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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Caractère ou Tempérament : entre les deux il faut choisir !
Article mis en ligne le 16 décembre 2010
dernière modification le 20 février 2011

par Cassiot, Alain

En complément de l’article "Les voies de la santé et du plaisir combinés : une gastronomie revisitée", Charles Fourier nous invite non sans humour à transcender une vieille coutume mise à mal en ces temps de baisse du pouvoir d’achat et de contrôle de l’alcoolémie sur les routes.
Voici que notre simple apéritif, promu au rang d’antienne gastrosophique, devient un outil inattendu au service d’une révolution sociale aussi radicale que pacifique et ludique. Tant il est vrai que "la gastronomie ne deviendra science honorable que lorsqu’elle saura pourvoir aux besoins de tous."
En ce sens, il se pourrait que l’antienne gastrosophique, agréable prélude à "la médecine du goût", soit un antidote aussi bien aux dégradations de la santé publique qu’à la morosité d’une société qui ne sait plus comment transformer profondément sans réprimer ce qui fait le sel de la vie.

Extraits du chapitre XXXVII sur l’échelle des caractères et tempéraments
puis du chapitre XXVII sur la Gastrosophie ou sagesse des séries gastronomiques

L’éducation a pour tâche de développer [les] caractères et, de plus, les tempéraments qui sont en même échelle que les caractères [1], mais non pas en assortiment : un pentatone qui est de 5ème degré en caractère n’est point certain d’avoir un tempérament de 5ème degré ; il aura quelquefois le plus opposé à son rôle passionnel.
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Nos sciences réduisent à quatre les tempéraments, et cependant un remède administré à vingt bilieux opérera de vingt manières différentes. Pour classer les tempéraments, il faudrait les développer dès le bas âge, principalement par la voie alimentaire : on voit les enfants remplis de goûts dépravés, comme de manger le plâtre des murs ; c’est qu’on les a laissé manquer de certains comestibles dont la nature leur fait sentir le besoin, et qu’ils ne peuvent définir. L’absence de ces aliments cause une contremarche de l’instinct, et pousse l’enfant à remplacer par des substances nuisibles celles que la nature lui destinait.
On présentera donc aux enfants une grande variété de comestibles, afin de discerner par leurs instincts alimentaires à quelle division ils appartiennent ; on en jugera par la facile digestion des aliments préférés. A la suite de cette première échelle de genres et d’espèces, on cherchera à classer les espèces en échelle de variétés et ténuités ; et un des moyens qu’on emploiera sera l’antienne gastrosophique [2].
Je désigne sous ce nom un très petit repas, avant-coureur de repas, et choisi de manière à exciter un violent appétit au bout d’une demi-heure.
On voit des civilisés essayer ce prélude par un verre d’absinthe ; ce n’est pas là une antienne régulière, qui doit se composer de solide et de liquide, avec variantes selon les dispositions où se trouve l’estomac. On exercera chacun, homme et femme, à bien connaître ses antiennes, afin d’arriver à table avec appétit et digérer avec facilité.
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Une fâcheuse lacune [...] est de n’avoir pas su lier la médecine avec le plaisir, et surtout avec celui du goût. Chaque année voit éclore de nombreux systèmes en médecine, dont pas un, excepté celui de la médecine du coeur, n’a cherché à sortir de l’ornière. Une carrière bien neuve, mais peu fructueuse pour la faculté, serait la médecine du goût, la théorie des antidotes agréables à administrer à chaque maladie.
On a vu des cures opérées par des confitures, des raisins, des pommes reinettes, de bons vins ; j’ai vu une fièvre coupée et dissipée par un petit verre de vieille eau-de-vie. Le peuple a contre le rhume un remède agréable, une bouteille de vin vieux, chaud et sucré, et le sommeil à la suite.
Cette médecine sera une branche de la science dite gastrosophie hygiénique, méthode préservative et curative à la fois ; car elle préviendra tous les excès de table, par l’affluence, la variété de bons comestibles, par la rapide succession de plaisirs faisant diversion à celui de la table.
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Le meilleur préservatif des abus de la table serait donc, pour les enfants comme pour les pères, un ordre de choses où ils deviendraient tous cuisiniers et gourmands raffinés, alliant la gastronomie avec les 3 fonctions de cuisine, conserve, culture, et avec l’hygiène graduée selon les échelles de tempérament.

Charles Fourier, Le Nouveau Monde Industriel et Sociétaire, 1829, 10e Notice, "Etude en mécanique des passions". (Le Nouveau Monde Industriel et Sociétaire, édition Flammarion, 1973 p. 398-399 et 311 sq.)