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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Belnet, Nicolas
Article mis en ligne le 3 septembre 2011
dernière modification le 14 juillet 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 22 juin 1810 à Dijon. Relieur. Agent comptable de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles pour le cas de maladie et d’accidents. Gérant de la boulangerie sociétaire dijonnaise.

Fils d’un chamoiseur dijonnais, Claude-François Belnet et d’Antoinette Gauthier, Nicolas Belnet est relieur en 1836 et réside alors au 48 rue Verrerie à Dijon.

Présent au banquet anniversaire de Fourier à Dijon de 1846, il porte un toast « A l’organisation du travail ! Problème que le monde était appelé à résoudre, avant de passer de l’état incohérent et morcelé de l’agriculture et de l’industrie, phase d’injustice, de souffrance et de misère générale, à l’état sociétaire et combiné, phase de répartition équilibrée en raison du capital, du travail et du talent ! L’état sociétaire a seul puissance d’instaurer le règne de la fraternité, de la justice, de la vérité, du bien-être général sur cette terre, arrosée jusqu’à ce jour par le sang et les larmes de ses malheureux habitants. Déjà les lueurs qui commencent à poindre à tous les coins de l’horizon nous annoncent l’aube du bonheur. A l’organisation du travail, problème dont la solution a été apportée au monde par Charles Fourier ! » [1].

En mai 1847, c’est lui qui prononce le discours en hommage à son ami, le boulanger poète et phalanstérien Charles Mouillon décédé, ancien agent comptable de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles pour les cas de maladie et d’accidents présidée par Gaulin, gendre de Gabet. Il s’adresse alors autant à son ami qu’aux neuf cents personnes suivant le cortège : « [...] la foi phalanstérienne éclaire, le lien qui unit ta destinée à la nôtre n’est point rompu par la mort. Vivants de la vie qui nous anime ou de celle que tu viens de commencer, nous sommes toujours, quoi que dans des conditions différentes, citoyens d’une même patrie qui est le monde, soldats de la même cause, ouvriers de la même oeuvre divine qui se poursuit de génération en génération » [2].

En mars 1848, membre du club des Travailleurs, il s’adresse, avec lyrisme et emphase, au Peuple dans un Manifeste au ton messianique, pour des candidatures ouvrières à l’Assemblée nationale constituante et appelle à l’unité des Travailleurs : « ne laissons pas escamoter une fois de plus une Révolution faite par le Peuple et pour le Peuple. Arrière la tourbe des repus et vampires, qui s’engraissent du sang du Peuple [...]. Vouloir l’émancipation intégrale, à la fois intellectuelle et matérielle des Travailleurs, n’est-ce pas clore l’ère des Révolutions ? N’est-ce pas combler l’abîme de l’anarchie prêt à déborder, ce torrent dévastateur qui, une fois sorti de son lit, entraînerait, balaierait devant lui les oppresseurs et les opprimés, ferait retomber le monde dans le chaos, arrêterait, pour des milliers d’années peut-être, dans sa marche déjà si lente et si pénible, l’humanité, qui, toute meurtrie des aspérités du chemin qu’elle a parcouru, viendrait tomber et mourir, prête à saisir la phare sauveur que la main de Dieu a placé devant elle ? [...]. Que notre cri de ralliement soit : Des Travailleurs pour représentants à l’assemblée nationale. Pleins de foi et d’enthousiasme, ils apporteront dans cette assemblée l’intelligence juste des faits, l’aspiration sainte, toujours vivante au coeur du Peuple ! Arrières les avocats et les bavards, parasites qui, semblables au gui, ont absorbé et sucé la sève du troncs vigoureux de notre France, toutes les fois que, trop confiante, elle leur a remis le soin de veiller à ses destinées. Une ère nouvelle va s’ouvrir : au Peuple maintenant de veiller sur ses intérêts. Le pouvoir, entre les mains du Peuple, sera désormais une garantie pour l’ordre et la liberté ». Il conclut ainsi : « Au Peuple et à ses représentants de féconder le sol labouré par vingt Révolutions. L’élu du Peuple sera l’élu de Dieu » [3]. Son Manifeste est combattu par crainte du spectre de la Terreur.

Sa Simple réponse du 28 mars 1848 [4], réponse selon lui à des attaques calomnieuses, se contente de développer une « idée d’une organisation du travail ». Nicolas Belnet réclame un « droit au travail pour tous, soit agricole, soit industriel » ainsi qu’un « impôt ascendant et descendant proportionnel au revenu ». Son organisation du travail est basée sur l’agriculture et doit être fondée sur le principe de l’Association des capital, travail et talent : « sans capital, le travail est impossible ; sans travail, le capital n’est plus qu’une fiction ». Il s’agit d’associer les « deux éléments de productions ». Mais le talent permet « de doubler, de quintupler les produits [...], dote les mécaniques puissantes, d’instruments, de découvertes, qui viennent augmenter à l’infini la puissance d’action de l’homme sur le capital et le travail même ». Il revendique la mise en place de « colonies agricoles nationales » qui doivent permettre la culture des domaines nationaux, le reboisement, l’assainissement, l’assolement, l’irrigation. Cette organisation du travail doit conduire à remettre au travailleur une part proportionnelle des revenus selon le principe de répartition de l’Association. « Bonheur et intérêt, voilà les deux termes où tendent l’aspiration et l’activité humaine : c’est le sphinx qui dévorera tous les gouvernements qui ne l’auraient pas compris ». Les atelier nationaux décrétés par le Gouvernement provisoire doivent être avant tout agricoles et sont « la voie qui doit acheminer à l’édification complète [du] plan » qu’il développe.

Agent comptable de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles pour le cas de maladie de 1847 à 1850, il vante, dans l’Annuaire de la ville de Dijon, du département de la Côte-d’Or [...] pour l’année 1850, les mérites de la fondation par la Société d’assurance mutuelle, au cours de l’année 1848, d’une boulangerie sociétaire « (établissement nouveau et presque sans précédent), pour l’usage des membres qui composent cette société ». Cette boulangerie, autorisée le 28 août 1847 et dont il est alors le gérant, écrit-il, « prouve une fois de plus [...] la fécondité du principe d’association, étendu seulement à une branche d’industrie ». En dix mois et demi d’existence (son activité débute le 12 février 1848), la boulangerie fournit à deux cents familles l’équivalent de cent-cinquante milles kilos d’un « pain de pur froment, exempt de tout mélange, à trois centimes en moyenne en dessous de la taxe imposée à la boulangerie en générale. La boulangerie enregistre un bénéfice net de quatre mille cinq cents francs ». Il constate que « l’humanité tout entière ne pourrait, sans être accusée de cécité complète, délaisser [ce] principe (l’Association) ».

L’objectif d’améliorer la situation matérielle des classes pauvres en augmentant la qualité des produits et réduisant les prix conduit les boulangers dijonnais relayés par la municipalité à un bras de fer, dès avril 1848 et jusqu’en mai 1853. La boulangerie sociétaire refuse de payer la patente, affirmant être une « association de ménage » : « nous ne sommes pas un boulanger de plus, mais seulement des citoyens faisant leur pain, au lieu de l’acheter chez le marchand ». Sous prétexte d’une vente de pain sur la voie publique à des non-adhérents, le municipalité bonapartiste d’André, à laquelle appartient Gaulin, obtient du Préfet la dissolution de la boulangerie le 2 mai 1853. Il s’agit pour le maire de mettre fin à « un avatar d’une organisation politique obscure », « association qui sous prétexte de philanthropie cachaient le but secret de réunion politique » [5]. En fait, la Société d’assurances mutuelles met fin d’elle-même à l’activité de la boulangerie craignant sans doute des répercussions sur son existence même. La dissolution de la boulangerie sociétaire fait suite à celle de la boucherie sociétaire [6] et met fin aux essais de garantisme à Dijon.