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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Daly, Raymond
Article mis en ligne le 19 mars 2011
dernière modification le 27 mai 2011

par Desmars, Bernard

Né le 23 février 1862 à Wissous (Essonne), décédé le 4 octobre 1908. Fils de César Daly. Avocat. Socialiste.

Raymond Daly est l’un des fils de l’architecte César Daly, ami de Victor Considerant et membre du mouvement sociétaire. C’est donc dès son enfance qu’il découvre le fouriérisme et fréquente quelques-uns de ses partisans.

En relation avec Victor Considerant

En 1869, alors qu’il n’a que sept ans, il rencontre pour la première fois Victor Considerant, tout juste revenu des Etats-Unis, et qui l’intrigue par sa tenue vestimentaire. Étudiant en droit au quartier latin au début des années 1880, Daly retrouve Victor Considerant, notamment au café Soufflet, à l’angle du boulevard Saint-Michel et de la rue des Écoles. Il va également le voir à son domicile, rue du Cardinal Lemoine [1].
En octobre 1890, alors qu’il est devenu socialiste, il est le porte-parole d’un comité auprès de Considerant qui se propose d’offrir à ce dernier un banquet ; il s’agit pour les auteurs de ce projet, d’une part d’honorer celui que les membres du comité appellent « le doyen des socialistes français » (Daly écrit aussi « patriarche du socialisme »), et d’autre part de rassembler « toutes les écoles socialistes autour du plus vénéré d’entre eux », et ainsi, de favoriser l’unification du mouvement socialiste, divisé en de nombreuses organisations. Mais Considerant répond de façon négative à Daly [2].
Au lendemain de la mort de Victor Considerant, Raymond Daly publie dans La Nouvelle Revue un article retraçant la vie de l’ancien chef de l’École sociétaire ; il utilise ses souvenirs personnels pour cette nécrologie, par ailleurs parfois approximative dans son information.

Une fréquentation sentimentale de l’École sociétaire, vers 1900

Dans ce même article, Daly expose les principaux aspects de l’œuvre de Fourier dont il s’efforce de montrer l’actualité : « si l’on veut en dégager les tendances qui seules survivent à tout système, on trouvera dans sa doctrine les sources vives des théories, si en faveur de nos jours, sur les grands services publics, sur la coopération, sur l’association, sur la participation aux bénéfices et tous ces compromis qui, d’après Fourier, devaient caractériser la période de garantisme qui, succédant au règne exclusif du capital, devait préparer l’avènement de la société nouvelle. Les socialistes constateront avec plaisir et étonnement que les théories du minimum assuré à chaque citoyen, de l’équivalence des fonctions, de l’harmonie de production - remplaçant les lois barbares, si chères aux économistes, de la concurrence et de « l’offre et la demande » - ne sont pas si nouvelles qu’ils se plaisent en général à le croire » ; « et ceux qui considèrent das Capital comme la Bible du socialisme feraient peut-être bien de s’instruire aux œuvres qu’ont laissées ces deux écoles qui eurent à un tel degré la conscience de la légitimité et de tous les besoins humains : l’École saint-simonienne et l’École phalanstérienne ». D’ailleurs, Fourier a sa « place parmi les génies les plus considérables de l’humanité ».
Daly est-il fouriériste ? Il est en tout cas qualifié à plusieurs reprises de « condisciple » par La Rénovation, l’organe du courant fouriériste dirigé par Alhaiza [3]. Il participe à plusieurs reprises aux banquets du 7 avril célébrant la naissance de Fourier (il est présent en 1903 et 1904, et envoie un mot pour se faire excuser en 1901 et 1905). Cependant, Alhaiza admet que si « M. Daly est notre condisciple, [...] il incline vers un socialisme un peu différent du nôtre » [4]. Et Daly ne semble pas lui-même se considérer comme phalanstérien même si, dit-il, il a été « marqué [dans sa] formation » par le fouriérisme, et s’il « [se] rattache » au nom de Fourier par beaucoup de « souvenirs intimes » [5]. C’est semble-t-il, surtout par piété filiale qu’il fréquente cette fête annuelle, avouant en 1904 « être ému en entendant [...] M. Alhaiza prononcer, au cours de sa nécrologie phalanstérienne de l’année, le nom qu’il porte, que portait la digne mère qu’il a perdue, celui de l’éminent phalanstérien que fut son père » [6].

Avocat, littérateur et militant socialiste

Raymond Daly a commencé à exercer la profession d’avocat dans les années 1880 ; à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, il plaide devant la cour d’appel de Paris. Il est l’un des rédacteurs de la Revue des conseils de prudhomme, publiée à partir de 1898. La même année, il projette, avec un nommé Chosson, clerc de notaire, de faire paraître de courtes brochures de droit usuel (sous le titre général de « Le droit pour tous »), qui donneraient « à chacun des notions pratiques sur ses droits et es devoirs, à l’occasion des faits de la vie de tous les jours » [7].
A ces travaux judiciaires et juridiques, Daly ajoute des activités littéraires : il est l’auteur de plusieurs contes et nouvelles, publiés dans la Revue hebdomadaire et dans La Plume. Il fréquente alors des écrivains, poètes, artistes, comme Paul Fort, Jean Lorrain, Milosz [8]...
Dans un tout autre domaine, La Rénovation signale en 1898 qu’il est le fondateur d’une société en commandite (la Société française d’exploitation agricole au Tonkin, R. Daly et Cie) [9].
Mais, Daly est également un militant socialiste, qui se situe plutôt du côté des « possibilistes ». Il se présente à diverses élections : il est candidat antiboulangiste en Côte-d’Or en 1889, mais se désiste au second tour en faveur du candidat républicain, qui est élu. En 1898, il se présente à Paris dans le XIIe arrondissement, contre le socialiste Paschal Grousset, député sortant (les deux hommes se battent en duel, avec des armes à feu, quelques jours avant le scrutin ; « deux balles ont été échangées sans résultat », écrit La Presse, le 12 mai 1898) ; en 1904, il est candidat aux élections municipales, dans le quartier des Quinze-Vingts (XIIe arrondissement), contre le conseiller sortant et socialiste indépendant Pierre Morel, et contre un candidat nationaliste. En 1898 comme en 1904, il est largement battu par son concurrent socialiste.
En 1905, lors du congrès d’unité qui fonde le PSU-SFIO, il représente le Nord. En octobre 1908, en annonçant son décès, L’Humanité rend hommage à « un militant [...] qui ne fut pas seulement un socialiste révolutionnaire toujours sur la brèche ; il était aussi un lettré délicat et un avocat éloquent ». Lors de ses obsèques au cimetière Montparnasse, uniquement civiles, Victor Dallé, un militant possibiliste de la SFIO, dit « en quelques paroles émues, tout le regret qu’éprouvait le Parti socialiste de la disparition d’un de ses membres les plus éminents ».