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ANSART Pierre , BORDET Gaston (dir.) : Pierre-Joseph Proudhon. Pouvoirs et libertés (1989)

Actes du colloque tenu à Paris et Besançon les 22, 23 et 24 octobre 1987, Paris-Besançon : société Proudhon et Laboratoire d’histoire de la Faculté des Lettres, 1989, 144 p.

Article mis en ligne le décembre 1991
dernière modification le 3 avril 2007

par Bianco, René

Les principales communications présentées lors du colloque Proudhon, tenu à Paris les 22 et 23 octobre 1987, puis à Besançon les deux jours suivants, ont été publiés sous l’égide de la société Proudhon avec le concours de l’EHESS de Paris et de la Faculté des Lettres de Besançon en un volume qui intéressera tous ceux qui portent un regard curieux sur le monde du travail et de la pensée sociale.

Sous le titre « Pouvoirs et Libertés » (Libertés au pluriel est déjà tout un programme !), ces Actes s’articulent en cinq parties, le tout étant complété par des conclusions du sociologue Jean Duvignaud, dont les réflexions sur la diffusion des idées de Proudhon ne manquent pas de sel.

Les deux dernières parties (Masculin-Féminin et l’Art social) sont seulement abordées. Il y a là évidemment l’importante question de la femme, manifestement mal intégrée par Proudhon, peut-être pour des raisons névrotiques (ne sommes-nous pas tous porteurs de notre névrose ?) mais peut-être aussi pour des raisons historiques qu’il conviendrait de développer. Sur ce problème, Christiane Mauve fait un bon commentaire qui masque mal cependant ce qu’a d’agaçant, dans une pensée si puissante et si originale, cet échec incontestable. De son côté, l’étude sur « L’Atelier du peintre » de J. H. Rubin est une bonne introduction à l’esthétique de Proudhon. Conçue comme un artisanat, l’activité créatrice de l’homme infiltre d’esthétique toute fabrication d’objet, ce que l’importance prise par le design manifeste à l’évidence de nos jours.

Les trois autres parties (Dialectique du Pouvoir et de la Liberté - Pouvoirs et libertés politiques - Pouvoirs, libertés et économie sociale) font, chacune, l’objet de quatre communications qui apportent toutes un éclairage différent, parfois nouveau, souvent original, toujours passionnant. Ainsi, parmi les contributions des chercheurs français et étrangers, on peut signaler dans l’étude de Mireille Larizza-Lolli (« La dynamique de l’extinction de l’autorité chez P. J. Proudhon ») un développement intéressant sur la société être collectif, génétique du social qui mène à l’aliénation du politique dans le gouvernement. Si le travail s’organise par lui-même selon sa loi propre, il n’aura plus besoin du législateur et le régime des contrats succédera à celui des lois.

L. Roehmheld fait quelques remarques importantes sur le fédéralisme et en montre l’actualité par rapport à l’unification allemande. Il insiste sur la fécondité de la notion agricolo-industrielle.

G. Manganaro-Favaretto, qui aborde la conception proudhonienne du droit, montre bien son souci de préserver l’autorité absolue des communautés de base.

L’étude de Gaston Bordet (« Peuples, pouvoirs et liberté dans De la Capacité politique des classes ouvrières de P. J. Proudhon ») qui montre la position originaire (au sens de Foucault) de Proudhon qui contient toute la fécondité du socialisme, paraît d’autant plus importante que nous voyons aujourd’hui s’effondrer le socialisme dit scientifique. De plus, dans une pertinente analyse de la stratégie de l’abstention par rapport au système électoral, G. Bordet démontre comment le peuple peut s’exprimer dans la dynamique sociale par le mutuellisme et le fédéralisme dans le respect de la pluralité des familles politiques. Remarquable aussi l’analyse de Jean Bancal sur la dialectique qui dynamise force collective et liberté - pouvoir et économie sociale. Sans doute faut-il se méfier du chatoiement séducteur du jeu des formules ; certaines en tout cas méritent d’être relevées : se distinguer pour être, antagonisme autonomiste, équilibration solidariste... J. Bancal montre aussi l’intérêt de la notion originale de Proudhon d’homme antagoniste, d’homme composite. Cette notion est reprise par M. F. Lévy à propos du moi-pluriel, composite instable, dans une étude - par la force du sujet très nuancée - sur la conception de la sexualité et de l’amour chez Proudhon.

Bref, ce volume est passionnant et sera sûrement très utile même si ces Actes ne donnent aucun renseignement sur les discussions qui ont suivi les exposés. C’est d’autant plus regrettable que Pierre Ansart, dans sa magistrale présentation, nous assure qu’elles furent « nombreuses » et « souvent vives ».