Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Buckingham, James Silk
Article mis en ligne le 16 avril 2015

par Desmars, Bernard

Né à Flushing (Cornouailles, Royaume-Uni) le 25 août 1786, décédé le 30 juin 1855 à Londres (Royaume-Uni). Marin, libraire, voyageur, journaliste, écrivain, conférencier. Libéral, partisan de réformes sociales. Propagandiste des idées fouriéristes à la fin des années 1840.

James Buckingham est le fils d’un marin reconverti dans l’agriculture. Son père meurt en 1794. Sa mère le destine à la prêtrise ; mais il préfère naviguer et, très tôt – vers l’âge de dix ans – s’engage sur un bateau.

Marin, libraire, armateur, journaliste, voyageur,…

Il effectue plusieurs voyages à travers les océans, mais en 1797, son bateau est capturé par une corvette française ; il est retenu captif quelque temps du côté de La Corogne, puis rejoint l’Angleterre. Il travaille plusieurs années chez un libraire, puis chez un imprimeur avant de repartir en mer. A son retour, il effectue encore divers métiers. En 1806, il se marie avec Elisabeth Jennings, la fille d’un fermier.

Sa mère, décédée en 1804, lui laisse des biens qui lui permettent de prendre la tête d’une librairie ; mais l’affaire est un échec financier. Il travaille ensuite à Londres dans une imprimerie ; puis il prend le commandement d’un bateau de commerce et navigue plusieurs années sur l’Océan Atlantique, du côté des Caraïbes, puis en Méditerranée. Il tente de s’établir comme armateur et négociant du côté de Malte et de Smyrne, mais connaît de nouveaux déboires financiers. En 1813, il rejoint l’Égypte et examine pour le pacha d’Égypte un projet de canal joignant la Mer Rouge et la Méditerranée ; puis, le même pacha l’envoie en Inde afin de développer des relations commerciales entre l’Égypte et les marchands de Bombay ; les contacts qu’il prend avec les marchand locaux n’aboutissent pas et il reçoit le commandement d’un bateau pour commercer avec les Chinois. Il entre alors en conflit avec la Compagnie des Indes orientales qui l’oblige à quitter l’Inde. Il revient en Égypte, près du Pacha, puis effectue un vaste voyage à travers la Mésopotamie, la Perse, la Syrie et la Palestine.

En 1816, il est à Calcutta où il crée un journal d’inspiration libérale ; mais les critiques qu’il formule contre la Compagnie des Indes orientales, dont il dénonce les abus de pouvoir, provoquent la saisie du matériel d’imprimerie et la fermeture du journal en avril 1823. Expulsé de l’Inde, il regagne l’Angleterre en ayant perdu beaucoup d’argent dans cette affaire.

Libéral et social

De retour à Londres, il engage un combat (conférences, articles, pamphlets) contre la position de la Compagnie des Indes orientales et le monopole dont elle bénéficie en matière commerciale. Une souscription et une pétition le soutiennent dans sa lutte contre la Compagnie qui, de nombreuses années plus tard, finit par reconnaître ses torts envers lui et lui verse une allocation pour le préjudice financier subi en 1823.

Dans les années (au cours des années) 1820, il fonde plusieurs journaux et revues dont The Oriental Herald and Colonial Review et The Athenaeum, un hebdomadaire littéraire. Pendant la même période, il publie le récit en plusieurs volumes de ses voyages au Moyen-Orient.

Les électeurs de la circonscription de Sheffield l’envoient en 1832 siéger à la Chambre des Communes. Il se montre partisan d’une politique libérale, associée à des réformes sociales. Il participe aux travaux d’un comité parlementaire favorable à la limitation de la consommation d’alcool. Il semble toutefois déçu par l’inertie d’une grande partie des parlementaires. Son mandat aux Communes se termine en 1837 ; mais il continue à défendre ses convictions libérales et sociales par l’imprimé et surtout par la parole, lors de conférences où ses qualités oratoires lui valent de nombreux succès populaires.

Il quitte à nouveau le Royaume-Uni et parcourt le continent nord-américain (Canada et États-Unis), sur lequel il passe environ trois années ; là encore, il en tire plusieurs volumes, où il intègre au récit de son séjour une importante documentation, notamment statistique, sur les régions parcourues. De retour à Londres, il fonde en 1843 le British and Foreign Institute, afin de favoriser la rencontre des hommes politiques et des intellectuels, anglais et étrangers ; il assure la direction de ce club dont l’existence s’achève en 1847.

Dans les années 1840, il voyage en Europe de l’Ouest, à travers la France, la Belgique, les pays germaniques, la Suisse et la péninsule italienne ; il en rapporte la matière de plusieurs ouvrages supplémentaires.

Buckingham et les fouriéristes

Jusque vers la fin des années 1840, on ne connaît pas à Buckingham de relations avec les fouriéristes ou d’intérêt pour la théorie sociétaire. Mais en septembre 1848, il participe au congrès de la paix organisé à Bruxelles. Pendant cette manifestation, il s’entretient avec des fouriéristes belges, qui, selon La Démocratie pacifique, le rallient à la cause sociétaire :

Les phalanstériens de Bruxelles […] et les phalanstériennes aussi, ont compris le rôle important que M. Buckingham pouvait jouer dans la propagation de la science sociale ; on l’a catéchisé, on lui a fait lire des ouvrages élémentaires. M. Buckingham, prédisposé par ses généreux sentiments à l’acceptation de la théorie phalanstérienne a promis de l’exposer dans la Grande-Bretagne [1].

Il commence son activité propagandiste dès l’automne 1848. La Démocratie pacifique signale début décembre que :

M. Buckingham, orateur distingué […], a dernièrement exposé la théorie de Fourier à Leeds, port d’Edimbourg, en donnant à cette théorie son adhésion complète. Depuis, M. Buckingham a continué l’œuvre de propagation à Greenock (Ecosse) et à York. L’exposition de Greenock a été faite dans une église. A sa dernière séance, le pasteur a félicité publiquement l’orateur, non seulement sur son talent, mais sur la supériorité de la doctrine qu’il avait développée [2].

Quelques jours plus tard, le quotidien fouriériste reproduit un article paru le 25 novembre précédent dans un journal écossais, le Renfrewshire Advertiser ; d’après cet article, Buckingham s’est exprimé « devant un nombreux auditoire composé de l’élite de la société » de Greenock ; son exposé s’est déroulé en trois séances : la première, à propos des Etats-Unis, « a fait connaître les immenses ressources de ce pays et l’avenir qui lui est réservé » ; la seconde « a été consacrée à la question des colonies anglaises, à l’émigration et à la colonisation » ; dans la troisième, « l’orateur a parlé des révolutions dont l’Europe est en ce moment le théâtre, et a indiqué les moyens qui, dans sa pensée, peuvent seuls les apaiser ou prévenir le retour ». C’est à cette question qu’est consacré l’essentiel de l’article du Renfrewshire Advertiser :

Cette dernière séance a fourni à M. Buckingham l’occasion d’exposer des idées nouvelles qui ont été accueillies avec beaucoup de sympathie par l’auditoire ; nous regrettons que le défaut d’espace nous empêche de donner un compte rendu complet de l’exposé ; nous devons nous borner à en signaler les traits principaux. Les récents voyages de M. Buckingham, dans les divers pays où ont éclaté les révolutions, ses relations avec les hommes les plus considérables de ces pays donnaient un vif intérêt à cette troisième séance [3].

Buckingham présente tout d’abord son analyse de la révolution de février 1848 ; en Grande-Bretagne, dit-il, on y voit une révolution de « caractère purement politique », alors qu’elle résulte d’abord du mécontentement social et de la misère dans laquelle vivent les travailleurs. Aussi, le changement de régime et l’adoption d’une nouvelle Constitution ne peuvent garantir le rétablissement de la stabilité. D’ailleurs, de façon générale, en France et en Europe, les gouvernements

ne jouiront de la tranquillité que lorsque les classes laborieuses seront assurées d’avoir constamment du travail et qu’elles seront rémunérées pour ce travail, non seulement de manière à être au-dessus du besoin, mais encore de manière à avoir une certaine part dans les jouissances de la vie.

Buckingham examine ensuite les projets « élaborés par des hommes d’intelligence et de cœur » pour venir à bout des problèmes sociaux, deux théories retenant particulièrement son attention parce qu’elles « ont obtenu le plus grand nombre de partisans » : celle de Louis Blanc, « qui a pour principe l’égale répartition des bénéfices entre tous les membres de la communauté », et celle de Fourier

appelant les capitalistes, les travailleurs et les hommes de talent à former une association dans la commune pour mener de front le travail agricole et le travail industriel sur une grande échelle, afin de réaliser l’économie et l’abondance dans la production et à distribuer les produits du travail, non par portions égales, comme le veulent les communistes, mais proportionnellement au capital, au travail et au talent employés à la production par chacun des associés.

Puis, toujours selon l’organe écossais :

M. Buckingham a exposé ensuite les principes généreux de la théorie de Fourier, et est entré même dans un très grand nombre de détails. Il a déclaré que cette théorie de l’organisation du travail a, sur les autres, une grande supériorité. Elle reconnaît le divin caractère de la doctrine chrétienne ; elle fait de la vertu et de la moralité individuelle la seule et solide base du bonheur ; elle détruit toute tentation au mal par le principe qu’il vaut mieux prévenir que réprimer ; elle provoque au bien par les plus puissants motifs, par la récompense et les distinctions proportionnelles au travail et au mérite, et toutes ses maximes sont en harmonie avec la moralité chrétienne. M. Buckingham a dit que la seule chose nécessaire, pour que cette belle théorie fût promptement adoptée en Angleterre aussi bien qu’en France, était de dissiper l’ignorance, la fausse conception et les préjugés qui la faisaient méconnaître, et qu’il suffisait de l’exposer clairement et de la manière la plus large pour qu’elle fût bientôt acceptée. Quant à lui, il considérait de son devoir, autant que ses faibles moyens le lui permettaient, de ne perdre aucune occasion de mettre en lumière la vérité, la moralité de cette théorie, et son efficacité pour faire disparaître, de concert avec la religion, les crimes, les vices et la misère qui affligent tous les pays de la terre.

Buckingham termine son intervention en suggérant à ses auditeurs la lecture d’un « excellent petit volume, […] Social systems, par Charles Bray de Coventry », où se trouve « un exposé fort intéressant de la théorie » [4]. Notons que Charles Bray n’est pas un disciple de Fourier et que son ouvrage n’accorde que vingt-cinq pages à Fourier, alors qu’il existe en anglais un ouvrage de Transon, traduit par Hugh Doherty, Charles Fourier’s Theory of Attractive Industry and the Moral Harmony of the Passions (1841), ouvrage plus fidèle au fouriérisme orthodoxe. Il est vrai que la théorie sociétaire, telle qu’elle apparaît dans le compte rendu du journal écossais, se caractérise par sa distance envers certains principes fouriéristes, et notamment envers le système passionnel, auquel « la vertu » et « la moralité individuelle » sont substituées.

Au terme de cette conférence de deux heures, le révérend Sutherland Sinclair, remercie l’orateur pour son éloquence et « pour la justesse des idées » exprimées ; il ajoute :

Plusieurs fois […], mon esprit s’est préoccupé des moyens de placer dans une condition heureuse les travailleurs dignes et honnêtes, mais trop souvent sans ressources, dont notre pays abonde, et j’ai toujours été arrêté par des difficultés qui me paraissaient insurmontables ; je vois avec joie que les idées exposées par M. Buckingham les feraient complètement disparaître. Il est à regretter que les hommes qui ont en main les destinées du peuple paraissent peu disposés à adopter ces idées et à les mettre en pratique, mais je suis certain que le discours prononcé ce soir, quoique le sujet qui y a été traité puisse admettre plus de controverses que les autres, produira un grand bien, car il contribuera à redresser bien des erreurs, à détruire beaucoup de préjugés et à mettre en lumière plusieurs importantes vérités mal comprises parce qu’elles étaient entourées d’obscurité. L’esprit de charité et de fraternel amour chrétien qui inspire la théorie exposée par M. Buckingham la rend digne de la plus sérieuse attention de toutes les personnes présentes à la séance, et j’ai la ferme assurance qu’elles l’examineront avec l’impartialité et la réflexion [5].

Aucune relation entre l’Ecole sociétaire et Buckingham n’est repérable, soit dans les publications fouriéristes, soit dans la correspondance sociétaire. Buckingham suit son propre chemin, qui l’emmène, d’une part vers la présidence d’une ligue de tempérance, d’autre part vers la recherche de solutions concrètes aux problèmes sociaux – il publie en 1849 National Evils and Practical Remedies – avec la conception d’une « ville-modèle » ; cette cité, appelée Victoria (le nom de la reine du Royaume-Uni), comprend en son centre les bureaux et les logements qui doivent abriter les 10 000 habitants ; les manufactures et les commerces sont établis en périphérie ; l’ensemble est entouré de jardins et de terres agricoles. L’alcool et les armes sont interdits dans la cité ; la liberté d’opinion y règne et les différentes religions y bénéficient de droits égaux ; les femmes et les enfants sont dispensés de toute activité laborieuse et la journée de travail n’excède pas 8 heures par jour.

On est là bien loin du phalanstère de Fourier. Buckingham meurt en 1855 sans que son projet de cité ait été mis à exécution. Il aurait cependant inspiré Ebenezer Howard et ses cités-jardins.


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
puceContact puceMentions légales puceEspace privé puce RSS

1990-2024 © charlesfourier.fr - Tous droits réservés
Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 5.0.5