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Dubourg (ou Du Bourg ou Du Bourg de Butler ou Dubourg-Butler, Frederick-Robert ), Joseph-Patrice Fouchard dit
Article mis en ligne le 12 décembre 2015
dernière modification le 12 février 2024

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à La Rochelle (Charente-Maritime) le 6 février 1780 ; décédé à Paris (Seine) le 17 février 1851. Maréchal de camp à son décès. Héros de la Révolution de juillet 1830. Auteur de projets de colonisation de l’Algérie et de « ménage sociétaire ».

Une « vie singulièrement romanesque » [1]

Patrice-Jean-Pascal Fouchard est dit « bourgeois de la Rochelle » lors du baptême de son fils Joseph-Patrice en 1780. Si les témoins sont illettrés, le père sait signer avec aisance. Il est issu d’une famille de marchands du Mans. Il a épousé Marie-Madeleine Dionneau originaire de Tuffé également dans la Sarthe, le 3 février 1777 à La Rochelle, paroisse Saint-Sauveur. Durant près de 40 ans, le couple vit pauvrement à Rennes, sans aucun secours de leur fils selon un écrit du maire de Rennes en date du 14 novembre 1825 [2]. Patrice-Jean-Pascal y exerce les fonctions de maître d’écriture et y décède le 30 décembre 1820. Son père était appelé Fouchard-Dubourg d’après cet acte. Quant à Marie-Madeline Dionneau, elle décède le 15 novembre 1822.
Leur fils Joseph-Patrice se destine très tôt à la marine. Il embarque à l’âge de onze ans sur sur un bâtiment de commerce, Le Sensible [3]. A 15 ans, il devient aspirant sur une canonnière ; à 17 ans, il est officier sur un navire corsaire. Il aurait combattu un temps en Vendée dans les armées royalistes avant de se mettre au service de Bernadotte alors à la tête des Armées de l’Ouest en 1800. Enfin, le 11 germinal an XI (1er avril 1803) il est nommé enseigne de vaisseau à Toulon sur Le Vulcain. Une rixe – il donne un coup de sabre mortel à un officier d’artillerie – est étouffée. Il est transféré à Brest ; là, une nouvelle rixe concernant de l’argent donné en échange de marchandises à débarquer furtivement conduit à de nouvelles sanctions. Le 7 germinal an XIII (28 mars 1805), le Préfet maritime le fait dégrader. Il est finalement rétabli à ses rang et grade le 22 messidor an XIII (11 juillet 1805). Le 8 juillet 1808, il est promu lieutenant de vaisseau et le 23 août 1808, il est nommé lieutenant à bord du Charlemagne, vaisseau de l’escadre de l’Escaut [4]. Dans le courant de l’année 1808, il devient adjudant de l’escadre de l’Escaut. Néanmoins, le 3 octobre 1810, il est à nouveau dégradé pour avoir introduit des denrées coloniales d’une valeur de 7 à 8 000 francs sur l’Eugénie et pour avoir refusé de les restituer ou de les rembourser. Il suivrait alors Bernadotte en Suède. En 1812, il tente de se faire reconnaître comme capitaine d’un vaisseau corsaire à Copenhague mais sans succès ; néanmoins, Napoléon rappelle les officiers qui avaient suivi Bernadotte ; en mai 1812, Berthier, prince de Wagram annonce que le chef d’état-major Dubourg est attaché à l’état-major de la 1ère division de cuirassiers et doit se rendre à la suite de l’état-major de la Grande Armée. De juillet à novembre 1812, il est affecté au service du général Claparède qui rend « justice au zèle, à l’intelligence, au dévouement de son subordonné » [5] ; il commande une escorte composée essentiellement de Polonais, chargée d’escorter le trésor de l’armée. « Le 15 novembre 1812, cette escorte est attaquée par l’ennemi, près de Wilna ; dans des conditions assez confuses, son chef tombe entre les mains des Russes » [6]. Il est prisonnier de guerre à Saint-Pétersbourg et se pare du titre de colonel que Claparède lui aurait donné, et de celui de comte du Bourg. Il arbore la croix de la Légion d’honneur. Il est autorisé à rentrer en France à la chute de Napoléon ; le passeport qui lui est attribué ainsi qu’au lieutenant de La Tour d’Auvergne, valide ces qualités. Avec la Première Restauration, il complète ses états de service, « mêlant habilement à d’énormes mensonges quelques exactitudes » [7]. Il se fait appeler comte Frederick-Robert du Bourg de Butler et il est employé à l’état-major au ministère de la Guerre. Il est promu adjudant-commandant, nomination du 1er juillet 1812 [8]. Durant les Cent-Jours, à Gand, il s’avère un ardent royaliste, séduit même Chateaubriand qui en fait mention dans ses Mémoires d’outre-tombe [9]. Il aurait contribué au Journal politique de Gand. Il reçoit le commandement de l’Artois et pacifierait le département du Pas-de-Calais. Mais Dubourg est cependant mis en demi-solde ; la relation de ses faits d’armes ne fait pas effet ; son écrit De la nécessité de n’employer dans l’épuration de l’armée que des mesures légales non plus. Deux enquêtes sont diligentées, l’une par le ministre de la Marine, l’autre par le ministre de la Guerre. Dubourg-Fouchard s’invente une nouvelle filiation attestée par sept témoins dont cinq officiers supérieurs [10]. Il se fait natif du Cap Français (île de Saint-Domingue) né le 7 février 1780 du mariage de Jean-Patrice-Robert, comte du Bourg, et de Marie-Magdeleine de Butler de Dionneau. Il menace même de se brûler la cervelle en novembre 1816 pour faire accepter ses dires. Mais l’enquêteur conclut que « les griefs contre Dubourg se résum[ent] à trois : Supposition d’état. Usurpation de grade et de titre. Subornation de témoins » [11]. Pourtant, le 11 novembre 1818, Hugues-Frédéric-Robert du Bourg, colonel d’état-major en non-activité est nommé officiellement commandant de la légion de la Loire. Mais très rapidement des doutes sont émis sur ses compétences et surtout sur la croix d’officier de la Légion d’honneur qu’il arbore. Un rapport du chirurgien major de la Légion de la Loire en date du 2 octobre 1819 démontre néanmoins que Dubourg a de nombreux combats à son actif :

[Il] a été atteint de plusieurs blessures très graves dont il résulte les accidents suivants : Primo, plusieurs coups de sabre sur la tête qui ont laissés des cicatrices profondes. 2° une grande cicatrice au bas du ventre à un pouce au dessous de l’ombilic ; la blessure qui a occasionné cette cicatrice ayant divisé la ligne blanche, il résulte une tumeur herniaire qui oblige Mr le colonel à porter continuellement une ceinture élastique ; malgré cette précaution, il se trouve très gêné lorsqu’il est obligé d’élever la voix dans les commandements. 3° une profonde cicatrice par suite d’une coup de lame au côté gauche, entre la 3e et la 4e fausse côte, cette cicatrice étant adhérente gène les différents mouvements du corps. 4° une longue cicatrice sur la partie moyenne externe de l’avant bras gauche est adhérente et gêne les mouvements de rotation de l’avant-bras. 5° un coup de sabre qui a amputé la première phalange du pouce de la main gauche [12].

Cependant Dubourg est mis à la réforme en 1820 après une nouvelle enquête qui fait la lumière sur l’usurpateur. Dubourg n’insiste pas. Il se fait alors publiciste. En 1827, il montre son intérêt pour l’économie en publiant un Mémoire sur les moyens de fonder la prospérité des fabriques françaises, en leur assurant des débouchés au dehors. Dans ses Questions de politique européenne, et sommaires de plans de campagne contre les Turcs, qui compte une seconde édition en 1828, il s’invente une relation avec le prince Ypsilantis chef de guerre et héros national grec qui lui aurait demandé de prendre la tête du mouvement d’indépendance grecque en 1821.
Fouchard-Dubourg mène une vie sans éclat quand survient la Révolution de 1830 ce qui lui offre la possibilité de transmette son nom à la postérité.

Un héros embarrassant de la Révolution de juillet

Il s’illustre effectivement lors des journées de juillet 1830 à la tête d’une troupe hétéroclite qui prend l’Hôtel de ville de Paris [13]. Dès le 29 juillet, sous l’égide du Constitutionnel, il se proclame général de la Garde nationale élu par « universelle acclamation » [14]. Son rôle est généralement dépeint de manière cocasse :

Une scène bizarre se passait en même temps au milieu de Paris. De dix à onze heures, un homme d’une taille moyenne, d’une figure énergique, traversait, en uniforme de général, et suivi par un grand nombre d’hommes armés, le marché des Innocents. C’était de M. Évariste Dumoulin, rédacteur du Constitutionnel, que cet homme avait reçu son uniforme, pris chez un fripier, et les épaulettes qu’il portait lui avaient été données par l’acteur Perlet : elles venaient du magasin de l’Opéra-Comique. Quel est ce général, demandait-on de toutes parts ? Et quand ceux qui l’entouraient avaient répondu : « C’est le général Dubourg » Vive le général Dubourg ! criait le peuple, devant qui ce nom n’avait jamais retenti. Mais tous alors avaient un immense besoin d’être commandés. Le cortège se rendit à l’Hôtel de ville. Le général s’y installa. Quelques instants après, le drapeau tricolore avait cessé de flotter sur l’Hôtel. Un homme entra dans le cabinet où se trouvait M. Dubourg, et où plusieurs jeunes gens, rangés autour d’une table, étaient occupés à écrire. « Général, voici le tapissier. De quelle couleur le drapeau ? « Il nous faut un drapeau noir, et la France gardera cette couleur jusqu’à ce qu’elle ait reconquis ses libertés » [15].

Dubourg fait néanmoins preuve d’efficacité et aurait été également en première ligne lors de la prise du Louvre. Il démontre aussi « une présence d’esprit, une dignité, un aplomb, tout à fait à la hauteur du rôle qu’une intrigue conçue, à bonne intention, le portait à jouer, du consentement du peuple » [16]. Finalement, le 30 juillet il cède sa place à l’Hôtel de ville à La Fayette sans pour autant se retirer. Le 31 juillet, il apostrophe le duc d’Orléans, venu se faire acclamer et l’incite avec virulence à respecter ses engagements. L’événement fait grand bruit et sert à la légende - cette fois républicaine - de Dubourg. Mais début août, Dubourg tente de faire amende honorable en adressant excuses et soumission au duc d’Orléans, tout un réclamant « un emploi civil ou militaire qui ne soit pas au-dessous de [sa] réputation » [17]. Le général Lafayette lui apporte son soutien et confirme son grade par une proclamation :

Garde nationale de Paris. Hôtel de Ville, le 8 août 1830.
Le général commandant en chef doit à M. le général Dubourg, la justice de dire que dans le moment du danger il a répondu avec dévouement à l’appel d’un nombre de bons patriotes ; qu’il a donné dans ces mémorables journées des ordres conformes au courageux élan du peuple et au maintien de l’ordre public, et que le général en chef l’a trouvé à l’Hôtel de Ville, où M. le général Dubourg lui a exprimé le plaisir qu’il avait eu de l’y voir porté par la confiance de ses concitoyens [18].

Dubourg est remis en activité, rétroactivement en date du 27 juillet, au grade de colonel d’infanterie. Le 2 octobre, il est nommé maréchal de camp, c’est-à-dire général [19] mais est placé en disponibilité [20] et dès le 22 mars 1831, il ne perçoit plus que le traitement de réforme. Il reste un personnage encombrant d’autant que cette nomination qu’il accepte ne fait que renouveler un titre qu’il porte depuis 1812 et ne peut le satisfaire. « Je m’attendais à être pair avec une donation […]. Je crois mériter une récompense nationale » [21] ; il réclame même d’être nommé « commandant de la Légion d’honneur » [22].
Il doit également subir les poursuites judiciaires d’un chef d’escadron, M. Ravault de Kerboux, qu’il a qualifié d’ « espion de police » lors des journées de Juillet. C’est l’occasion de faire ressurgir publiquement son passé trouble [23]. Lors d’une audience, il est présenté comme « un homme […] de petite taille, mais fortement constitué ; sa figure annonce la franchise et l’aménité ; ses blessures le forcent à s’appuyer sur une canne ». Il s’exprime « avec facilité, souvent même avec élégance » [24]. Baude, alors sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, avec qui il a partagé temporairement le pouvoir à l’Hôtel de ville lors de la journée du 29 juillet, décrit Dubourg comme un homme qui « ne lui a jamais paru ni violent, ni emporté ». Le colonel Cauchais indique qu’« il l’a connu […] à l’armée, où il n’était ni dur ni insolent envers ses inférieurs ». D’autres louent son attitude lors des événements, mais aucun ne peut le disculper des faits reprochés. Le tribunal le condamne à 50 francs d’amende et surtout à un affichage du jugement. Néanmoins, la cour ordonne la suppression du mémoire présenté par le défenseur de Ravault de Kerboux : « ce mémoire contient plusieurs faits inexacts ou faux, lesquels sont injurieux ou diffamatoires pour le maréchal de camp Dubourg » [25]. Dubourg n’en reste pas là. En 1833, il réclame une indemnité de 42 000 francs pour ses dépenses lors des Trois Glorieuses [26]. Une pension annuelle de 2 000 francs lui est finalement allouée. Il se consacre à l’écriture et soumet en 1836 un plan de colonisation du royaume d’Alger, indiquant les moyens de rendre la possession de cette belle conquête avantageuse à la France. Lors de son procès de 1830, il indiquait avoir été consulté par « un ministère plus libéral […] sur les affaires de la Grèce et sur la question d’Alger » [27]. Il propose une colonisation du territoire de Constantine par une compagnie privée.

Un des premiers lecteurs de Fourier

Le général Dubourg prend contact avec l’École sociétaire et plus particulièrement Victor Considerant cette même année, en septembre 1836. Il explique alors que

jusqu’à ce jour je n’avais rien lu que le premier ouvrage de M. Fourier qui, je vous l’avoue avec sincérité m’avait paru singulièrement romanesque quoique j’eusse dès lors été frappé du génie de l’auteur [28].

Après 1830, il dit avoir été trompé par l’idée répandue d’un lien avec le saint-simonisme qui lui « répugnait extrêmement ». Mais sans qu’il précise les circonstances de son intérêt nouveau pour l’idée phalanstérienne, il déclare que

maintenant que je commence à connaître vos doctrines, j’ai complètement changé d’opinion. Vous voulez je crois travailler au bonheur des hommes et non les exploiter.

Il souscrit à l’idée d’édifier une nouvelle société, « de la reconstituer sur des nouveaux principes », mais ne voit

point la possibilité d’appliquer aux villes, aux grandes fabriques, [la] théorie. Je comprends très bien l’application de votre théorie aux exploitations rurales, même avant d’avoir lu le traité de l’association domestique agricole de Mr Fourier, et je comprends d’autant mieux cette partie fondamentale de votre doctrine, qu’avant d’en connaître l’existence, j’avais entrevu, ainsi que vous avez pu le voir dans mon plan sommaire de colonisation du Royaume d’Alger, que c’était le seul moyen certain de fonder une colonie et d’en assurer la prospérité.

Certain de son point de vue, il propose même de « coopérer à l’établissement de la première phalange agricole qui serait formée » [29] si jamais son projet de colonisation n’aboutissait pas. Sa renommée serait un atout affirme-t-il, « car je ne passe pas pour un fou parmi ceux qui me connaissent et peut-être aussi que mon expérience des hommes et des travaux champêtres pourrait être bonne à quelque chose ». Dubourg profite de ce contact pour souligner son adhésion à la théorie développée par son « camarade » Considerant dans sa brochure Nécessité d’une débâcle politique en France. Il y voit l’œuvre d’un « homme de bien et d’un esprit éclairé ». C’est avec le même sentiment qu’il s’adresse à nouveau à lui en août 1837 alors qu’est relancée opportunément l’idée d’un projet de réalisation [30] :

[…] je suis l’un de ceux qui a le plus de confiance dans votre capacité, votre loyauté, votre sincère amour du bien - si j’étais plus riche je vous donnerais des preuves de mes sentiments plus forts que mes paroles [31].

Il attend la publication des statuts et promet de s’engager pour 9 000 francs. Néanmoins, son nom n’est pas inscrit parmi les « souscripteurs au « Crédit de dix mille francs » [32]. Est-il de ceux qui s’éloignent de Considerant car il ne répond pas assez activement à leur vœu de réalisation d’un essai sociétaire ?

Un agronome au service de la cause phalanstérienne

En effet, Dubourg entretient une relation soutenue avec certains tenants de la réalisation phalanstérienne. Il est parmi le petit groupe annoncé le 23 mai 1840 par Zoé Gatti de Gamond à Pierro Maroncelli comme devant établir une reconnaissance de la terre de Cîteaux en vue d’y établir une « Association des familles » :

Nous nous occupons d’une réalisation sur une grande échelle, et nous avons tout espoir de réussir, si nous sommes compris et secondés. La localité que nous avons en vue est la terre de Cîteaux. Je vous en envoie ci-joint une notice. Elle présente l’avantage des bâtimens [sic] tout construits, en parfait état, et qui conviennent, on ne peut mieux à la destination d’un phalanstère. Ils peuvent contenir largement de mille à douze cents personnes ; d’après les renseignements que nous avons pris, les terres (500 hectares), qui sont en plein rapport, offrent des ressources pour toute espèce de culture. Les rivières et les chutes d’eau qui arrosent la terre offrent des avantages incalculables pour la culture et l’industrie. Toutefois, les renseignements ne suffisent point ; seulement, ils ont paru assez positifs pour que cinq personnes toutes capables et dévouées se décident à se rendre sur les lieux, et à examiner toutes chose par elles-mêmes ; ce voyage leur servira en même temps à rallier les groupes de province dans un but unique de réalisation. Ces personnes sont M.r [sic] le Général Dubourg, dont le nom populaire doit vous être connu, qui jouit d’une belle réputation, et possède toutes les connaissances pratiques en agriculture et en industrie nécessaires pour diriger les travaux, leur donner une impulsion unitaire ; M.r Harel, auteur du Ménage sociétaire, homme excellent, instruit, dévoué ; enfin M.r de Pompéry et Foucault et mon mari ; ils se rendront sur les lieux [33].

Le choix de Zoé Gatti de Gamond n’est pas incongru. Dubourg s’intéresse effectivement aux questions agronomiques depuis quelques années. En 1834, lors du Congrès scientifique de Poitiers, il est intervenu à plusieurs reprises et s’est illustré en particulier en rendant un travail sur la question des chemins vicinaux. Il y côtoie en séance le docteur Guépin. En 1836, il a publié un mémoire sur les engrais végétaux obtenus par compostage. Son mémoire est publié anonymement dans un premier temps puis débattu dans plusieurs sociétés savantes et agricoles [34]. Il s’intéresse également aux questions de conservation des boissons et des aliments. Le 29 septembre 1840, il dépose un brevet d’invention de « procédés qui préservent le vin des maladies, les empêchent de se gâter, les bonifient, les vieillissent, et mettent les vins de Bourgogne en état d’être transportés par mer, avec une nouvelle méthode de faire les vins ordinaires et mousseux qui en rend l’exportation plus facile et plus économique, les dits procédés applicables à la conservation de toutes les boissons fermentées » [35]. Il réside alors 16 boulevard du Temple à Paris.
Il a obtenu une telle renommée que Zoé Gatti de Gamond le pressent même comme directeur de l’Association qu’elle envisage. Mais finalement le 19 janvier 1841, elle signifie à Maroncelli, qui « n’ignor[e] pas la réputation populaire du premier » [36] des membres du comité annoncé, que seuls Harel et son mari sont allés visiter les terres de Cîteaux. Et parmi tous ceux qu’elle annonce comme voulant « quitter une belle position sociale pour entrer en Association, et participer aux travaux » [37], Dubourg n’est pas cité. Il semble s’orienter vers une réalisation personnelle. En septembre 1841, c’est Eugène Stourm qui après avoir attiré l’attention de ses lecteurs sur le projet d’Arthur Young à Cîteaux, noté celui de Pellegrini au Texas, relève un projet de réalisation du général Dubourg, un

plan […] d’une sorte de ménage sociétaire qui pourrait immédiatement, et comme transition à un progrès supérieur, améliorer le sort des ouvriers et préparer à la vie harmonienne par le spectacle du simple bénéfice en participation [38].

En juin 1843, il sollicite de ses supérieurs l’autorisation de se rendre dans l’Allier [39]. En septembre 1843, il donne des renseignements sur la ferme de Boyron et Reverchon dans l’Allier, le domaine du Royer, lors d’une séance de la Société royale d’agriculture de Lyon. Dubourg a des contacts à Lyon. Dubourg à des contacts à Lyon. Le 30 mars 1839, il avait déjà sollicité le ministre pour « demeurer un certain temps » [40] dans le département du Rhône mais était revenu souffrant à Paris en septembre, après un séjour à Bourbonne-les-Bains en juillet [41].
En janvier 1844, il est en contact avec Charles Harel auteur du Ménage sociétaire, ouvrage dans lequel il démontre les avantages de la vie commune en association. Le 6 juin, Dubourg lui soumet également son invention d’un « appareil d’essai pour la conservation des substances alimentaires. Il a parfaitement réussi » [42], écrit-il. En 1846, il gravite dans le cercle des phalanstériens s’activant encore en marge du centre parisien de l’École sociétaire ; il appartient à l’« Institut phalanstérien » [43] comme Simon Blanc, Hugh Doherty, le statuaire Arthur Guillot, l’homme de lettre Sharrassin, Hamel et le colonel de Zeltner.

Entre-temps, le 21 octobre 1843 à Fontenay-aux-Roses, il a épousé Rose-Marguerite Rathe, née en 1808. Le mariage est célébré sans aucune autorisation de sa hiérarchie [44]. Il est présenté comme maréchal de camp mais également comme officier de l’ordre royal de la Légion d’honneur. L’état civil de sa naissance et celui du décès de ses deux parents correspondent bien à la vérité. Les deux mariés résident dans la localité chez le docteur Lacroix, Grande rue. Le couple légitime également quatre enfants, tous reconnus lors de leur naissance par Dubourg. Tous sont nés à Paris dans les 1er ou 6e arrondissements ; le premier, Frédéric-Patrice, le 13 octobre 1832 ; le deuxième, Georges-Frédéric, le 16 septembre 1833 ; le troisième, Antoine-Victor, le 23 mai 1837 ; enfin, la dernière, Anne-Marie-Stéphanie, est née le 21 janvier 1839. Les témoins du mariage et de la reconnaissance sont Etienne Lavergne, commandant, officier de la Légion d’honneur et chevalier de Saint-Louis, âgé de 71 ans, et Georges-Armand Maréchal, capitaine en retraite, âgé de 52 ans, chevalier de la Légion d’honneur et de Saint-Louis, domiciliés à Fontenay-aux-Roses, Armand-Adrien Maréchal, capitaine d’artillerie en activité en garnison à Montreuil (Pas-de-Calais) et le docteur Félix Lacroix, 49 ans, chevalier de la Légion d’honneur domicilié à Fontenay-aux-Roses.
Dubourg n’est pas en manque de projets. Le 23 mai 1846, il dépose les statuts d’une Société générale des paquebots, pour le service complet des paquebots à vapeur de la Méditerranée.

La Révolution de 1848

La Révolution de 1848 lui donne l’occasion de réapparaître sur le devant de la scène. Il aurait tenté à nouveau sa chance auprès de Lamartine en lui soumettant l’idée de créer une garde mobile sur le modèle des volontaires de la Charte en 1830 [45]. Il se porte candidat aux élections à la Constituante dans le département de Seine-et-Oise. « En Juillet 1830, j’ai eu l’honneur d’être le général des ouvriers, des élèves des grandes écoles et des Citoyens qui voulaient conquérir la Liberté », écrit-il dans sa circulaire aux électeurs au printemps 1848. En mai 1848, il signe un courrier de réclamation au Ministre de la guerre

Général Dubourg, persécuté par la restauration pour avoir refusé de servir, sous mon sieur de Bourmont ; persécuté par Louis-Philippe pour lui avoir dit la vérité en public et en particulier, enfin menacé de la retraite par la république pour le récompenser de ses services et de son patriotisme [46].

Mais son indemnité de 2 000 francs est supprimée par le nouveau gouvernement. Dubourg intente un recours pour réclamer à nouveau le remboursement des 42 000 francs de dépenses qu’il aurait effectuées en juillet 1830. Il s’avère que l’indemnité n’étant qu’un secours gracieux du gouvernement antérieur, les requêtes de Dubourg sont rejetées. Par ailleurs, il est définitivement mis à la retraite. Infatigable, il continue néanmoins à publier ; dans une brochure il réclame la fondation d’un « Crédit national » [47] présenté comme le pendant réaliste de la Banque du Peuple de Proudhon [48]. Il tente de lancer Le Journal des intérêts agricoles, manufacturiers, commerciaux et maritimes qui doit propager l’idée de solidarité entre les quatre grands domaines d’activité, promouvoir la fondation d’un crédit agricole, la décentralisation administrative, la réduction des dépenses publiques. Mais le projet se limite à une circulaire. Il publie enfin un ouvrage sur Les principes de l’organisation de la marine de guerre.

Son décès, comme sa vie, reste entouré de mystère. Chateaubriand, repris par d’autres biographes, le fait décéder d’une trop forte dose d’opium (mais en 1850). Les chagrins domestiques seraient à l’origine de cette mort, précise le Dictionnaire de la conversation et de la lecture de Duckett en 1877 [49]. Au moment de son décès en 1851, il réside 4 rue Saint-Gilles à Paris. Il laisse « une veuve et quatre enfants dont le plus jeune n’a pas quatre mois » [50]. Elle est née le 3 avril 1851 et est prénommée Anne-Marie-Stéphanie, comme sa sœur décédée. L’acte de notoriété établi en mars 1851 pour sa succession perpétuent les interrogations : les témoins, César Auguste Lemarquière, ancien avocat au conseil et Louis François Gondret, médecin confirment son statut d’officier de la Légion d’honneur et de chevalier de l’ordre de Saint-Louis. L’inventaire après décès laisse apparaître de maigres biens estimés à 1600 francs dont 260 en espèce ayant servi à régler les frais d’obsèques. On peut noter « […] une paire d’épaulettes de général enfaux [sic], un insigne de franc-maçonnerie [...] », une bibliothèque variée mais aucun titre rappelant un quelconque intérêt pour Fourier et l’École sociétaire. Dubourg possède diverses actions dont dix actions de 1000 francs des Salines et plâtrières de Camarade (Ariège) qui lui ont été cédées mais n’ont encore rien rapporté, autant de la société Le Mandataire qui « n’a pas réussi et [...] la valeur des actions est presque nulle ». Deux créances « sont d’un recouvrement incertain ». Une troisième contre la « caisse Gouin » est douteuse. Deux créances à son encontre et sa succession sont couvertes par deux actions des Salines et plâtrières de Camarade. Enfin, diverses reconnaissances et récépissés du Mont-de-piété pour dépôt après le 17 février d’une pendule, d’argenterie, de bijoux pour un total de 131 francs illustrent la précarité dans laquelle se trouve la famille Dubourg. Mme Dubourg avait déjà dû faire quelques dépôts d’effets personnels en novembre et décembre 1850. Les dettes n’ont fait que s’accumuler depuis et s’élèvent à près de 1500 francs.