dessinées ou peintes » [4].

Dans l’atelier de Gigoux, Français améliore ses techniques de dessin et apprend celles de la lithographie et de la gravure sur bois. Avec d’autres élèves, et en particulier Baron, il collabore à l’illustration de plusieurs ouvrages, comme Gil Blas et Paul et Virginie. Dans les années 1840, il est l’un des illustrateurs les plus connus et les plus appréciés des éditeurs parisiens ; il travaille souvent en association avec ses amis Baron et Nanteuil, les trois dessinateurs signant leurs œuvres collectivement du monogramme FNB [5].

Son existence et sa notoriété reposent d’abord sur l’illustration des livres et des périodiques ; mais parallèlement, il peint et devient l’un des représentants de l’école paysagiste française. Ami et élève de Corot à partir de 1836, il présente sa première œuvre au Salon de 1837 (Chanson sous les saules, peinte avec Baron). Il est l’un des premiers peintres de « l’école de Barbizon » à fréquenter ce lieu de la forêt de Fontainebleau ; du milieu des années 1830 au milieu des années 1840, il y séjourne régulièrement l’été. Il fait partie des convives de l’auberge Ganne, qu’il contribue à décorer avec ses amis. La Complainte de Barbizon (1846) lui consacre un couplet [6] :

C’est l’auberge du pèr’ Ganne.
On y voit de beaux panneaux
Peints par des peintres pas no-
Vices et qui n’sont pas ânes.
Les peintres de Barbizon
Peignent comme des bisons.

Français à la barbe raide
A peint du vert et du bleu
Entre la glace et le feu,
Aussi c’est une peintre tiède.
Il jabotte [sic] à Barbizon
De Fourier, comme un bison.

Cependant, l’on n’a guère d’informations sur son engagement au service de la cause phalanstérienne sous la monarchie de Juillet ; on connaît ses relations amicales avec plusieurs disciples de Fourier, comme Papety et Nanteuil [7] ; et d’après son élève Aimé Gros, il aurait tenté de « fonder avec d’autres camarades une sorte de phalanstère artistique qui [...] n’eut qu’une durée éphémère » [8] ; il défend ses idées phalanstériennes lors de discussions avec ses amis artistes [9]. Toutefois, il n’est pas mentionné parmi les convives aux banquets annuels du 7 avril (mais beaucoup des participants restent anonymes), ni parmi les actionnaires des essais sociétaires.

Les périodiques fouriéristes suivent cependant son activité artistique avec attention ; à l’occasion du salon de 1846, Désiré Laverdant l’invite à ne pas oublier « qu’il a mission de révéler au monde civilisé les harmonies terrestres de l’avenir. Il faut qu’un jour, la foule émue, passionnée, attendrie, s’arrête devant ses toiles en s’écriant : ‘’la voilà, la terre promise ! Salut, champs du paradis ! Salut domaine royal de l’homme au sein du royaume de Dieu !’’ » [10].

Un notable du monde artistique

Grâce à sa réputation croissante et aux revenus qu’il tire de son activité d’illustrateur et de peintre, Français effectue un long séjour en Italie, de 1846 à 1849. Dans les années et les décennies qui suivent, il expose régulièrement dans les salons officiels, reçoit de nombreux prix, en France et à l’étranger, et est fréquemment sollicité pour faire partie de jurys. Il est invité dans les palais du Second Empire, à la table ou au salon de Napoléon III, de la princesse Mathilde, du prince Napoléon, du duc de Morny, etc. Il bénéficie également de commandes impériales. Il sert d’intermédiaire entre le comte de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts sous le Second Empire, et le peintre républicain Gustave Courbet, dont il est l’ami. Chevalier de la légion d’honneur en 1853, il reçoit la croix d’officier en 1867 ; il est décoré de l’ordre de Léopold, en Belgique, en 1859.

La chute de l’Empire et l’avènement de la République ne modifient pas le statut artistique et la position sociale de Français, qui continue à bénéficier de commandes publiques, à exposer dans les salons, à siéger dans les jurys et à être honoré par le pouvoir. Il préside le comité pour l’érection d’un monument en hommage à son ami Corot à Ville d’Avray (inauguré en 1880), puis celui du monument de Claude Gelée (ou Claude le Lorrain) à Nancy (inauguré en 1892). Il fréquente le directeur du Louvre (Georges Lafenestre), l’inspecteur général des Beaux-Arts (Louis Pretet). En 1890, il est élu à l’Académie des Beaux-arts. Une Association des artistes lorrains en fait son président d’honneur [11].

Cet homme aux origines très modestes, et qui, jusque dans les années 1840, a vécu dans des conditions matérielles difficiles, peut faire bâtir en 1875 une maison à Paris sur le boulevard Montparnasse (6e arrondissement), et une autre à Plombières-les-Bains en 1880. Il effectue en effet régulièrement des séjours dans sa ville natale.

Alors qu’avec sa génération, il avait lutté dans les années 1830-1840 contre le classicisme et combattu pour imposer la peinture paysagère, il se montre lui-même peu favorable aux nouveaux courants artistiques et picturaux, et en particulier, dans les années 1880, à l’impressionnisme. Il n’apprécie pas plus « l’inutile et monstrueuse tour Eiffel », ainsi qualifiée par la « protestation des artistes » dont il est l’un des signataires, aux côtés de Guy de Maupassant, Gounod, Jean Gigoux, Charles Garnier, etc [12].

Autoportrait de Louis Français (1878). Collections du musée Louis Français, Plombières-les-Bains

Une fidélité maintenue au fouriérisme ?

« Toute sa vie, il conserva une secrète affection pour les théories de Fourrier [sic] », écrit son élève Aimé Gros qui a travaillé dans son atelier à partir de 1879 et a beaucoup conversé avec lui [13]. Cet attachement aux idées phalanstériennes ne s’est cependant guère exprimé publiquement dans la seconde moitié du siècle : on ne le voit pas participer aux efforts de François Barrier en faveur de la réorganisation du mouvement phalanstérien dans les années 1860, et il ne semble pas assister aux manifestations fouriéristes qui se prolongent dans les années 1870 et 1880.

Cependant, au milieu des années 1890, l’Ecole sociétaire (ou plus exactement le courant dirigé par Alhaiza) projette l’érection d’une statue de Fourier. Un comité est constitué en 1896, au sein duquel figure Louis Français [14]. Mais ce dernier ne pourra pas assister à l’inauguration, en 1899. Il meurt en effet en mai 1897. L’organe fouriériste La Rénovation, en signalant son décès, le présente comme « un phalanstérien de vieille date et d’une chaleur de conviction dont son acceptation de faire partie de notre comité [constituait] déjà une suffisante preuve » [15]. Dans les années suivantes, à l’occasion d’une exposition de ses œuvres (en 1898), puis de l’érection d’un monument à Plombières (1901), La Rénovation revient sur Français en le décrivant comme « un phalanstérien convaincu » [16].

Son nom est cependant absent des différentes listes de souscription aux entreprises phalanstériennes qui sollicitent le soutien financière des disciples de Fourier dans les années 1870 et 1880 (Librairie des sciences sociales, Maison rurale de Ry, Union du Sig, etc.)