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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Mouillon, (Pierre dit) Charles
Article mis en ligne le 19 mars 2011
dernière modification le 14 juillet 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 22 octobre 1810 et décédé le 28 mai 1847 à Dijon (Côte-d’Or). Ferblantier, boulanger, « ouvrier écrivain », fondateur, membre du comité d’administration puis agent de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles pour les cas de maladies et d’accidents. Fondateur et premier secrétaire de la « boulangerie sociale » dijonnaise.

Charles Mouillon est fils d’un boulanger, Pierre Mouillon et d’Anne Faucillon domiciliés rue Jean-Jacques à Dijon. Son père décède à 40 ans le 14 août 1811, quelques mois après sa naissance. Charles Mouillon se marie à Dijon le 8 février 1836 avec Françoise Germain. Le couple donne naissance à une fille, Marie-Anne, le 2 décembre 1836. Il est alors ferblantier et réside au 45 rue Porte d’Ouche. D’après l’acte de mariage un frère, Jean, témoin, a suivi les traces de son père et est alors boulanger. Le 14 décembre 1839, naît une seconde fille, Pierrine Esther. Charles Mouillon est toujours ferblantier.

Charles Mouillon est un des fondateurs de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles pour les cas de maladie et d’accidents présidée depuis 1837 par Janvier-Auguste Gaulin, ancien saint-simonien, gendre de Gabriel Gabet. La Société fournit, en contrepartie d’une cotisation, des secours pharmaceutiques, médicaux et pécuniaires et verse une aide à la famille du défunts pour les frais funéraires auxquels doivent impérativement assister vingt sociétaires. Elle ne limite par ailleurs pas son intervention à une corporation ouvrière. En 1840, Charles Mouillon devient agent salarié de la Société après avoir été membre du comité d’administration et contrôleur des comptes en 1839. Selon l’article 51 des statuts, il doit verser un cautionnement de 1500 francs. Sa nomination semble provoquer une crise temporaire, certains adhérents prenant le parti du précédent agent remercié par le comité d’administration, sans doute pour laxisme dans sa gestion et ses admissions. Gaulin, dans son rapport moral du 31 janvier 1841, développe les critères draconiens d’admission : « c’est après avoir acquis la certitude qu’il est sobre, laborieux et exact à remplir ses engagemens [sic], que le Comité l’admettra à venir s’asseoir au milieu de vous, Messieurs, qui méritez des collègues sans tache et sans reproche », qualités que ne semblent pas avoir eu les opposants démissionnaires. Les bureaux de la Société quittent la rue Chaudronnerie pour être installés 78 rue Porte d’Ouche.

Le 10 mars 1846, lors du décès de son épouse, le 8 mai suivant lors de celui de sa première fille, Charles Mouillon est alors qualifié de boulanger et réside au 19 et 21 porte d’Ouche. Il reste néanmoins secrétaire de la Société. Ce changement d’activité n’est pas anodin et contribue sans doute à la décision prise par la Société dijonnaise d’assurances mutuelles de fonder une « boulangerie sociale ». Jules Duval dans la Démocratie pacifique des 19 et 26 avril 1846 incite les « sociétés de secours mutuels » à élargir leur champ d’intervention en développant des « magasins de ventes [...] tenus avec ordre, administrés avec économie, dont la tromperie serait exclue avec la spéculation ». Aux services pharmaceutiques et de santé habituellement dispensés, elles doivent adjoindre des sociétés de consommation fournissant des denrées de premières nécessités à bon marché, prélude à des sociétés de production, sociétés de commerce véridique, germes de garantisme. Charles Mouillon devient alors le premier secrétaire fondateur de « l’Agence de la boulangerie » initiée en janvier 1847 et autorisée le 28 août 1847. Selon une publicité parue dans le Spectateur de Dijon du 21 janvier 1847, l’objectif est « de fournir aux membres de cette société, une nourriture saine et au meilleur marché possible [...]. Si l’on considère que chaque boulanger de la ville manutentionne en moyenne le pain nécessaire à la nourriture de 400 personnes au plus, l’on reconnaîtra que les frais généraux de fabrication viennent s’ajouter à chaque kilogramme de pain, une part assez considérable que paie le consommateur sans bénéfice aucun pour le boulanger. C’est une perte réelle qu’une manutention sur une plus grande échelle ferait disparaître ». La société est établie au sein de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles sans obligation d’une adhésion commune. Un fonds de création de soixante actions à 50 francs est prévu, exigible pour moitié et ouvert à des membres extérieurs à la Société d’assurance. Les porteurs, s’ils ne prennent pas leur pain à la boulangerie, reçoivent un bénéfice de 5 % l’an. Handicap pour les plus pauvres, chaque actionnaire doit verser à l’avance l’équivalent d’un mois de sa consommation de pain. Dès le 30 janvier, le Spectateur de Dijon annonce que la boulangerie « est assurée de la sympathie de l’autorité supérieure et municipale », deux-cents chefs de famille ont alors souscrit, quarante actions ont été placées et quatre-vingt candidats se sont présentés pour la réalisation de la boulangerie.

Charles Mouillon appartient alors au groupe phalanstérien dijonnais. Lors du banquet anniversaire commémorant la naissance de Fourier, donné exceptionnellement le 14 juillet 1846, Charles Mouillon porte un long toast en l’honneur des « ouvriers écrivains » : « [...] cette soif d’instruction qui tourmente les ouvriers, ces fécondes aspirations vers une sphère plus élevée que celle où une société marâtre veut les reléguer, éveillent en eux des besoins nouveaux qui veulent être satisfaits. Les attractions sont proportionnelles aux destinées. Aux peuplades sauvages, les fruits [...] peuvent suffire ; aux peuples civilisés, il faut une nourriture plus perfectionnée, Dieu ne peut avoir éveillé en nous des désirs sans avoir mis auprès tout ce qui doit être propre à les satisfaire ». Aux poètes Reboul, Boissy, Festeau, Poncy, Jasmin et Antoinette Quarré, il joint l’œuvre unificatrice et pacificatrice d’Agricol Perdiguier envers les compagnons du devoir et de liberté : « Ah ! Trois fois grande est la mission de cet homme ! Trois fois grand est le courage qu’il a mis au service d’une sainte cause ! ». Les rédacteurs de L’Atelier, de L’Union et de La Fraternité sont aussi à l’honneur. Festeau, Stourm et Boissy, écrivains « socialistes, disciples de FOURIER ; de FOURIER notre maître immortel, de FOURIER dont le nom seul remue si profondément nos coeurs ! » sont célébrés. Une attention particulière est portée à Flora Tristan « sainte martyre » pour qui, il réclame « une obole à sa tombe ». Victor Hennequin, dans un rapport du 23 juin 1846 traitant de ses expositions dijonnaises et des relations entretenues localement, écrit de Mouillon qu’il est « un homme ardent généreux mais susceptible qui a besoin d’égards. Il est très influent sur la classe ouvrière ». Sans vouloir s’engager sur la qualité de la poésie de Mouillon, il demande une lecture, par le comité littéraire de La Démocratie pacifique, des écrits que Mouillon lui a remis.

En 1847, Victor Hennequin traversant la Bourgogne pour se rendre à Besançon en vue de donner une série d’expositions de la doctrine phalanstérienne, note, lors de la rapide halte qu’il effectue, l’absence du « boulanger socialiste, titre encore plus glorieux que celui de boulanger poète » [1]. Charles Mouillon, sans doute déjà souffrant, succombe le 28 mai 1847 suite à une « longue maladie ». Ses obsèques organisées par la Société d’assurance donne lieu à un immense rassemblement : « Dix mille personnes encombraient toutes les rues par lesquelles devait passer le cortège lui-même d’au moins neuf cent personnes » qui suivaient le char où était posé le corps, surmonté d’un « magnifique catafalque ». Belnet qui le remplace comme agent de la Société d’assurance prononce le discours funèbre. Rappelant la générosité de son ami, il évoque également son parcours antérieur à sa découverte de Fourier : « Charles Mouillon avait passé par des opinions démocratiques ardentes avant d’arriver à la connaissance et de se rallier aux principes de la science sociale [...]. Charles Mouillon ne vécut plus que pour l’idée phalanstérienne », espérant jusqu’à son dernier souffle, « une prompte réalisation sociétaire ». Belnet annonce qu’en vue d’honorer ce « solide et dévoué partisan » de la cause sociétaire, une commission a été chargée de compulser les manuscrits qu’il laisse en vue de publier un ouvrage de ses poésies et un autre consacré à la science sociale. En conclusion, Belnet donne lecture d’un des poèmes de Charles Mouillon, « Orage », seule trace de ses écrits, poème qu’il avait dédié à sa fille et que retranscrit la Démocratie pacifique puis ultérieurement Le Myosotis, revue dédiée aux jeunes personnes.