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Baune, (Etienne dit) Aimé
Article mis en ligne le 8 février 2008
dernière modification le 11 juillet 2021

par Latta, Claude

Né à Montbrison (Loire) le 5 juillet 1798, mort aux Etats-Unis (?) après 1851. Fils de Grégoire Baune et de Marie Rochat. Marié, père de trois filles. Instituteur, bibliothécaire, journaliste, il participe à la communauté fouriériste de Citeaux (Côte-d’Or) et il est, pendant la Seconde République, un ardent militant des clubs. Acquitté lors de deux procès : sous la monarchie de Juillet par la cour d’assises de la Loire (1837) et sous la Seconde République par la Haute Cour de Versailles (1849) devant lesquelles ses activités politiques l’ont envoyé. Arrêté le 13 décembre 1851, il doit s’exiler aux Etats-Unis où, sans doute, il meurt.

Issu d’une famille de colporteurs venus de Haute-Loire, Aimé Baune est le fils de Grégoire Baune, un républicain devenu sous l’Empire chef de service des Contributions de la Loire, dont le chef-lieu se trouve alors à Montbrison. Révoqué par la Restauration en 1815, Grégoire s’établit comme instituteur, devenant un pédagogue réputé, puis, après un duel qui l’oblige à quitter Montbrison, devient secrétaire de mairie à Montaud, près de Saint-Etienne. Le frère cadet d’Aimé Baune, Eugène, professeur à l’Ecole de commerce de Lyon, est l’un des dirigeants de la Société des Droits de l’Homme à Lyon en 1834, condamné à la Déportation en 1835, co-rédacteur en chef de La Réforme, commissaire du gouvernement provisoire dans la Loire (1848), représentant du peuple (1848 et 1849).
Aimé Baune fait de brillantes études au collège impérial de Montbrison, remportant de nombreux prix (les palmarès de 1808 et 1809 ont été conservés). Il devient ensuite instituteur, et obtient en 1828 le brevet de capacité exigé pour l’enseignement primaire élémentaire. Nommé en Saône-et-Loire, il se passionne pour les questions pédagogiques. Républicain actif, il est pressenti pour prendre la direction du L’Indépendant qui doit paraître à Mâcon en 1833 et se trouve alors en relation avec André Marchais qui coordonne les activités de la presse républicaine et dirige la Revue républicaine. Mais le projet n’aboutit pas. En 1834, Aimé Baune est bibliothécaire à Châlon-sur-Saône où il publie une notice sur la bibliothèque publique de la ville. En 1835, il fait l’objet de poursuites à Dijon sous l’inculpation d’« association illicite » mais il est acquitté. Ses opinions républicaines lui valent d’être « rayé du tableau de l’Université par jugement du conseil national » en 1836.
De 1835 à 1838, Aimé Baune revient à Saint-Etienne (Loire) où il est instituteur et journaliste. En 1835, il fonde les Annales de l’Education, une éphémère revue pédagogique dans laquelle il publie un long article dans lequel il expose ses conceptions de l’éducation (dénonciation de la mise en nourrice, nécessaire précocité de l’instruction, contact avec la nature, importance de l’éducation physique, douceur de la discipline). En novembre 1836, Aimé Baune fonde à Saint-Etienne un hebdomadaire, L’Observateur de la Loire. Dans le numéro du 21 mai 1837, il dénonce les hypocrisies de la loi d’amnistie, ouvre une souscription pour secourir les prisonniers libérés sans ressources et s’en prend vivement au comte Molé, président du conseil.

Aimé Baune, "De l’amnistie"
Dans L’Observateur de la Loire, 21 mai 1837.

Aimé Baune est aussitôt assigné devant la Cour d’Assises de la Loire, sur citation directe et sans instruction préalable. Absent, parce que la convocation ne lui est pas parvenue, il est condamné par défaut à un an de prison et 1000 francs d’amende (3 juin 1837). Mais son avocat, Maître Portier, fait opposition et peut faire reconnaître la nullité de la procédure. Il est jugé à nouveau le 14 août 1837 et acquitté par le jury populaire.
Aimé Baune s’installe ensuite à Dijon où il est à nouveau instituteur de 1838 à 1842. En 1842, il vient à Cîteaux (Côte-d’Or) et prend part à l’expérience de la colonie fouriériste organisée en 1841 par Arthur Young et Zoé Gatti de Gamond, dans l’ancienne abbaye de saint Bernard. Aimé Baune appartient à la mouvance fouriériste sans être vraiment un adhérent de la doctrine. Il est accompagné de son épouse et de leurs deux filles, Héloïse, âgée de 11 ans et Henriette, âgée de 9 ans (la 3e naît en 1843). Cette colonie agricole applique le principe du minimum social garanti et expérimente quelques nouveautés agronomiques, en particulier dans la culture des arbres fruitiers. Aimé Baune, pour obtenir un emploi d’instituteur, fournit au maire de Saint-Nicolas-de-Cîteaux deux certificats de moralité délivrés par les conseils municipaux de Saint-Etienne (1839) et de Dijon (1842). Le préfet de la Côte-d’Or, Nau de Champlouis, écrit cependant dans un rapport qu’il est « connu pour l’exaltation de ses opinions ». Dans la colonie de Citeaux, Aimé Baune est instituteur. Il fait partie de l’équipe éducative, avec Auguste Nefftzer, « précepteur » - le futur directeur du Temps -, Mutin, professeur d’écriture et un professeur de musique dont on ignore le nom ; il est secrétaire du Conseil d’Education établi au printemps 1842 à Cîteaux. Une caricature d’Auguste Nefftzer - caricature aujourd’hui disparue mais décrite par son biographe René Martin - en témoigne : « Voici même le Conseil de Cîteaux dessiné par M. Auguste Nefftzer. Au mur, le portrait de Mme Gatti. A ses pieds, un jeune élève pleure et se cache le visage. A gauche, le secrétaire, Baune, assis à sa table, la plume d’oie sur l’oreille, et prêt à enregistrer la sentence [...] ». Son enseignement s’adresse à la fois aux enfants et aux adultes. Chaque sociétaire est assuré, dès son acte d’adhésion, de recevoir, outre un minimum d’instruction, « une éducation morale et physique ». Cîteaux dispose d’une salle de théâtre et cette activité joue un grand rôle dans l’éducation et la vie de la communauté. La colonie rencontre vite des difficultés financières. Elle tente en vain de redresser la situation et disparaît en 1846. La plupart des sociétaires quittent Cîteaux dès l’automne 1843.
Aimé Baune s’installe ensuite à Paris. On le retrouve en 1848 : il participe activement au mouvement républicain. Délégué démocrate socialiste du 11e arrondissement de Paris, il est membre de la « Commission exécutive des vingt-cinq », qui prépare les élections du 13 mai 1849. Il est aussi président du club révolutionnaire dit du « salon Ragache » qui se réunit deux fois par semaine. Il est poursuivi devant la Haute Cour de Versailles pour sa participation à l’affaire du 13 juin 1849 - journée de protestation contre l’expédition romaine - en tant que membre du « conseil des vingt-cinq ». Son frère Eugène Baune est son avocat et obtient pour lui l’acquittement. Arrêté le 13 décembre 1851 - et non dans la nuit du coup d’Etat du 2 décembre 1851 comme l’écrit Louis Blanc -, il est accusé d’avoir participé à la résistance au coup d’Etat, emprisonné à Mazas où se trouve déjà son frère Eugène (arrêté dans la nuit du 1er au 2 décembre). La femme d’Aimé Baune, malade depuis huit mois, est morte le 4 décembre 1851 à Paris. Sa fille aînée, Héloïse, âgée de 20 ans, multiplie les démarches auprès des autorités en faisant valoir que, au moment du coup d’Etat, son père assistait sa femme à ses derniers instants et que, chargé de famille, il n’a pu participer à la résistance au coup d’Etat. Il est libéré après quelques semaines et se voit accorder vingt-quatre heures pour quitter la France. Il gagne d’abord Londres avec ses filles et séjourne quelque temps dans cette ville. D’après Jean-Baptiste Boichot, ancien député démocrate socialiste du Rhône, il serait mort aux Etats-Unis où il est parti s’installer avec sa famille. Son acte de naissance ne porte pas de mention marginale de décès. Ni lui, ni ses filles ne font de demande de pension, ainsi qu’ils en ont le droit, après le vote de la loi de réhabilitation (1881) comme victimes du coup d’état du 2 décembre.