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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Comparot, Emile
Article mis en ligne le 18 février 2013
dernière modification le 12 juillet 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) le 4 décembre 1825. Décédé à Dijon (Côte-d’Or) le 16 juillet 1887. Agriculteur et propriétaire à Villenotte (Commune de Villars-et-Villenotte, Côte-d’Or). Abonné à La Science sociale et au Bulletin du mouvement social.

Fermier et cultivateur, propriétaire à Villenote, commune voisine de Semur-en-Auxois (Côte-d’Or), (Dominique-Antoine) Emile Comparot est le fils de Georges Comparot menuisier, adjoint au maire de Villars-Villenote, révoqué à la suite du coup d’état du 2 décembre 1851 et de Jeanne Lombard. Georges Comparot, qualifié de propriétaire, décède à Villenote en février 1854. Emile Comparot épouse Célestine Chargrasse le 5 décembre 1854 à Viserny (Côte-d’Or). Fille de Jean Chargrasse, vigneron, propriétaire et aubergiste de Viserny et de Jeanne Marthe Meugniot, elle est née dans la localité le 4 février 1834. Parmi les témoins du mariage, il convient de noter la présence de François Meugniot, fabricant d’instruments d’agriculture à Dijon, ami d’Auguste-Janvier Gaulin, oncle maternel de la mariée, parent du vétérinaire Louis Meugniot [1], condamné pour délit de colportage en 1850, condamné en mars 1852 par la Commission mixte du département de la Côte-d’Or à l’internement à Saint-Sever dans les Landes. Trois garçons et une fille sont issus de cette union. La famille emploie jusqu’à cinq domestiques en 1872. Emile Comparot est élu conseiller municipal de Villars-et-Villenotte à partir de juillet 1865. Il devient premier adjoint le 28 mai 1871. Sa fortune est évaluée à deux mille francs annuels en octobre 1876. Il occupe cette charge jusqu’en avril 1885, date à laquelle il démissionne sans qu’aucun argument ne soit avancé dans son courrier du 14 avril. Cinq autres élus dont le maire font de même peu de temps après, en protestation d’un jugement « peu clair » rendu dans une affaire locale. Emile Comparot est néanmoins réélu conseiller municipal le 24 mai 1885.

L’adhésion de Comparot aux principes fouriéristes n’est pas datée mais semble ancienne. En janvier 1867, il écrit à La Renaissance [2] de Riche-Gardon, revue d’inspiration maçonnique qui ouvre ses colonnes aux disciples de Fourier. Comparot se plaint de son isolement, y compris au sein de sa famille, de l’indifférence pour le principe associatif, de l’égoïsme et de l’inertie ambiants :

Mais que fait-on à la campagne, où l’on est trop clair-semés (sic) pour former des groupes entre condisciples ? On attend, en se concentrant en soi-même, que l’arche de la science sociale vienne sauver l’humanité du flot montant sans cesse des fléaux limbiques, dont les caractères qui vous occupent le plus, la superstition, le matérialisme et le culte exclusif des intérêts personnels, sont, comme vous le dites, les causes du trouble moral dans les familles ; [...].
L’isolement paralyse toute activité ; on attend et l’on ne fait rien. Les conditions que nous impose la vie dite civilisée sont tellement dures qu’elles ne nous laissent guère d’autres ressources que celles de la méditation, de la comparaison sur tout sujet physique ou moral de ce qui est avec ce qui devrait être [...]. Ce n’est pas que la foi ait baissé entre nous, mais à qui la communiquer ? On ne trouve pas facilement un homme à qui on puisse seulement la communiquer. Il faut pour cela être jeune, amoureux de la vérité, avoir assez d’instruction pour suivre l’enchaînement d’un raisonnement. Il faut avoir un caractère assez sérieux, et cependant ne pas s’occuper exclusivement de sa position, ne pas trop se livrer non plus aux plaisirs, et être cependant assez désintéressé pour s’appliquer à l’étude d’idées qui ne doivent pas rapporter de profit ou d’honneur immédiat (sic) à ceux qui se livre à leur propagation.

Selon lui, la régénération morale que propose La Renaissance aux familles ne peut pénétrer les esprits :

Ceux qui possèdent une position relativement passable acceptent la vie telle qu’elle est, tâchant de se procurer un peu de plaisir dans leur jeunesse ou d’augmenter leur fortune. Atteindre ces deux buts à la fois est le comble de toute ambition ; ceux qui y parviennent [...] restent catholiques moins certaines pratiques, ou deviennent matérialistes, suivant le caractère, et il votent presque toujours avec la majorité.

Le prolétariat quant à lui fait preuve d’anticléricalisme ou bien de communisme :

Quant aux prolétaires de nos campagnes, il y a peu de chance (sic) à les amener à s’instruire. Ils savent à peine lire ; les plus savants et ceux qui raisonnent ne peuvent guère s’élever au-dessus de cette pensée qu’il n’y a pas de Dieu, ou que ce Dieu est injuste, puisqu’il y a des gens riches et des pauvres, puisque les travailleurs sont opprimés et méprisés par les riches oisifs et parasites, etc. Allez donc leur expliquer des Rituels quelconques, des récréations morales ! Il n’y a rien là-dedans qui puisse les intéresser [...].

Comparot explique qu’il cherche la discussion avec ses propres domestiques et tente de les convaincre des bienfaits de l’Association :

Les plus intelligents m’y suivent quelquefois ; mais leur idée favorite est le partage des propriétés : la terre ne devant appartenir à personne, disent-ils, ou également à tous : idée lancée comme un épouvantail par la réaction de 48, et qui a fait son chemin tout de même.
Comme vous le dites, tout est en dissolution morale et sociale autour de nous, et il est grand temps que l’œuvre de régénération commence [...].

Au sein de sa propre famille, il espère élever un de ses propres enfants dans l’esprit sociétaire et le voir contribuer à une

première expérience de la théorie sociétaire. En attendant, il faut les envoyer au catéchisme de l’Eglise romaine : voilà les conditions que nous font l’isolement et les relations de famille. Quand donc l’établissement du docteur Jouanne, à Ry, pourra-t-il recevoir tous les enfants des familles qui aspirent à l’harmonie sociale ? [...]

Ce scepticisme n’empêche pas Emile Comparot de s’abonner à La Science sociale dès 1867. Il en règle la souscription en 1868 en renouvelant son abonnement. Il prend également un abonnement à La Solidarité, journal des principes de Charles Fauvety, éditée par la Librairie des Sciences sociales. Fauvéty, un temps fouriériste, est avant tout un franc-maçon qui tente alors de faire du Grand Orient de France un ordre religieux laïque. Comparot signale son intérêt pour La Science sociale, souligne« l’espérance qu’[elle] soutient et ranime et le regret [qu’il a] d’être à peu près seul dans [s]on entourage que cette lecture intéresse » [3]. Il reproche juste à la rédaction son érudition : « Si les citations latines ou autres font bien dans un article, elles feraient encore mieux si la traduction était à côté ; il y en a peut-être d’autres que moi parmi vos lecteurs qui n’ont fait que leur sixième et ne savent plus faire de versions ». Il annonce dès février 1872 qu’il prend un abonnement au Bulletin du mouvement social, organe projeté par le comité d’initiative qui tente de revitaliser l’Ecole sociétaire. Comparot a bien essayé de convaincre Belin de Juilly, partisan « très dévoué au progrès social » mais en vain. Il regrette de ne pouvoir « aider d’une manière plus efficace à soutenir la publication de cette feuille si utile » [4].