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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Colignon, Achille (Hippolyte)
Article mis en ligne le 12 janvier 2019

par Desmars, Bernard

Né le 22 août 1813 à Lixhe (alors dans les Pays-Bas, aujourd’hui en Belgique), décédé le 29 juin 1891 à Schaerbeek (Belgique). Officier, professeur à l’École militaire. Bourgmestre de Schaerbeek de 1879 à 1891. Membre du groupe phalanstérien de Bruxelles, ami de Victor Considerant.

Né dans la commune de Lixhe (aujourd’hui section de la commune de Visé) près de Liège, Achille Colignon passe une grande partie de sa jeunesse à Maastricht, avec son frère Eugène [1] ; son père y est receveur des douanes [2]. Peut-être a-t-il fréquenté, ainsi qu’Eugène, les carbonari vers 1830 [3].

© Archives communales de Schaerbeek

Militaire et fouriériste

Sa carrière professionnelle se déroule au sein de l’armée belge. Il commence comme simple soldat, devient sous-lieutenant d’artillerie en 1834, lieutenant en 1838. En 1840, il est nommé répétiteur d’artillerie à l’École militaire, où il exerce bientôt les fonctions de professeur [4]. Il accède au grade de capitaine en 1845 [5].
Dans les années 1840, il fait partie du groupe phalanstérien qui s’est constitué à Bruxelles et qui reçoit en 1845 Victor Considerant ; il noue une relation amicale avec le chef du mouvement fouriériste [6]. Il se réunit avec ses condisciples bruxellois pour discuter des problèmes sociaux et de la théorie sociétaire. Ces conversations finissent par susciter des projets concrets, au bénéfice de l’enfance. Six fouriéristes, dont Colignon, lancent une souscription largement ouverte au-delà des rangs phalanstériens ; en décembre 1846, une société est créée pour la formation de la « crèche-école gardienne de Saint-Josse-ten-Noode », avec 55 signataires, dont, outre Colignon et ses amis fouriéristes, le bourgmestre libéral de la commune, un grand rabbin et deux pasteurs. L’établissement est inauguré en décembre 1847 [7]. Vers la même époque, c’est Achille Colignon qui, avec son frère Eugène, également fouriériste, s’occupe du dépôt bruxellois des livres sociétaires [8].

Modération et prudence

Colignon fait partie des « fouriéristes modérés » de Bruxelles – selon l’expression de John Bartier – qui, hostiles à l’engagement politique des fouriéristes français, décident d’interrompre les activités du groupe phalanstérien aux lendemains de la révolution de février 1848 [9]. Certes, il ne rompt pas avec l’École sociétaire ; en novembre 1849, avec Eugène, il continue à gérer les affaires fouriéristes belges : les deux frères disposent de nombreux almanachs phalanstériens, distribuent le Bulletin phalanstérien et perçoivent la rente phalanstérienne dont ils envoient le produit au Centre sociétaire parisien [10]. Achille reste aussi en relation étroite avec Victor Considerant et François Cantagrel, quand ceux-ci se réfugient en Belgique en 1849 pour échapper à la police française. Les trois hommes se retrouvent régulièrement au café des Trois Suisses à Bruxelles, établissement fréquenté par les réfugiés français et italiens [11].

Cependant, cette adhésion de Colignon aux idées socialistes et sa fréquentation des réfugiés politiques inquiètent les autorités belges. Travaillant alors dans l’entourage du général Chazal, ministre de la Guerre, il doit bientôt s’en expliquer auprès de lui. Il indique que :

comme soldat, il était homme de devoir et qu’il appartenait tout à son pays dont il n’avait pas à critiquer la politique ; mais qu’il croyait comme homme pouvoir s’occuper théoriquement des idées qu’il jugeait bonnes [et] qu’il ne pouvait rompre avec Considerant et trahir ainsi une amitié à laquelle il tenait beaucoup.

Chazal se serait satisfait de cette explication [12].

Les relations avec Victor Considerant

Cependant, la pusillanimité d’Achille Colignon et de son frère Eugène exaspère François Cantagrel, qui, dans une lettre adressée en janvier 1851 à Victor Considerant, les décrit ainsi :

ces deux petits jeunes vieillards qu’on appelle Colignon ont fait bien du mal ici. À force d’avoir peur et froid, ils ont fait peur et froid à tout le monde et cependant ils se plaignent que l’atmosphère est glacée autour d’eux ; ils prennent l’effet pour la cause et la froideur qu’ils communiquent pour une froideur qui leur est communiquée. À force de crier contre les démagogues et de dire que l’École aurait dû s’abstenir de politique, à force de crier contre les Français, ce peuple inconstant ! et de dire que les Belges feront bien mieux que nous quand ils s’occuperont de socialisme et d’ajouter que si les Anglais commençaient, ils rencontreraient un succès partout où nous n’avons que des échecs. Ils sont tellement hors de tout que […], tout le monde les considère comme nageant en pleine réaction. C’est une erreur : ils seront des plus ardents, du jour où le vent commencera à enfler nos voiles. Mais que voulez-vous ! Ils ont la manie de critiquer et de disputailler, et puis l’âme est vraiment malade et ils se font du mauvais sang au physique comme au moral. Bref, depuis six mois ils nous tiennent le bec dans l’eau, négligeant la Rente, voulant s’en débarrasser mais hésitant toujours parce que enfin si cette fonction de collecteur est sans profit, elle n’est pas sans honneur [13].

Les frères Colignon sont par ailleurs réservés envers les propositions que Considerant développe dans sa brochure La Solution ou le gouvernement direct du peuple, publiée en décembre 1850, ainsi qu’envers le système de démocratie directe présenté par Rittinghausen dans La Démocratie pacifique [14] : « Nous ne sommes pas encore convertis à la doctrine de la législation directe, que nous ne croyons ni praticable, ni même désirable », écrit Eugène Colignon en son propre nom et en celui de son frère [15].

Considerant, quant à lui, semble conserver son estime pour Achille Colignon. En juillet 1870, soit une dizaine de mois après son retour des États-Unis, il effectue un bref voyage à Bruxelles où il retrouve ses amis, dont Colignon [16]. Celui-ci prend sa retraite en 1874 avec le grade de général. Il s’installe à Schaerbeek, en banlieue de Bruxelles. Il entre au conseil municipal en 1877, puis devient bourgmestre en 1879, fonction qu’il occupe jusqu’à son décès. Dans ses dernières armées, il continue à entretenir ses amis des idées fouriéristes « qu’il lui arrivait de vouloir appliquer lorsque l’occasion très rare s’en présentait » [17].

Buste d’Achille Colignon
(Archives communales de Schaerbeek)

Schaerbeek connaissant dans les années 1880 une augmentation de sa population, son mandat se caractérise par des opérations d’urbanisme, la construction d’écoles et l’édification d’un hôtel de ville, sur une place qui prend son nom quelques années plus tard. Les archives de Victor Considerant conservent une nécrologie d’Achille Colignon parue dans L’Indépendance belge [18].

Le patronyme de l’ancien fouriériste est aujourd’hui très employé à Schaerbeek. Une page Facebook au nom d’Achille Colignon a été créée par les services municipaux afin de répondre aux questions des habitants de la commune.