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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Une lettre de Jonathan Beecher à Roberto Massari, à l’occasion de la parution de sa biographie de Fourier en italien (2008)
Article mis en ligne le 8 mars 2012

par Beecher, Jonathan

Cher Roberto,

Je suis enchanté de savoir que ma biographie intellectuelle de Charles Fourier paraîtra bientôt en Italie. Je souhaite te dire toute ma gratitude, ainsi qu’à Roberto Cruciani. J’ai bien des raisons de me réjouir de la publication de la traduction en langue italienne de Charles Fourier : the Visionary and His World. L’une de ces raisons, mais non la moindre, est mon admiration pour les travaux portant sur l’histoire du socialisme, de l’anarchie et de l’utopie en Europe de quelques grands érudits italiens. Quelle riche tradition de recherche que celle qui mène de Franco Venturi, Delio Cantimori, Alessandro Galante Garrone et Armando Saitta à Arrigo Colombo et au Centre d’études sur l’Utopie de l’Université de Lecce, sans oublier les travaux de notre amie et collègue désormais disparue, Mirella Larizza Lolli ! Autre chose me remplit également de joie : c’est le fait que cette édition italienne de mon livre est une formidable illustration de cet esprit de collaboration internationale qui s’est instauré dans notre groupe de chercheurs, d’écrivains et de défenseurs de la pensée de Charles Fourier.

Le premier colloque international consacré à l’œuvre de Charles Fourier s’est tenu en 1972 sous la direction d’Henri Lefebvre, à Arc-et-Senans, dans les bâtiments des Salines construits au XVIIIe siècle par l’architecte utopiste Claude-Nicolas Ledoux. Tu y participais, de même que Simone Debout et René Schérer, qui ont été en France à l’origine de la redécouverte de Fourier, et qui continuent à publier d’importants travaux sur Fourier et la tradition utopiste. En 1988 Gaston Bordet et Jean-Claude Dubos, qui sont depuis devenus pour nous des amis proches, créèrent à Besançon, ville natale de Fourier, l’Association d’études fouriéristes. Ils furent très vite rejoints par Louis Ucciani et Chantal Guillaume, et le groupe recruta rapidement de nouveaux membres venus de quatre continents. En 1990 parut le premier numéro des Cahiers Charles Fourier. Cette revue annuelle d’études fouriéristes continue désormais de prospérer sous la direction experte de Thomas Bouchet. Le numéro 18, qui vient tout juste de sortir, est plus dense et plus riche que jamais, avec des articles fascinants sur le devenir du fouriérisme au Japon, en Roumanie et jusque dans l’île Maurice !

En 1993, Gaston Bordet fut à l’initiative d’un magnifique colloque consacré à Fourier et aux mouvements fouriéristes - cette fois encore à Arc-et-Senans. Ce colloque, qui se tint en présence d’une cinquantaine de chercheurs venus d’une douzaine de pays, fut pour nous l’occasion de nous voir pour la première fois. Je me souviens encore de la soirée au cours de laquelle nous nous avons dîné chez notre ami Bordet et de ton regard inquiet tandis qu’il préparait des spaghettis. Plus tard dans la soirée, tu as superbement joué du piano, et nous avons parlé de Fourier, du surréalisme et de la Révolution cubaine. Nous nous sommes revus plusieurs fois, à Besançon, ville de Fourier, et à Ornans, la ville natale de Courbet. C’est lors de notre dernière rencontre, il y a deux ans, en présence de nos fils, que nous avons parlé de la possibilité de traduire mon livre en italien. Je n’étais pas convaincu que la chose puisse vraiment se faire ; mais maintenant c’est chose faite, et j’en suis très heureux.

Je suis en ce moment assis dans notre maison de bois qui se trouve dans les montagnes de Santa Cruz, à cent kilomètres au sud de San Francisco et à quelques kilomètres au-dessus de l’Océan. Le brouillard humide de l’hiver recouvre la forêt et la maison, et le froid s’insinue à travers les murs. Mais je suis réchauffé par le feu qui brûle dans notre poêle à bois. C’est un « petit Godin », semblable à ceux que fabriquait au XIXe siècle le disciple de Fourier et homme d’affaires Jean-Baptiste-André Godin au Familistère de Guise, dans le Nord de la France. Tandis que j’écris ces lignes, je me réjouis à l’idée que, grâce à toi et à Roberto Cruciani, la présence de Fourier sera un peu mieux assurée en Italie. J’ai hâte de te revoir à Lyon, dans deux mois, à l’occasion de la prochaine rencontre de notre groupe d’Amis de Fourier.

À toi fraternellement,

Jonathan

Santa Cruz, Californie, 19 février 2008

Traduction : Michel Cordillot, Yvonne Couvert