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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Maublanc, René (Léon Gustave)
Article mis en ligne le 20 février 2012
dernière modification le 23 février 2012

par Desmars, Bernard

Né le 17 juillet 1891 à Nantes (Loire-Inférieure, aujourd’hui Loire-Atlantique), décédé le 20 janvier 1960, à Paris (Seine). Professeur de philosophie, sympathisant, puis membre du parti communiste. Résistant. Éditeur de textes de Fourier, seul puis avec Félix Armand.

René Maublanc est le fils d’un avocat, qui devient ensuite professeur de droit. Il fait des études de philosophie, tout en s’intéressant à la sociologie, aux lettres et aux arts. Il mène ensuite une carrière d’enseignant et de militant ; très actif dans le mouvement antifasciste dans les années 1930, il s’engage dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et adhère au parti communiste. Après la Libération, tout en continuant sa carrière d’enseignant et son engagement au parti communiste, il participe à la rédaction de plusieurs revues, en particulier La Pensée et Europe.

Pour plus de précisions sur la biographie de René Maublanc, et en particulier sur sa carrière professionnelle, ses activités intellectuelles et ses engagements militants (outre le parti communiste : la Ligue des droits de l’homme, l’Union rationaliste, la Ligue de l’enseignement), je renvoie à la notice biographique très détaillée rédigée par Nicole Racine pour le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (le Maîtron). Ce qui suit concerne exclusivement la contribution de Maublanc aux études fouriéristes.

Éditeur de textes de Fourier

En novembre 1922, après avoir été professeur de philosophie dans le secondaire pendant plusieurs années, René Maublanc est nommé secrétaire-archiviste du Centre de documentation sociale fondé par Célestin Bouglé au sein de l’École normale supérieure. Bouglé y rassemble une bibliothèque sur les problèmes sociaux et les théories socialistes et y accueille des archives, dont les fonds de Fourier et de l’École sociétaire, qu’y dépose Auguste Kleine, exécuteur testamentaire de Victor Considerant. Maublanc en extrait notamment un texte de Fourier, Hiérarchie du cocuage, qu’il publie avec un appareil critique en 1924 ; il veut ainsi contribuer à une publication scientifique des oeuvres de Fourier, dont une importante partie reste inédite. Il dédicace l’ouvrage « à tous les cocus de l’Université ».

En 1937, il publie en collaboration avec Félix Armand, qui a été son élève en classe de philosophie, deux ouvrages sur Fourier, chacun eux comportant à la fois une brève biographie de Fourier et une présentation de la théorie sociétaire d’une part, et une anthologie de textes d’autre part. Les deux auteurs s’inscrivent largement dans le cadre de l’opposition entre le « socialisme utopique », auquel appartient Fourier, et le « socialisme scientifique », celui de Marx ; mais ils soulignent l’importance de la critique sociale fouriériste, dont Marx et Engels avaient reconnu la valeur. Ils confrontent également Fourier à Proudhon ; « des deux, le plus révolutionnaire et le moins utopique, le plus riche et le plus profond, c’est sans contredit Fourier » [1].

Dans les deux ouvrages, ils mettent également en avant « l’actualité de Fourier », dont ils soulignent le caractère révolutionnaire (il s’agit bien pour ce dernier d’arriver à une transformation radicale de la société) ; ils récusent l’idée d’un Fourier réformiste, tel qu’a pu le présenter parfois Charles Gide dans le premier tiers du XXe siècle. Ils montrent aussi que certaines de ses prédictions se sont réalisées et que ses théories ont influencé certains domaines, comme la pédagogie ou la coopération. Enfin, ils établissent, de façon très audacieuse, quelques correspondances entre le projet fouriériste et le modèle soviétique, en rapprochant le phalanstère et le kolkhoze, ou la passion « la cabaliste » et l’émulation stakhanoviste.

Après 1945, Félix Armand publie de nouveaux ouvrages sur Fourier et le fouriérisme, mais seul. Maublanc rend compte dans La Pensée de l’un d’entre eux, paru en 1953 [2]. Dans son analyse, il insiste sur l’importance de Fourier dans la construction du monde contemporain : « ce qu’il s’agit en effet de comprendre, c’est que ce rêveur, ce fantaisiste, on dirait facilement ce fou, qui se perd dans les nuées d’une métaphysique déiste et qui déclare d’autre part son horreur de la révolution, de la démocratie et de l’égalité, puisse en même temps être considéré à bon droit comme un précurseur du marxisme, un « prophète du socialisme » et qu’il ait même prévu et décrit, avec une avance de plus de cent vingt ans, quelques traits essentiels et beaucoup de détails précis de la société socialiste, en marche vers le communisme, que la Révolution d’octobre devait établir dans l’Union soviétique » [3].

Son compte rendu montre beaucoup de sympathie, pour le livre et son auteur, et aussi pour Fourier, « cet homme étonnant qui provoque tour à tour, et presque en même temps, le rire par sa verve comique, le sourire ou l’inquiétude par sa déraison, l’enthousiasme et l’admiration par la profondeur de ses analyses et la sûreté de ses prévisions, mais qui, jamais, malgré les bizarreries et les obscurités de son vocabulaire, les maladresses de son style et le décousu volontaire de son développement, ne provoque l’ennui » [4].